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    Quels moyens d’action en présence d’un empiétement sur le domaine public routier ?

     

    Il est fréquent que les communes soient confrontées à des empiètements réalisés par les riverains des voies communales (pose de clôture, voire même réalisation de constructions sur le domaine public). Or, de tels empiètements sont lourds de conséquences, puisqu’ils sont sanctionnés pénalement par une amende et la remise en état des lieux.

    Ce conseil en diagonale a pour objet de faire le point sur les limites du domaine public routier au droit des propriétés riveraines et les conséquences résultant d’un empiètement par un riverain sur ce domaine public.

    Les limites du domaine public routier au droit des propriétés riveraines

     Afin de déterminer s’il y a empiètement sur le domaine public routier communal, il est tout d’abord nécessaire de fixer clairement la consistance et les limites de ce domaine.

    Par définition, le domaine public routier communal comprend l’ensemble des biens appartenant à la commune qui sont affectés aux besoins de la circulation terrestre (article L.111-1 du code de la voirie routière - CVR).

    La voirie routière inclut l’assiette de la route, c’est-à-dire la chaussée et sa plate-forme, mais également les dépendances de la voie qui en constituent un accessoire indissociable. Ainsi, talus et fossés nécessaires au soutien de la voie publique, trottoirs ou encore murs de soutènement sont notamment considérés comme des dépendances du domaine public routier, s’ils appartiennent bien à la collectivité. Les places de stationnement qui constituent un accessoire de la voie publique, affectées à l’usage du public et aménagées à cet effet  relèvent également du domaine public routier.

    Lorsque la propriété d’une dépendance (ex talus, fossé) est incertaine, notamment en raison de l’absence de titre de propriété, le juge a dégagé une présomption de propriété publique, dès lors que la dépendance en question est utile à la voie (CE, 15 avril 2015, n° 369339). 

     A noter : les chemins ruraux, affectés à l’usage du public et qui n’ont pas été classés en voie communales, font partie du domaine privé de la commune et n’appartiennent pas au domaine public routier. Leurs limites sont fixées par bornage amiable avec les propriétaires riverains.

    Les limites d’une voie publique sont fixées de manière unilatérale par l’Administration soit par un plan d’alignement (article L.141-3 CVR), soit par un arrêté individuel d’alignement (article L.112-1 alinéa 3 CVR).

    L'établissement d'un plan d'alignement (qui peut porter sur une ou plusieurs voies) est facultatif.

    C’est un outil intéressant qui permet concrètement à l'Administration, de modifier, soit en l'élargissant, soit en la rétrécissant, l'assiette des voies publiques par déplacement des limites préexistantes. Il permet également de fixer précisément les limites de droit de la voie puisque l’emprise incluse dans le plan a vocation à relever de la collectivité.

    En pratique, les communes y ont toutefois peu recours, d’une part car l’élaboration du plan obéit à un formalisme précis (enquête publique notamment) et, d’autre part, car les modifications apportées à l’emprise de la voie ne doivent pas être trop importantes. Par ailleurs, les propriétés privées incluses dans le plan d’alignement ne sont pas nécessairement rattachées à la voie publique dès publication du plan. En effet, pour les terrains bâtis ou clos de murs, la partie du sol concernée n’est transférée à la collectivité propriétaire qu’à la destruction du bâtiment.

    En attendant sa destruction, l’immeuble est frappé d’une servitude de reculement qui interdit à son propriétaire de procéder à des travaux confortatifs ou de réaliser des constructions nouvelles sur la partie de parcelle frappée d’alignement.

    L'alignement individuel, quant à lui, est l'acte par lequel une collectivité indique à un propriétaire riverain d'une voie publique dont elle est gestionnaire les limites de celle-ci au droit de sa propriété. Le riverain est alors tenu de s’y conformer. L'alignement individuel est délivré, soit conformément au plan d'alignement s'il en existe un, soit au regard des limites réelles de la voie publique au droit de la propriété riveraine. Une telle décision est purement déclarative et se borne à constater un état de fait, celui de la limite actuelle de la voie publique. Il en résulte que les propriétaires concernés par un alignement individuel gardent la possibilité de revendiquer devant le juge judiciaire la propriété de l’emprise qui serait concernée par l’alignement.

     En toute hypothèse, les administrés qui envisagent de réaliser des travaux en limite de voies publiques doivent solliciter un alignement individuel pour éviter tout litige ultérieur quant à un éventuel empiètement sur le domaine public routier. 

     La consistance de l’empiètement sur le domaine public routier

     Comme toutes les dépendances publiques, l’occupation privative du domaine public routier nécessite la délivrance d’une autorisation par l’Administration gestionnaire. Aussi, en l’absence d’un tel titre (qu’il n’ait pas été sollicité, accordé ou soit désormais expiré), l’occupation du domaine public routier est irrégulière et constitue un empiètement.

     A titre d’exemple, constituent des empiètements :

    - le mur et le portail construits par un riverain sur une voie communale (Cass. Crim, 8 octobre 1997, n° A96-85.185D),

    - la clôture implantée sans autorisation sur le domaine public routier (CAA Lyon, 26 juin 2001, n° 97LY00875),

    - l’exploitation d’une station de carburant sur le trottoir d’une avenue (CE, 6 ma 1996, n° 162172),

    - ou encore l’installation d’une remorque-boutique sur un parc de stationnement (CA Rennes 21 septembre 2000, n° 1368/2000). 

     Ni la tolérance de l’administration (CE, 17 décembre 1975 Sté Letourneur frères, n°91873), ni le paiement d’une redevance par l’occupant, ne vaut octroi d’une autorisation d’occuper les dépendances du domaine public.

     Les biens du domaine public, y compris routier, sont protégés par les principes d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité (article L.3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques).

    Cela signifie qu’aucune possession prolongée ne permet d’en acquérir la propriété. Aussi, la prescription acquisitive immobilière (article 2258 et 2272 du code civil) est sans effet sur l’occupation de fait du domaine public et ne saurait être invoquée par l’occupant irrégulier.

     A noter : A l’inverse, les personnes publiques peuvent perdre leur droit de propriété sur les dépendances de leur domaine privé (s’agissant des chemins ruraux par exemple) par le jeu de la prescription acquisitive trentenaire.

     Ces considérations expliquent l’impossibilité de principe de régulariser les empiètements commis par les riverains des voies communales :

     - tout d’abord, la cession à l’occupant sans titre du terrain d’emprise sur lequel sont érigées les constructions irrégulières suppose au préalable un acte de déclassement. 

    Or, par principe, toute décision de déclassement doit être justifiée par un motif d'intérêt général. Le déclassement ne peut pas être décidé dans le seul but de faire sortir du domaine public, à titre de régularisation, des biens qui ont fait l'objet d'une désaffectation de fait irrégulière. À défaut, elle est entachée de détournement de pouvoir.

     - ensuite, la délivrance a posteriori d’une autorisation d’occupation (qui revêt toujours un caractère précaire et révocable) est difficilement conciliable avec le caractère perpétuel d’une construction, voire même avec l’affectation initiale de la dépendance (affectation à la circulation s’agissant d’une voie, soutien de la voie pour un talus).

     - enfin, en matière d'infractions relatives à la police de la conservation du domaine public routier national, le ministre chargé de la voirie routière peut transiger avec les justiciables tant qu'un jugement définitif visant à l’expulsion de l’occupant n'est pas intervenu (article L.116-8 CVR). La transaction conduit à un abandon des poursuites. S'agissant en revanche des contraventions intéressant le domaine public routier des communes ou des départements, aucune possibilité de transaction n'est prévue.

     La répression de l’empiètement

     L’obligation d’agir

    Les atteintes au domaine public routier constituent des contraventions de voirie sanctionnées devant le juge judiciaire (article L.116-1 du CVR) et définies à l’article R.116-2 du CVR : « Seront punis d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui : 1° Sans autorisation, auront empiété sur le domaine public routier ou accompli un acte portant ou de nature à porter atteinte à l'intégrité de ce domaine ou de ses dépendances, ainsi qu'à celle des ouvrages, installations, plantations établis sur ledit domaine ; […] 6° Sans autorisation préalable, auront exécuté un travail sur le domaine public routier ;».

     L’autorité en charge de la police de la conservation du domaine public routier communal est tenue de faire cesser les occupations sans titre : « les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public routier sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale de la voirie routière et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge compétent pour statuer sur la répression des atteintes portées à ce domaine, pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine ; que, si l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public, elles ne sauraient légalement s'y soustraire pour des raisons de simple convenance administrative » (CE, 21 novembre 2011, n° 311941).

     Le refus d'une autorité d'engager des poursuites en matière de contravention n’est légal que si la collectivité propriétaire justifie sa décision par des considérations d'ordre public ou de sauvegarde d'intérêts généraux : tel pourrait, par exemple, être le cas d’un mur privé empiétant sur le domaine privé routier qui permet également le soutien, et donc la sécurisation de la voie publique (cf. par analogie : CAA de Nantes, 18 décembre 2007, n° 07NT00023). En l’absence d’une telle justification, la carence du maire à prendre les mesures nécessaires en vue de faire cesser l'occupation irrégulière de la voie publique est fautive et susceptible d’engager la responsabilité de la commune (par exemple, si un administré se trouve dans l’impossibilité d’accéder à sa propriété depuis la voie publique en raison d’un empiètement réalisé par un autre riverain de la voie).

     L’autorité compétente

    La poursuite des contraventions de voirie se rattache à la police de la conservation du domaine public routier. Le maire est donc compétent pour prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement.

    Lorsque les voies communales reconnues comme présentant un intérêt communautaire ont été mises à disposition d’un établissement public de coopération intercommunale, ce transfert de compétence s’accompagne du transfert du pouvoir de police de la conservation des voies. Il appartient alors au Président de l’EPCI de faire cesser l’occupation irrégulière.

     La procédure

    Mettre en demeure le contrevenant d’enlever les ouvrages réalisés

    L'édiction d'une mise en demeure ne constitue pas une obligation à la charge de l’Administration. Dans le cadre d’une démarche amiable préalable à l’engagement des poursuites, il est néanmoins possible d’adresser une mise en demeure de procéder à l’enlèvement des ouvrages faits sur le domaine public dans un certain délai.

    Cette mise en demeure peut enjoindre l’occupant de libérer le domaine public occupé et rappeler que le non respect de cette mise en demeure pourra entrainer la saisine du juge judiciaire dans le cadre du régime des contraventions de voirie routière pour que soit prononcé l’enlèvement des ouvrages faits.

    Elle ne peut toutefois évoquer une quelconque exécution d’office. La jurisprudence n’admet en effet le recours à la procédure d’exécution forcée que dans des cas exceptionnels, lorsque l’administration ne dispose d’aucune sanction pénale, administrative ou civile pour obtenir la libération du domaine public, ou en cas d’urgence née d’un péril imminent ou d’absolue nécessité.

    Engager l’action judiciaire sur le fondement de la contravention de voirie routière

    Si la mise en demeure n’est pas suivie d’effet, il convient de faire dresser procès-verbal de l’infraction réprimée par l’article R.116-2 du CVR précité en sollicitant, le cas échéant, les services de Gendarmerie compétents. Le maire peut également dresser un tel procès-verbal compte tenu de sa qualité d’officier de police judiciaire.

    Ce procès-verbal sera ensuite transmis au procureur de la République qui décidera des suites à donner. Si cette saisine est à privilégier, il est également possible pour la collectivité de saisir directement le tribunal de police par citation directe.

     Les infractions à la conservation du domaine public routier donnent naissance à l'action publique et à l'action civile. L’action publique tend au prononcé de la sanction pénale (amende) alors que l’action civile, régie par l'article L.116-6 du CVR, tend à obtenir réparation de l'atteinte portée au domaine public par l'enlèvement des ouvrages faits et par l'allocation de dommages et intérêts.

    L'action publique des contraventions de voirie se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise (article 9 du code de procédure pénale). En revanche, l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier (l’action civile) est imprescriptible (article L.116-6 du CVR).

     Si les deux actions sont normalement jointes et portées devant le juge pénal, l’action civile peut, notamment lorsque l’infraction est prescrite, être exercée devant le juge civil, c'est-à-dire le tribunal d'instance ou le tribunal de grande instance.



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°290

    Date :

    1 mars 2019

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