Vente immobilière : L’absence de consultation du service des Domaines entraîne-t-elle l’illégalité de la délibération ?
Les communes de plus 2 000 habitants qui souhaitent vendre un immeuble qui leur appartient, doivent requérir l’avis préalable du service France Domaines sur la valeur du bien.
Or, qu’advient-il lorsque le maire n’a pas sollicité cet avis ?
Si l’on aurait tendance à d’emblée considérer que la délibération approuvant la vente est entachée d’un vice de procédure et, par conséquent, illégale, le juge administratif apporte une réponse nuancée à cette affirmation.
Ce Conseil en diagonale fait le point sur cette question.
L’obligation de consulter le service des domaines en cas de vente immobilière dans les communes de plus de 2 000 habitants
La cession des biens des communes est régie parl'article L.2241-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui prévoit notamment que « toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité ».
Comme le rappelle la doctrine ministérielle, les membres du conseil municipal doivent pouvoir choisir en toute connaissance de cause les conditions de la vente et, pour cela, être notamment informés de la valeur de l'immeuble. C'est pourquoi, dans les communes de plus de 2 000 habitants, le conseil municipal délibère au vu de l'avis du service des Domaines, qui doit auparavant avoir été saisi pour réaliser une estimation du bien concerné (Rép. Min. n° 89681 du 5 octobre 2010, JO AN du 23 novembre 2010).
Le conseil municipal ne doit d’ailleurs pas laisser passer trop de temps entre la consultation des Domaines et la délibération validant la vente (CAA Versailles, 28 mars 2013, n° 11VE02279).En pratique, un délai de 6 mois ne devrait pas être dépassé.
Par ailleurs, l'article L.2121-13 du CGCT pose le principe du droit pour tout conseiller municipal, quelle que soit la taille de sa commune, à l'information sur les affaires qui font l'objet d'une délibération. Cela implique que les délibérations du conseil municipal interviennent en toute connaissance de cause et que, pour ce faire, les pièces nécessaires à l'information de chaque conseiller aient été transmises avant la séance afin de disposer d'un temps de réflexion suffisant (TA St-Denis-de-La Réunion, 17 octobre 1990, Vergès). Mais les dispositions de ces articles n'imposent pas que le document lui-même établi par le service des Domaines soit remis aux membres du conseil municipal avant la séance sous peine d'irrégularité de la procédure d'adoption de cette délibération (CE, 11 mai 2011, commune de Vélizy, n° 324173).
Le sort de la délibération prise sans l’avis préalable du service des domaines
La délibération n’est pas forcément illégale
Lorsqu’une commune a délibéré pour acter la vente d’un immeuble sans avoir au préalable sollicité l’avis du service des Domaines, alors que sa population compte plus de 2 000 habitants, cette décision est donc, en l’état, entachée d’un vice de procédure.
Tout vice de procédure n’est cependant pas censuré par le juge administratif. En effet, selon la jurisprudence Dantony, « un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie » (CE, 23 décembre 2011, n° 335033).
Le juge se livre donc à une interprétation très concrète de l’influence du vice en question sur le sens de la décision.
Ainsi, concernant la consultation obligatoire du service des Domaines sur le fondement de l’article L.2241-1 du CGCT à propos du loyer d’un bail emphytéotique consenti par une commune, le Conseil d’Etat a censuré un arrêt de cour administrative d’appel dans la mesure où cette dernière avait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas que l’absence de consultation des Domaines avait pu exercer une influence sur le sens de la décision (CE, 23 octobre 2015, association STEPPES c/ commune de Cabriès, n° 369113).
Sur renvoi, la cour administrative d’appel de Marseille écarte l’illégalité de la délibération en relevant que les conseillers municipaux ont été informés par la notice explicative de synthèse accompagnant la délibération des éléments financiers de l’opération. La cour administrative d’appel conclut « qu’ainsi dans les circonstances particulières de l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’irrégularité tenant à l’absence de l’avis du service des domaines ait été susceptible d’avoir exercé une influence sur le sens de la délibération »[1] (CAA de Marseille, 11 juillet 2016, associations STEPPES n° 15MA04234).
S’il apparaît que le vice de procédure a, selon les principes posés par la jurisprudence « Dantony », eu une incidence « sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie », la délibération est alors illégale et donc être retirée.
Le retrait de la décision illégale
Le retrait de la délibération est enfermé dans des délais stricts.
Dans la mesure où il s’agit d’une décision créatrice de droit (voir en ce sens implicitement : CE, 13 février 2015, société Patio Lafayette, n° 381412), la commune a quatre mois pour la retirer, à compter de son édiction.
Dans ce délai, le maire doit solliciter le service des Domaines pour procéder à une évaluation du bien en cause et le transmettre à l’ensemble des conseillers municipaux préalablement à la réunion adoptant la nouvelle délibération approuvant la vente.
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[1] Sans doute, la cour a également pris en compte le fait que les loyers des baux emphytéotiques sont la plupart du temps symboliques, et donc n’influent pas fondamentalement sur l’économie générale du projet.
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