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    La reprise des tombes abandonnées

    Article

    Sauf mention contraire, les articles visés sont ceux du code général des collectivités territoriales

     Les communes ont souvent à faire face à des sépultures qui ne sont plus entretenues dans leur cimetière.

    Certes, le maire doit, au titre du pouvoir de police spéciale qu’il détient en matière de funérailles et de cimetière (article L.2213-8), veiller à ce que les tombes soient correctement entretenues (il a d’ailleurs pu rappeler cette obligation dans le règlement du cimetière qu’il a édicté).

    Néanmoins, bien souvent, les tombes en question sont anciennes et ont été délaissées, au fil du temps, par les familles. Dans d’autres cas, il n’y a plus de famille pour entretenir la tombe.

    En pareille hypothèse, il convient d’envisager la reprise de la sépulture.

    Cette procédure, dont les modalités de mise en œuvre diffèrent selon la nature de la tombe (concession ou sépulture en terrain commun), s’inscrit également dans le cadre d’une bonne gestion du cimetière puisqu’elle permet à la commune de récupérer des emplacements qui ne sont plus utilisés et de pouvoir, ainsi, les attribuer à nouveau.

    1. La procédure de reprise des concessions funéraires en état d’abandon
    2. La procédure de reprise des sépultures en terrain commun

    La procédure de reprise des concessions funéraires en état d’abandon

    La plupart du temps, ce sont des concessions perpétuelles qui se trouvent en état d’abandon (en effet, auparavant, c’est essentiellement cette catégorie de concession qui était octroyée).

    Néanmoins, il peut arriver que l’emplacement ait été concédé pour une durée limitée. Dans ce cas, il convient de mettre en œuvre une procédure de reprise d’une concession parvenue à échéance et non renouvelée.

    La reprise des concessions perpétuelles

    Les concessions funéraires perpétuelles abandonnées sont reprises dans les conditions prévues aux articles L.2223-17 et L.2223-18, et R.2223-12 et suivants.

    Deux séries de conditions doivent être remplies pour qu’une concession puissent faire l’objet de cette procédure :

    Des conditions de temps : une concession funéraire ne peut être reprise que si elle a plus de trente ans d'existence (ce délai court à compter de l’acte de concession) et qu'aucune inhumation n'a eu lieu depuis plus de dix ans (article R.2223-12).

    A noter : certaines concessions ne peuvent être reprises.

    II en est ainsi des concessions que la commune ou un établissement public est dans l’obligation d’entretenir en exécution d’une donation ou d’une disposition testamentaire régulièrement acceptée, puisque ces concessions ne peuvent être en état d’abandon (article R.2223-23).

    Une condition matérielle : il faut que la concession soit en état d'abandon, c'est-à-dire qu'elle ait cessé d'être entretenue.

    En l'état actuel du droit, la notion d'abandon d'une concession funéraire n’implique pas nécessairement l'état de ruine de la sépulture (puisque dans ce cas, c’est sur le terrain de la « police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations » prévue par le code de la construction et de l’habitation[1] – ancienne police des édifices menaçant ruine – qu’il conviendrait de se placer).

    Il ressort de la jurisprudence qu’une concession « délabrée et envahie par les ronces ou autres plantes parasites » (CE, 24 novembre 1971, n° 79385), recouverte d’herbe ou sur laquelle poussent des arbustes sauvages (CAA Nancy, 3 novembre 1994, n° 93NC00482) doit être considérée comme en état d’abandon et peut faire l’objet d’une reprise.

    La procédure de reprise d’une concession funéraire perpétuelle en état d’abandon obéit à un formalisme strict. Elle se déroule de la manière suivante.

    Constatation de l’état d’abandon

    L’état d’abandon doit être constaté par procès-verbal après transport sur les lieux.

    ▪ Information des descendants ou successeurs du concessionnaire (article R.2223-13)

    Si le maire a connaissance de descendants ou successeurs du titulaire de la concession abandonnée (et éventuellement des personnes chargées de l’entretien de la sépulture), il doit les aviser un mois à l’avance, par lettre recommandée avec accusé de réception, du jour et de l’heure de la constatation et les inviter à y assister ou à se faire représenter.

    Faute d’adresse connue, un avis doit être affiché à la mairie et à la porte du cimetière

    ▪ Visite sur les lieux et rédaction d’un procès-verbal (articles R.2223-13 et R.2223-14)

    L'état d'abandon est constaté par un procès-verbal dressé par le maire ou son délégué après transport sur les lieux, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription ou, à défaut de ce dernier, d'un garde-champêtre ou d'un policier municipal.

    Le procès-verbal :

    - indique l'emplacement exact de la concession ;

    - décrit avec précision l'état dans lequel elle se trouve ;

    - mentionne, lorsque les indications nécessaires ont pu être obtenues, la date de l'acte de concession, le nom des parties qui ont figuré à cet acte, le nom de leurs ayants-droit et des défunts inhumés dans la concession.

    A noter : cette description revêt une importance capitale puisque c’est grâce à elle que, un an plus tard (décret 2022-1127 du 5 août 2022 portant diverses mensures relatives à la règlementation funéraire), lors du second constat, on pourra établir si des améliorations ont été apportées ou si, au contraire, les dégradations constatées ont évolué.

    Une copie de l'acte de concession doit être jointe au procès-verbal. A défaut, le maire doit dresser un acte de notoriété constatant que la concession a été accordée depuis plus de trente ans.

    Le procès-verbal est signé par le maire (ou son délégué) et par les personnes qui ont assisté à la visite des lieux :

    - le fonctionnaire de police, le garde-champêtre ou le policier municipal ;

    - les descendants ou successeurs ou la personne chargée de l’entretien de la concession.

    Lorsque les descendants ou successeurs des concessionnaires ou les personnes chargées de l'entretien de la tombe refusent de signer, il est fait mention spéciale de ce refus.

    ▪ Notification et publicité du procès-verbal

    ▫ Notification à la famille (article R.2223-15) : Lorsqu'il a connaissance de l'existence de descendants ou successeurs des concessionnaires, le maire doit leur notifier le procès-verbal dans les 8 jours suivant la constatation, par lettre recommandée avec accusé de réception.

    Par la même lettre, le maire les met en demeure de rétablir la concession en bon état d'entretien.

    A noter : le CGCT ne prévoit pas que le procès-verbal doive être notifié aux personnes chargées de l’entretien de la concession.

    Néanmoins, dans la mesure où ces personnes sont invitées à participer à la visite, on peut supposer qu’elles puissent être également destinataires du procès-verbal.

    ▫ Publicité (article R.2223-16) : Dans le même délai de 8 jours, le maire porte à la connaissance du public des extraits du procès-verbal par affichage durant un mois à la porte de la mairie et à celle du cimetière.

    Ces affiches sont renouvelées 2 fois à 15 jours d'intervalle.

    En pratique, interviennent donc trois affichages d'un mois entrecoupés par deux quinzaines sans affichages. Les extraits de ce procès-verbal font donc l'objet de trois affichages successifs puisque ces affiches sont renouvelées deux fois à quinze jours d'intervalle (réponses ministérielles à questions écrites n° 33615 du 2 août 1999, JO AN du 4 octobre 1999 et n° 04374 du 7 février 2013, JO Sénat du 20 juin 2013).

    Un certificat signé par le maire doit être établi pour constater l’accomplissement de ces affichages.

    ▪ Tenue d’une liste des concessions faisant l’objet d’une procédure de reprise (article R.2223-17)

    Dans chaque mairie, il est tenu une liste des concessions dont l'état d'abandon a été constaté conformément à la procédure qui vient d'être décrite. Cette liste doit être déposée au bureau du conservateur du cimetière (si cet emploi existe) ainsi qu'à la préfecture et à la sous-préfecture.

    A l'entrée du cimetière, une inscription indique les endroits où cette liste est déposée et peut être consultée par le public.

    Décision de reprise 

    A l’expiration d’un délai d'un an ( article L.2223-17 du CGCT  modifié par  loi n° 2022-217 du 21 février 2022  dite loi "3DS") suivant l’accomplissement des formalités de publicité (le délai commence à courir à l'expiration de la période d'affichage des extraits de procès-verbal), lorsque la concession est toujours en état d’abandon, un nouveau procès-verbal doit être dressé par le maire (ou son délégué), dans les mêmes conditions et formes que celles prévues pour le 1er procès-verbal de constatation (cf. supra points relatifs à l’information des descendants ou successeurs du concessionnaire, à la visite sur les lieux et à la rédaction du procès-verbal).

    Durant ce délai, aucun acte d’entretien ne doit être constaté.

    A noter : il n'existe aucune définition de l'acte d'entretien.

    Certains auteurs considèrent que l’acte susceptible d’interrompre le délai d'un an, doit être accompli par les descendants, les successeurs ou encore les personnes chargées de l'entretien.

    Néanmoins, il nous semble qu’un entretien réalisé par un agent de la commune est également susceptible de faire échec à la poursuite de la procédure. En effet, il pourrait échapper au maire que l’entretien a été réalisé par ses services. Et lors de la visite pour dresser le 2ème procès-verbal, l’édile ne pourrait que constater une « amélioration » de l’état de la sépulture.

    Ce procès-verbal doit être notifié aux intéressés avec indication de la mesure qui doit être prise.

    A noter : le CGCT ne prévoit pas que ce 2ème procès-verbal doive faire l’objet des mêmes formalités d’affichage que le 1er.

    De même, il ne donne aucune indication quant au délai dans lequel ce 2ème procès-verbal doit être notifié. Dans le silence des textes, on peut appliquer le délai prévu pour la notification du 1er procès-verbal (8 jours).

    Un mois après cette notification, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non.

    Dans l'affirmative, le maire peut prendre un arrêté qui prononce la reprise de la concession.

    Cet arrêté doit être motivé et viser notamment les deux procès-verbaux de constat d’abandon, les certificats d’affichage de ces procès-verbaux ainsi que la délibération du conseil municipal décidant la reprise.

    Il doit préciser si les monuments et emblèmes funéraires restés sur les concessions seront retirés dans un délai de 30 jours à compter de la publication et de la notification de l’arrêté.

    Il est exécutoire de plein droit dès qu'il a été procédé à sa publication et à sa notification.

    Suites de la décision de reprise (articles R.2223-20 et R.2223-21)

    ▪ Trente jours après la publication et la notification de l'arrêté de reprise, le maire peut faire enlever les matériaux des monuments et emblèmes funéraires restés sur la concession.

    ▪ Par ailleurs, le maire doit faire procéder à l'exhumation des restes des personnes inhumées.

    En principe, la présence d'un parent ou d'un mandataire de la famille n'est pas requise pour cette opération (l'article R.2213-40 relatif aux exhumations à la demande des familles, ne s'applique pas en l'espèce).

    De la même manière, un fonctionnaire de police n’a pas à être présent, cette opération ne donnant pas lieu à une surveillance.

    Les restes mortels doivent être placés dans un cercueil aux dimensions appropriées (article R.2223-20). Ils peuvent également être placés dans une boîte à ossements (appelés également reliquaire) (Guide juridique relatif à la législation funéraire – article R.2213-42).

    Le cercueil (ou la boîte à ossements) contenant les restes doit ensuite être déposé dans l'ossuaire. Le maire peut également faire procéder à sa crémation en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt (article L.2223-4). Les cendres sont alors déposées dans un columbarium, dans l’ossuaire, ou encore répandues dans le jardin du souvenir (article R.2223-6).

    Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l'ossuaire.

    Pour éviter l’anonymat, l’ossuaire ou le jardin du souvenir doivent comporter un dispositif réalisé en matériaux durables sur lequel sont gravés les noms des personnes exhumées. De la même manière, ces noms sont consignés dans un registre tenu à la disposition du public. Ces obligations subsistent même si aucun reste n’a été retrouvé l’ossuaire (articles R.2223-6 dernier alinéa et R.2512-33).

    ▪ Lorsque toutes ces formalités ont été accomplies, la commune peut à nouveau concéder le terrain repris à une autre personne (article R.2223-21), ou l’affecter à un autre usage (comme caveau provisoire par exemple).

    La reprise des concessions à durée limitée

    Cette procédure concerne les concessions temporaires (entre 5 et 15 ans), trentenaires et cinquantenaires qui arrivent à échéance et qui n’ont jamais fait l’objet d’une demande de renouvellement ou de conversion dans les délais prévus (article L.2223-15).

    Dans ce cas, le terrain concédé fait retour à la commune. Cependant, il ne pourra être repris que 2 années révolues[2] après l'expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé (même article L.2223-15).

    Il convient de signaler que l’article L.2223-15 susvisé ne contient aucune disposition concernant les règles à observer pour mener la procédure de reprise. En effet, il n’impose au maire ni de publier un avis de reprise de la concession arrivée à terme, ni d’aviser la famille de cette reprise et de l’exhumation des restes mortels.

    La jurisprudence a d’ailleurs plusieurs fois rappelé que lorsque les concessions sont arrivées à échéance, la commune peut reprendre « sans aucune formalité » les terrains objets de l’ancienne concession (CE, 26 juillet 1985, Lefevre et autres contre commune de Levallois-Perret, n° 36749).

    Néanmoins, ainsi que l’a indiqué le Guide relatif à la législation funéraire de la DGCL, bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale, le juge invite les communes à faire preuve de diligence dans la reprise de ces concessions, afin de permettre aux familles de prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des dépouilles.

    Aussi est-il préférable que les communes prennent les mesures adéquates pour informer les familles, lorsqu’elles sont connues, de leur intention de reprendre une concession, et pour les aviser, le cas échéant, des exhumations consécutives à une reprise, au cas où elles désireraient être présentes ou représentées.

    La procédure de reprise des sépultures en terrain commun

    Le « terrain commun » est le terme qui remplace celui de « fosse commune » ou de « carré des indigents ».

    Il est constitué d’emplacements individuels destinés à accueillir gratuitement les corps des personnes disposant du droit à être inhumé dans le cimetière communal.

    Il est important de rappeler que les communes ont l’obligation de mettre à disposition de tels emplacements alors que l’instauration d’un régime de délivrance de concessions funéraires, est facultative.

    Voir en ce sens :

    ▪ Article L.2223-1 : « Chaque commune (…) dispose d'au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l'inhumation des morts (…) ».

    ▪ Article L.2223-3 : « La sépulture dans un cimetière d'une commune est due :

    1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;

    2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;

    3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;

    4° Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci (…) ».

    ▪ Article L.2223-13 : « Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs (…) ».

    Pour reprendre les terrains sur lesquels sont implantées ce type de sépultures, il convient de faire application des dispositions de l’article R.2223-5 selon lesquelles « l'ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n'a lieu que de cinq années en cinq années ».

    Ainsi, au terme du délai de cinq ans, sauf indication contraire et conformément au règlement du cimetière, la commune peut reprendre le terrain pour y établir une nouvelle sépulture.

    Comme le précise l’article R.2223-5 susvisé, l'ouverture de fosses n'a lieu que de cinq années en cinq années. Ce délai de « rotation » correspond en effet à une dégradation normale du corps. Il ne peut être raccourci, mais il peut être allongé. Par conséquent, si lors de l'ouverture de la fosse, le corps est insuffisamment dégradé, celle-ci devra être refermée et l'opération sera ajournée, faute de quoi la commune commettrait un délit de violation de sépulture.

    Le CGCT ne prévoit pas de procédure formalisée s'agissant de la reprise de sépultures en terrain commun à la différence de la reprise de concessions à l’état d’abandon. Il ne contient pas plus d’indication quant à l’autorité compétente pour la prononcer.

    Dans le silence des textes, certains auteurs se sont appuyés sur les pouvoirs de police dont dispose le maire en matière de cimetière et de funérailles et sur la jurisprudence (CAA Marseille, 10 mars 2011, n° 09MA00288), pour considérer que c’est le maire qui est compétent pour prescrire la reprise des terrains communs et qu’un simple arrêté suffit pour l’acter.

    L’arrêté doit préciser la date effective de la reprise et le délai laissé aux familles pour enlever les objets, signes et monuments funéraires sur la sépulture.

    Cet arrêté doit être affiché à la porte de la mairie et du cimetière. Il peut éventuellement être notifié aux membres connus de la famille.

    La commune ne pourra utiliser à nouveau la fosse qu'à la condition :

    - que le corps qui y a été inhumé soit consumé ;

    - que, s'il ne subsiste que des débris, qu'après que ceux-ci aient été recueillis et déposés dans un ossuaire.

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    [1] Articles L.511-1 et suivants, et R.511-1 et suivants.

    [2] Dans l'intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement (article L.2223-15 dernier alinéa).

     

     



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°312

    Date :

    1 novembre 2021

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