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    Terrains non entretenus : les moyens d'action du maire

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    Concernant les terrains non entretenus le maire peut intervenir au titre de la violation du règlement sanitaire départemental (RSD) ou sur le fondement du code général des collectivités territoriales (CGCT).

    Intervention au titre de la violation des dispositions du Règlement sanitaire départemental (RSD)

    Selon l’article 23-3 du RSD, « les jardins et leurs aménagements, ainsi que les plantations [des locaux à usage d’habitation] doivent être soigneusement entretenus de façon à maintenir l'hygiène et la salubrité des habitations et de leur environnement ».

    Par ailleurs, l’article 32 du même règlement prévoit que « les propriétaires et les occupants d'un immeuble, bâti ou non, sont tenus d'assurer, dans le cadre de leurs obligations respectives, un entretien satisfaisant des terrains, des bâtiments, de leurs abords.

    Les travaux d'entretien doivent être exécutés périodiquement (…) ».

    Au titre de ses pouvoirs de police, le maire doit faire respecter les dispositions du RSD (article L.1421-4 du code de la santé publique). Ainsi, il lui revient d'adresser, en tant que de besoin, des injonctions aux particuliers ne se conformant pas aux dispositions de ce règlement. Son inaction dans ce domaine est susceptible de caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CE, 25 septembre 1987, n° 68501).

    La procédure à mettre en œuvre en pareil cas requiert :

    - la mise en œuvre d’une procédure contradictoire préalable (articles L.121-1 et L.122-1 du code des relations entre le public et l‘administration (CRPA) : « les décisions (…) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales » : en pratique, le maire doit envoyer un courrier à l’administré lui précisant les faits susceptibles de lui être reprochés et solliciter ses observations sur les mesures que le contrevenant compte prendre ;

    - que le maire mette en demeure l’administré de procéder au nettoyage de son terrain ;

    - si la mise en demeure est restée infructueuse, de faire constater les infractions par procès-verbal1.

    En cas de violation des prescriptions du RSD, l’article 7 du décret n° 2003-462 sanctionne le contrevenant de la peine d’amende prévue pour les contraventions de 3ème classe, soit 450 €.

    Intervention sur le fondement du code général des collectivités territoriales (CGCT)

    Le CGCT permet au maire d’intervenir à plusieurs titres lorsqu’il est confronté à un terrain non entretenu :

    - pour des motifs d’environnement, sur le fondement de l’article L.2213-25 qui offre la possibilité à la commune d’agir d’office en cas de carence du propriétaire à entretenir son bien (terrain non bâti ou une partie de terrain non bâtie) ;

    - en toute hypothèse, en cas d’atteinte à l’ordre public, en s’appuyant sur les dispositions de l’article L.2212-2 ;

    - si le bien est sans occupant à titre habituel, en mettant en œuvre la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon prévue par les articles L.2243-1 et suivants.

    Sur la remise en état d’un terrain en friche pour un motif d’environnement

    La mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L.2213-25 du CGCT requiert la réunion de plusieurs conditions qui tiennent, d’une part, à la nature et à la localisation du terrain visé et, d’autre part, aux motifs qui peuvent être invoqués pour justifier une action sur son fondement :

    ▫ D’abord, cet article n’est applicable qu’à un terrain non bâti ou à une partie de terrain non bâtie2 qui, au surplus, est situé(e) à l’intérieur d’une zone d’habitation ou à une distance maximum de 50 mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines appartenant au propriétaire en cause.

    ▫ Ensuite, une mesure de police prise sur le fondement de ce texte doit reposer exclusivement sur des motifs liés à l’environnement.

    Ne pourront donc pas être invoqués des motifs tenant à la sécurité ou à la salubrité publique (voir TA Nancy, 30 décembre 2002, Consorts P. et D.).

    En revanche, il a été jugé que préjudiciait à l’environnement dans un milieu urbain situé à proximité immédiate du centre historique de la commune, un terrain envahi d’une végétation abondante et vigoureuse et sur lequel étaient abandonnés des engins de chantier détériorés et inutilisés depuis de nombreuses années (CAA Nancy, 17 janvier 2008, n° 06NC01005).

    Le juge a également considéré qu’un terrain situé à l’intérieur d’une zone d’habitation étant demeuré encombré de gravats issus de la démolition d’un immeuble et divers détritus et déchets de chantiers y ayant ensuite été accumulés sans qu’il soit prouvé que c’était pour servir à une nouvelle construction, le maire pouvait légalement faire procéder d’office à la remise en état de ce terrain sur le fondement de l’article L.2213-25 après avoir vainement mis en demeure son propriétaire d’y procéder (CAA Nancy, 11 février 2010, n° 09NC00279).

    Lorsque toutes ces conditions sont réunies, le maire peut alors prendre, à l’encontre du propriétaire concerné, un arrêté individuel motivé le mettant en demeure d’exécuter les travaux de remise en état de son terrain dans un délai déterminé (un délai minimum de huit à quinze jours, selon le degré de gravité et d’urgence des circonstances, paraît constituer un délai raisonnable).

    Pour être exécutoire, cet arrêté devra faire l’objet d’une notification à l’intéressé et être transmis au préfet pour contrôle de légalité.

    En outre, il ne pourra intervenir « qu’après que la personne intéressée [aura] été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales », conformément à ce qu’exigent les articles L.121-1 et L.122-1 du CRPA (cf. supra pour la mise en œuvre de la procédure contradictoire préalable).

    Une fois l’arrêté pris et rendu exécutoire, s’il n’est pas suivi d’effets dans le délai imparti, un procès-verbal de la situation devra être dressé. Le maire devra ensuite prendre un arrêté de remise en état d’office du terrain afin de faire procéder, aux lieu et place du propriétaire et à ses frais, aux travaux prescrits.

    Sur la remise en état d’un terrain en friche pour un motif d’ordre public

    Lorsque les conditions de l’article L.2213-25 ne sont pas réunies, le maire peut faire usage des pouvoirs de police qu’il détient en application de l’article L.2212-2.

    En vertu de cet article en effet, le maire est investi d’un pouvoir de police administrative générale sur le territoire communal en vue « d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». A ce titre, il se voit plus particulièrement confier « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies (…) » (article L.2212-2 5° du CGCT).

    C’est sur ce fondement que le maire peut prendre un arrêté individuel afin d’amener le propriétaire concerné à entretenir son terrain.

    Cet arrêté ne pourra intervenir qu’après que la procédure contradictoire exigées par les articles L.121-1 et L.122-1 du CRPA (cf. supra), soient mise en œuvre.

    Il devra être motivé, c’est-à-dire faire apparaître de façon claire et expresse les motifs de fait et de droit qui conduisent le maire à l’édicter. En l’occurrence, il pourra s’agir de tout motif tenant à la salubrité et/ou à la sécurité publique(s).

    Enfin, l’arrêté devra également être notifié à l’intéressé et transmis au contrôle de légalité.

    En cas d’inaction du propriétaire dans le délai que le maire lui aura laissé pour faire les travaux, ce dernier encourra une amende de 150 € maximum (articles R.610-5 et 131-13 du code pénal).

    Dans le cadre de la police administrative générale en effet, et hormis l’hypothèse où elle est expressément prévue par un texte, l’action d’office n’est possible qu’en cas « d’urgence née d’un péril imminent » selon la formule consacrée par la jurisprudence, soit dans des circonstances d’une particulière gravité.

    Sur la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon

    Selon l’article L.2243-1 du CGCT, « lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d'abandon manifeste ».

    Si cette procédure vise principalement à inciter le propriétaire à effectuer une remise en état de sa propriété, elle permet, à défaut de travaux, d’obtenir l’expropriation de l’immeuble au profit de la commune qui sera tenue de l’utiliser dans un but d’intérêt public (cf. article L.2243-3 du même code : l'expropriation doit être poursuivie « en vue soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat, soit de tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement, soit de la création de réserves foncières permettant la réalisation de telles opérations »).

    Elle se déroule selon le schéma suivant :

    ▪ Repérage des parcelles (bâties ou non) dépourvues d’occupants à titre habituel et manifestement non entretenues.

    ▪ Identification des propriétaires, titulaires de droits réels et autres personnes intéressées.

    ▪ Procès-verbal (PV) provisoire du maire constatant l’état d’abandon manifeste et précisant la nature des travaux à réaliser pour faire cesser l’état d’abandon.

    ▪ Publicité et notification du PV :

    ▫ Notification du PV aux propriétaires, titulaires de droits réels et autres intéressés.

    ▫ Affichage pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés.

    ▫ Publication dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département.

    En cas de non identification d’un intéressé, ou si son domicile n’est pas connu, la notification le concernant est faite à la mairie qui l’affiche pendant trois mois.

    Sous peine de nullité, la notification reproduit intégralement les termes des articles L.2243-1 à L.2243-4 du CGCT.

    ▪ Délai de 6 mois3 pendant lequel le propriétaire peut s’engager à réaliser les travaux (avec un délai supplémentaire possible pour les réaliser).

    En cas de carence ou de manquement à cet engagement, la procédure est poursuivie ou reprise.

    ▪ PV définitif du maire constatant l’état d’abandon manifeste de la parcelle.

    ▪ Délibération du conseil municipal (sur saisine du maire) décidant de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune pour une destination déterminée.

    Cette délibération doit être notifiée à chacun des propriétaires.

    ▪ Procédure simplifiée d’expropriation pour cause d’utilité publique, dans les conditions prévues à l’article L.2243-4 du CGCT.

    Il convient de signaler que cet article L.2243-4 fixe les conditions dans lesquelles la phase « administrative » de la procédure d’expropriation se déroule, mais renvoie aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique pour ce qui concerne la phase « judiciaire ».

    ▫ Dans le cadre d’une déclaration de parcelle en état d’abandon, la phase administrative est simplifiée en raison de l’absence d’enquête publique formalisée (celle-ci étant remplacée par une information du public). Cette phase se déroule de la manière suivante :

    • Dans un délai de six mois à compter de la déclaration d'état d'abandon manifeste, le maire4 doit constituer un dossier présentant le projet simplifié d'acquisition publique, ainsi que l'évaluation sommaire de son coût.

    Il doit être mis à la disposition du public, pendant une durée minimale d'un mois, afin qu’il puisse formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération5 du conseil municipal.

    • Le préfet doit prendre un arrêté au vu de ce dossier et des observations formulées par le public. Cet arrêté :

    - déclare l'utilité publique du projet, et détermine la liste des biens à exproprier ainsi que l'identité des propriétaires ;

    - déclare cessibles lesdits biens ;

    - indique la collectivité publique ou l'organisme au profit duquel est poursuivie l'expropriation ;

    - fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires

    - fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou consignation de l'indemnité provisionnelle (cette date doit être postérieure d'au moins deux mois à la publication de l'arrêté).

    Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.

    ▫ Dans le mois qui suit la prise de possession, la commune doit poursuivre la procédure dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

    Il s’agit de la phase dite « judiciaire », qui correspond :

    - au transfert de propriété du bien : ce transfert peut avoir lieu soit par accord amiable, soit par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation (article L.220-1).

    - et à l’indemnisation du propriétaire : la commune doit proposer une offre d’indemnisation à l’exproprié, par lettre recommandée avec accusé de réception (article L.311-4) ; en l’absence d’accord, l’indemnité sera fixée par ordonnance du juge (articles L.311-5, et R.311-9 et suivants).

    A noter : les procédures de déclaration de parcelle en état manifeste d’abandon et de péril (désormais procédure de mise en sécurité) peuvent se succéder, voire même être concomitantes mais elles doivent demeurer indépendantes, les objectifs poursuivis n’étant pas les mêmes et devant être dissociés (voir en ce sens CAA Nancy, 22 juin 2006, n° 04NC00546 : légalité de la déclaration d’abandon manifeste et de la déclaration d’utilité publique subséquente alors que l’immeuble litigieux avait déjà fait l’objet d’un arrêté de péril imminent ; CAA Nancy, 2 avril 2009, n° 08NC00276 : la cour a écarté l’argument tiré du détournement de pouvoir bien que la procédure d’abandon manifeste avait été précédée d’une procédure de péril imminent sur les mêmes parcelles ; CE, 5 mai 2014, n° 361319 : dans cette affaire, le juge relève que les titres exécutoires correspondant aux travaux exécutés d’office par une commune dans le cadre d’un arrêté de péril « sont étrangers à la procédure d’abandon manifeste poursuivie par la commune »).

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    1En leur qualité d’officier de police judiciaire, le maire et ses adjoints peuvent eux-mêmes établir un tel PV (article 16 du code de procédure pénale). Néanmoins, dans la plupart des cas, il est fait appel aux services de Gendarmerie qui ont plus l’habitude d’établir ce type d’acte.

    2 Il convient de signaler que la loi 3DS du 21 février 2022 a étendu ce pouvoir de police « aux parties de terrain non bâties » (alors qu’auparavant, ce pouvoir ne pouvait être mis en œuvre que pour des terrains non bâtis).

    Cela signifie que les maires peuvent désormais l’exercer sur une parcelle partiellement bâtie, sur la partie non bâtie.

    3Durée des mesures de publicité et notification + nouveau délai de 3 mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications.

    4Ce dossier peut être constitué par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou du Conseil départemental, à la demande du maire ou s’il n’a pas engagé la procédure d’expropriation dans le délai de six mois à compter de la déclaration d'état d'abandon manifeste.

    5 En l’absence d’indication, on peut considérer que les conditions dans lesquelles le public peut formuler ses observations, peuvent être précisées dans la délibération déclarant la parcelle en état d'abandon manifeste et décidant d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune.



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°322

    Date :

    1 novembre 2022

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