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    Le maire et les décharges sauvages

    12/09/2019

    Bien des communes se trouvent confrontées à la question des nuisances causées par les dépôts sauvages de déchets.

    Si chacun s'accorde à condamner ces pratiques, il n'en reste pas moins que les mauvaises habitudes perdurent.

    Cette Fiche technique rappelle les pouvoirs du maire en présence de tels dépôts et les procédures qui lui incombent de mettre en œuvre pour y mettre fin.

    1. Sur les fondements de l’intervention du maire
    2. Sur la mise en œuvre d’une procédure administrative pour prévenir ou faire cesser le dépôt sauvage sur le terrain privé
      1.  Le responsable du dépôt sauvage de déchets est identifié
      2. Le responsable du dépôt sauvage de déchets n’est pas identifié
    3. Sur les moyens d’action pour faire cesser le dépôt sauvage sur les voies publiques
      1.  Le responsable du dépôt sauvage de déchets est identifié
      2.  Le responsable du dépôt sauvage de déchets n’est pas identifié
    4. Sur la mise en œuvre d’une procédure pénale

    Sur les fondements de l’intervention du maire

    Les dépôts, par des administrés, de déchets effectués en des lieux non adaptés, impose au maire d’agir pour y mettre un terme. Son intervention repose sur plusieurs fondements.

    D’abord, les pouvoirs de police générale dont il dispose, au titre de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), lui confient le soin « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».

    A ce titre, il doit en particulier :

    • veiller à la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement et l'enlèvement des encombrements ;
    • réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies publiques ;
    • prévenir les pollutions de toute nature.

    Par ailleurs, en application des articles L.1311-1 et L.1311-2 du code de la santé publique, il appartient au maire de faire respecter les dispositions du Règlement sanitaire départemental.

    Or, ce dernier contient expressément des dispositions concernant les dépôts sauvages d’ordures puisque l’article 84 interdit « tout dépôt sauvage d’ordures ou de détritus de quelque nature que ce soit ainsi que toute décharge brute d’ordures ménagères ».

    De plus, l’article L.541-3 du code de l’environnement permet au maire, en sa qualité d’autorité titulaire du pouvoir de police, après une mise en demeure restée infructueuse, d’assurer d’office l’élimination des déchets (abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du code de l’environnement) aux frais du responsable (cf. infra procédure administrative).

     Enfin, le code pénal autorise le maire à engager une action pénale.

    Sur la mise en œuvre d’une procédure administrative pour prévenir ou faire cesser le dépôt sauvage sur le terrain privé

     A titre préventif, le maire peut prendre un arrêté rappelant les conditions de collecte des déchets sur sa commune et interdisant le dépôt sauvage de déchets.

    Confronté à un dépôt sauvage de déchets sur un terrain privé, deux situations sont à distinguer selon que le responsable du dépôt est identifié ou pas.

     Le responsable du dépôt sauvage de déchets est identifié

    Selon l’article L.541-1-1 du code de l’environnement, est un déchet « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ».

    Amenée à apporter des précisions sur cette définition, la doctrine considère que «  les objets accumulés sur un terrain privé (…) ne sont pas forcément des déchets au sens de [l'article L.541-1-1] du code de l'environnement. (…). Le seul fait de déposer des objets divers sur son propre terrain - que l'occupant soit propriétaire ou locataire - ne permet donc pas d'affirmer que la personne entend s'en défaire de façon définitive. Par ailleurs, il n'y a pas non plus d'obligation de se défaire de la plupart des objets qu'une personne peut détenir, même s'ils sont usagés. Si l'accumulation d'objets divers sur une propriété constitue une atteinte à la salubrité publique, par exemple en provoquant des odeurs, en présentant un risque d'incendie ou de pollution des sols ou de l'eau ou en attirant des nuisibles, le maire peut, en application de l'article L.541-3 du code de l'environnement, ordonner au détenteur de ces objets de s'en défaire dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. Au besoin, le maire peut aussi indiquer des solutions pour faire évacuer les encombrants » (Rép. Min. n° 17051 du 5 février 2013, JO AN du 29 avril 2014).

    Au vu de ce qui précède, le maire a l’obligation d’intervenir :

    • s’il est avéré que les objets abandonnés ou entreposés constituent bien des déchets dont le détenteur entend se défaire de manière définitive et qu’il ne le fait pas; (Des objets qui peuvent être qualifiés de déchets au sens du code de l’environnement, doivent être gérés, c’est-à-dire stockés et éliminés, conformément aux prescriptions en vigueur (article L.541-2 de ce code). Cela n’est pas le cas lorsqu’ils sont stockés sur un terrain privé.)
    • ou si l’accumulation de ces objets constitue une atteinte à la salubrité publique (par exemple en provoquant des odeurs, en présentant un risque d'incendie ou de pollution des sols ou de l'eau ou en attirant des nuisibles).

    Toute carence de sa part est constitutive d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune (CE, 28 octobre 1977, Commune de Merfy, n° 95537 01493).

    La procédure à mettre en œuvre est la suivante (article L.541-3 du code de l’environnement et circulaire n° 85-02 du 4 janvier 1985 relative à l’élimination des dépôts sauvages de déchets par exécution d’office aux frais du responsable) :

    • Avant de mettre en demeure le détenteur des déchets de les éliminer conformément à la réglementation en vigueur, le maire doit :
    1. l’aviser des faits qui lui sont reprochés et des sanctions qu’il encourt,
    2. et l’informer de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. 
    • Ensuite, le maire doit adresser au détenteur des déchets une mise en demeure pour qu’il procède à leur élimination conformément aux règlements en vigueur, dans un délai déterminé.
    • En cas de non-respect de la mise en demeure, un procès-verbal doit être dressé et transmis à la personne responsable du dépôt de déchets. Sont notamment habilités à rechercher et constater les infractions à la réglementation en vigueur concernant la gestion des déchets le maire et les adjoints, en leur qualité d’officiers de police judiciaire, les agents de police municipale et les gardes champêtres (en leur qualité d’agents de police judiciaire adjoints), ainsi que les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés.
    • A défaut d’exécution dans le délai imparti par la mise en demeure, le maire doit prendre un arrêté municipal imposant l’élimination d’office des déchets, en lieu et place de la personne mise en demeure, et à ses frais.

    Il est également possible d’obliger le responsable de consigner entre les mains du comptable public une somme répondant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux. Les sommes consignées peuvent, le cas échéant, être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office.

    • Par ailleurs, en cas d'urgence, le maire devra fixer les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement (article L.541-3 II du code de l’environnement).

    Il convient de signaler que le transfert de la compétence collecte des déchets ménagers à un groupement de collectivités (établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou syndicat) emporte automatiquement (sauf opposition ou renonciation) le transfert au président de ce groupement du pouvoir de police spéciale lui permettant de réglementer la collecte des déchets (articles L.5211-9-2 et L.2224-16 du CGCT).

    Le pouvoir de police spéciale mis en œuvre dans le cadre de la procédure prévue à l’article L.541-3 du code de l’environnement est distinct de celui défini à l’article du CGCT. Il est donc exclu du champ du transfert au président de l’intercommunalité et demeure de la compétence du maire de la commune (Rép. Min. n° 121456 du 8 novembre 2011, JO AN du 3 avril 2012).

     

    Le responsable du dépôt sauvage de déchets n’est pas identifié

    A défaut d’identifier le responsable du dépôt sauvage, le maire peut se retourner contre le propriétaire du terrain puisque en application de l’article L.541-1-1 du code de l’environnement, est considéré comme le détenteur de déchets celui que les a produit mais également « toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ».

    Les décisions rendues en la matière par le juge administratif vont d’ailleurs dans ce sens puisqu’il considère que « le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l'absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L.541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain » (CE, 26 juillet 2011, n° 328651 ; CE, 24 octobre 2017, n° 361231), et que l’intéressé peut « être de ce fait assujetti à l’obligations d’éliminer ces déchets » (CE, 25 septembre 2013, n° 358923).

    La procédure administrative décrite précédemment pourra ainsi être menée à l’encontre du propriétaire du terrain sur lequel sont effectués les dépôts s’il a fait preuve de négligence. Tel sera le cas si, ayant connaissance de la situation, il n’a pas pris les mesures nécessaires pour y remédier (par exemple en ne clôturant pas son terrain).

    Sur les moyens d’action pour faire cesser le dépôt sauvage sur les voies publiques

     Il convient également de distinguer selon que le responsable du dépôt sauvage de déchets est identifié et non.

     Le responsable du dépôt sauvage de déchets est identifié

    La procédure à mettre en œuvre est la même que celle prévue pour mettre fin au dépôt sauvage sur le terrain privé (cf. supra).

     Le responsable du dépôt sauvage de déchets n’est pas identifié

    Lorsque l’auteur du dépôt n’est pas identifié, l'élimination des déchets et la remise en état du site sont à la charge de la collectivité en raison de l’obligation générale d’entretien des voies publiques en particulier, et du domaine public en général, qui pèse sur elle (articles L.2224-17, L.2321-2 (20°) et L.3321-1 (16°) du CGCT).

    Il peut s’agir de la commune ou du groupement compétent en matière de voirie (pour les voies communales), ou du département (lorsque la remise en état concerne une voie départementale).

    Sur la mise en œuvre d’une procédure pénale

    Lorsqu’il est constaté un dépôt sauvage et que son auteur est identifié, il est possible d’engager simultanément la procédure administrative décrite par l’article L.541-3 du code de l’environnement, ainsi que des poursuites pénales.

     La procédure pénale peut être enclenchée par le dépôt d’une plainte auprès des services de la gendarmerie nationale ou par la transmission au procureur de la République d’un procès-verbal de constat dressé par un officier de police judiciaire ( le maire et ses adjoints ont la qualité d'OPJ ( article 16 du CPP)), ou un agent de police judiciaire adjoint (agent de police municipale ou garde champêtre) dûment habilité (articles 14, 15, 16, 21 et R.15-33-29-3 du code de procédure pénale – CPP).

    Le code pénal sanctionne l’abandon de déchets et de matériaux de la manière suivante :

    • la violation et le manquement aux obligations édictées par les arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe (soit 38 € au plus) (article R.610-5) ;
    • le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe (soit 450 € au plus) (article R.633-6) ;
    • le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, soit une épave de véhicule, soit des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, lorsque ceux-ci ont été transportés avec l'aide d'un véhicule, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (soit 1 500 € au plus) (article R.635-8) ;
    • le fait d'embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe (soit 750 € au plus) (article R.644-2).

     Les contrevenants peuvent également être verbalisés, par les soins d’un OPJ, par ceux d’un agent de police municipale ou d’un garde-champêtre, par le système de l’amende forfaitaire[3], grâce à l’utilisation d’un carnet à souches (articles R.15-33-29-3 et R.48-1 du CPP).

     



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°274

    Date :

    1 octobre 2017

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