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    La responsabilité administrative de la commune et/ou pénale du maire peut-elle être engagée en cas de contamination par un élève au covid 19 à la suite de la réouverture des écoles ?

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    La commune (ou un EPCI à qui elle a transféré ses compétences) a la charge de la construction et du fonctionnement des écoles ainsi que des éventuels services associés (restauration scolaire et accueil de loisirs associés à l’école -ALAE-). En cas de dommages causés dans l’exercice de ses missions, la responsabilité administrative de la commune, tout comme la responsabilité pénale du maire, est susceptible d’être recherchée.

    1- La responsabilité administrative de la commune a pour objet la réparation du dommage causé par cette collectivité dans le cadre de ses missions. Différents fondements de responsabilité sont envisageables : Le premier, le plus favorable à la victime, est celui de la faute présumée si le dommage trouve sa cause dans le défaut d’entretien ou d’aménagement de l’ouvrage public que constitue l’école (par exemple, absence de désinfection) : il appartiendra alors à la commune de démontrer qu’elle n’a commis aucune faute dans l’entretien ou l’aménagement des lieux (CAA Marseille, 22 Avril 1999, n°97MA00210). Le second sera celui de la faute prouvée dans l’organisation ou le fonctionnement du service : ce sera alors à la victime de prouver la faute de la commune (défaut de surveillance par les agents communaux sur la pause méridienne, par exemple (1).

    Pour autant, la commune n’est pas la seule intervenir au sein de l’école puisque le service public de l’enseignement relève de l’Etat. Certaines des compétences communales (notamment ALAE et/ou restauration scolaire) peuvent également avoir été transféré à un EPCI. Cette situation pourra aboutir un partage de responsabilité entre les différentes personnes publiques concernées, d’autant plus que le lieu et le moment de la contamination seront très difficile à déterminer (2) .

    Comme le résume la jurisprudence administrative : « si un accident survenu dans un cadre scolaire peut donner lieu à une action en responsabilité contre l’État soit devant les tribunaux judiciaires, en application de la loi du 5 avril 1937, lorsque le préjudice est imputé à une faute commise par un membre du personnel enseignant, soit devant la juridiction administrative lorsque le préjudice est imputé à un défaut d’organisation du service public de l’enseignement, la possibilité de mettre en jeu la responsabilité de l’État dans les conditions ci-dessus définies n’exclut pas que la responsabilité de la commune puisse être» (3).

    Ainsi, en cas de dommage consécutif à une contamination à l’école, trois collectivités pourraient voir leur responsabilité administrative poursuivie, à savoir :

    · L’Etat sur deux fondements : pour défaut de surveillance devant le juge judiciaire lorsque le préjudice est imputé à une faute commise par un membre du personnel enseignant (par exemple, le fait de ne pas faire respecter les gestes barrières) ou devant le juge administratif en cas de défaut d’organisation du service public de l’enseignement.

    · La commune en tant que propriétaire de l’école (et l’EPCI en tant qu’affectataire des locaux pour le temps périscolaire), sur le fondement d’une faute présumée tenant, par exemple, à l’absence de désinfection du site.

    · La commune (ou l’EPCI) en qualité de gestionnaire du service de la restauration scolaire et de l’ALAE : il conviendra alors de prouver une faute dans le fonctionnement et l’organisation du service (défaut de surveillance entrainant, par exemple, un non-respect des distances sociales).

    2- Outre la responsabilité administrative de la collectivité, il est également possible qu’une victime cherche à engager la responsabilité pénale de l’exécutif (maire ou président de l’EPCI) de la collectivité qui assure la gestion du service.

    Le principal risque pénal est celui d’une action fondée sur l’incrimination de délits non intentionnels prévu par l’article L. 121-3 du code pénal.

    Cette incrimination pénale vise particulièrement les élus locaux et notamment les exécutifs locaux, dans les cas où ils n’ont pas causé directement le dommage « mais ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter » (ce qui pourrait par exemple être le cas dans le cadre d’une contamination au Covid 19). Dans cette hypothèse, il faut que la personne en cause ait « soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».

    Dans le cas du Covid 19, la sortie du déconfinement a fait l’objet d’un « guide relatif à la réouverture et au fonctionnement des écoles maternelles ». Ce document n'a pas, pour l'heure, de valeur règlementaire ou législative, si bien que l'incrimination de l'article 121-3 du code pénal fondée sur la violation "de façon manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement" n'est pas applicable. En revanche, une action fondée sur ce même texte reste envisageable sous réserve que l'élu en cause ait commis "une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer". Or, dans le cas du covid 19, le fait de ne pas respecter les prescriptions contenues dans le guide pourrait exposer à une telle qualification de faute caractérisée.

    En pratique, le juge se livre à une appréciation « in concreto » pour savoir si l’exécutif a accompli les diligences normales au regard de la connaissance du risque qu’il avait. S’il considère qu’il n’y a pas eu de manquement manifeste aux obligations de sécurité, il ne reconnaît pas la responsabilité pénale (Crim. 4 juin 2002, n°01-81.280). En revanche, la connaissance du danger par l’élu qui n’a pas pris les mesures adéquates pour y remédier, est un fait de nature à justifier la reconnaissance de la responsabilité pénale (Crim. 2 déc. 2003, n°03-83.008).

    C’est pourquoi, il est nécessaire de prendre toute mesure pour respecter le guide sanitaire : si tel n’est pas le cas, l’engagement de la responsabilité pénale sur le fondement précité pourra être plus facilement recherchée. Il conviendra également de garder toute trace du respect scrupuleux de ces règles.

    3- A titre final, il convient de rappeler que, quel que soit le type de responsabilité, il sera nécessaire de prouver un dommage (maladie, décès ou autre préjudice physique ou moral) et surtout son lien de causalité avec l’élément (comportement, ouvrage, situation, fait, …) qui l’aurait causé. Or, dans le cas du covid 19, et dans la mesure où ce virus est assez contagieux un tel lien de causalité pourrait être assez difficile à établir, notamment en cas de contamination isolée d’un enfant.

    Par ailleurs, les éléments qui précèdent sont donnés au regard du cadre juridique en vigueur ce jour : il n’est en effet pas exclu que de nouveaux textes soient prochainement adoptés en vue d’adapter la responsabilité des élus locaux au contexte sanitaire (4).

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    1) CAA Paris, 5 oct. 1995, n°94PA01392 : la chute d'une fillette de deux ans et demi dans l'enceinte d'une crèche départementale ne peut donner lieu à réparation car même si l'accident n'a pu être évité, il y a eu une surveillance effective de la part du personnel de l'établissement.

    2) Voir par exemple en cas d’accident survenu de manière indéterminée sur le temps scolaire ou périscolaire : CAA de Versailles, 21 décembre 2006, n°05VE01127.

    3) CAA de Douai, 25 mai 2010, n°09DA00227.

    4) Voir par exemple en ce sens la Proposition de loi visant à améliorer la protection juridique du Maire dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire de M. Hervé Maurey ou encore les différents amendements déposés sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire 



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    Date :

    18 mai 2020

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