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    L'insertion de propos critiques dans le bulletin municipal - FT5

    Article

    Les publications réalisées par les collectivités et qui sont destinées au public sont soumises aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

    Aussi, le directeur de la publication (le maire dans la plupart des cas) a un devoir de vérification et de surveillance des écrits publiés dans les bulletins qu’il dirige.

    C’est la raison pour laquelle il peut s’opposer à la publication des textes qu’il juge diffamatoires, injurieux ou contraires à l’ordre public.

    Sur les notions de diffamation et d’injure

    La diffamation publique et l’injure se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi du 29 juillet 1881 (article 29).

    Cinq éléments doivent donc être réunis pour que l’on se trouve en présence du délit de diffamation (cf. définition supra) :

    - l’allégation ou l’imputation d’un fait précis : il doit s’agir d’un fait qui peut faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ;

    - qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne, par exemple l’allégation se rattachant à des faits d’indélicatesse et d’improbité imputés à un maire, et laissant ainsi supposer la commission de délit de prise illégale d’intérêt (Cass. Crim, 22 oct. 2013, n° 12-85.971) ;

    - qui met en cause une personne déterminée : il peut s’agir indifféremment d’une personne physique ou morale ; à ce titre, la loi de 1881 protège plus particulièrement certaines personnes visées en raison de leurs fonctions, parmi lesquelles les citoyens chargés d’un mandat public (article 31 de la loi), dont les conseillers municipaux (Cass. Crim., 28 mai 1891) et les maires (Cass. Crim., 28 juillet 1893 et 15 mars 1894) ;

    - qui révèle une intention de nuire : en la matière, la mauvaise foi de l’auteur de la diffamation est présumée ;

    - et qui a fait l’objet d’une publicité (voir infra sur les publications municipales concernées par les éventuels délits de diffamation et d’injure).

     L’injure, quant à elle, se distingue de la diffamation en ce qu’elle ne reproche pas un fait précis à la personne visée.

     

    Les publications concernées

    Les publications municipales concernées par les éventuels délits de diffamation et d’injure ne se limitent pas à l’espace réservé aux conseillers municipaux d’opposition dans le bulletin municipal, prévu à l’article L.2121-27-1 pour les communes de plus de 1 000 habitants.

    En effet, « toute mise à disposition du public de messages d’information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu’elle revêt, comme la diffusion d’un bulletin d’information générale » (CAA Versailles, 17 avril 2009, n° 06VE00222). La mention « quelle que soit la forme qu’elle revêt » fait notamment référence aux divers supports numériques, comme les sites Internet. Le ministère de l’Intérieur a ainsi eu l’occasion de préciser que « si le site internet de la ville offre une diffusion régulière d’informations « sur les réalisations et la gestion du conseil municipal », en vertu du droit que leur reconnaît la loi, les conseillers minoritaires doivent y avoir une tribune d’expression » (Réponse du ministre d’Intérieur à la Rép. Min. n° 14395 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat, 16 mars 2006). La même règle s’applique dans le cas d’un bulletin d’information générale inséré dans la presse par la municipalité (Réponse du ministre d’Intérieur à la Rép. Min n° 03993 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat, 21 novembre 2013).

    Les solutions qui s’offrent aux élus victimes de critiques

    La publication de l’écrit et l’exercice du droit de réponse

    Depuis un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 7 mai 2012, n° 353536, Élection cantonale de Saint-Cloud), le maire ne peut plus ni demander à l’auteur d’un écrit présumé diffamatoire ou injurieux de le modifier, ni refuser de publier cet écrit.

    En effet, selon cette décision, « la commune ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre, qui n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs », même donc si les propos qui y sont contenus sont considérés par le maire comme diffamatoires (il est toutefois important de souligner que cette décision, qui est intervenue dans un contentieux électoral, ne remet pas en cause la possibilité pour le maire, en sa qualité de directeur de publication, de s'opposer à la parution de propos susceptibles d'engager sa responsabilité pénale. Par un arrêt postérieur n° 12BX02449 du 30 septembre 2013, « Commune de la Plaine des Palmistes » la cour administrative d’appel de Bordeaux a d’ailleurs rappelé la possibilité pour un maire de refuser de publier un écrit qui porterait atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs).

    Une réponse peut par contre être insérée, dans le numéro suivant du bulletin municipal. Consacré par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 au profit de toute personne nommée ou désignée dans un journal ou un écrit périodique, ce droit de réponse peut notamment s’exercer dans l’espace d’expression réservé aux élus de la majorité (CAA de Marseille, 19 janvier 2012, n° 10MA02058).

    La personne qui revendique l’exercice de ce droit doit donc être nommée ou, tout au moins, identifiable. Tel sera le cas si, bien qu’elle ne soit pas nommément désignée, une description suffisamment précise est faite d’elle, de telle sorte qu’elle soit facilement identifiable pour le lecteur (Cass Crim, 4 juin 1953). Par ailleurs, la personne concernée doit être mise en cause, sans que cette mise en cause ne consiste forcément en une attaque ou en une appréciation défavorable.

    Le droit de réponse doit être exercé dans des conditions très strictes :

    - la réponse doit être faite à la même place et avec les mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée ;

    - elle ne doit pas excéder les dimensions de l’article initial ;

    - elle est toujours gratuite ;

    - l’action en insertion forcée se prescrit après trois mois, à compter du jour de la publication de l’article dénoncé.

    Délits de presse et poursuites pénales

    Les poursuites engagées par l’élu victime de diffamation ou d’injure  sont déclenchées par le dépôt d’une plainte soit auprès de la gendarmerie, soit directement auprès du procureur de la République. Ce dernier est ensuite seul juge de l’opportunité des poursuites. Ainsi, pour éviter qu’il ne classe l’affaire sans suite, il est possible de déposer une plainte avec constitution de partie civile, qui sera adressée au juge d’instruction compétent.

    En la matière, il est nécessaire d’agir rapidement car les délits prévus par la loi de 1881 se prescrivent par trois mois à compter du jour où ils ont été commis (article 65 de la loi).

    Quant aux peines encourues, la diffamation commise envers les citoyens chargés d’un mandat public est punie d’une amende de 45.000 € (articles 30 et 31 de la loi de 1881) tandis que l’injure envers ces mêmes personnes est punie d’une amende de 12.000 € (article 33 de la loi de 1881).

    Pour finir, il est à noter que des poursuites pénales ne doivent être engagées qu’avec prudence car si l’auteur présumé d’une diffamation ou d’une injure est finalement innocenté par le juge, la personne qui s’estimait victime peut se voir condamnée à verser des dommages-intérêts à celle poursuivie à tort, voire à payer une amende civile pour recours abusif ou à se trouver à son tour mise en cause pour dénonciation calomnieuse (article 226-10 du code pénal).



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    Paru dans :

    Conseil en diagonale n°5

    Date :

    1 mai 2020

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