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    Quelles sont les caractéristiques de la gestion de fait ?

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    La gestion de fait s’applique, selon l’article 60-XI de la loi de finances n°63-156 du 23 février 1963, à « toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés ».

    Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur.

    La gestion de fait est donc le maniement de deniers publics par une personne n’ayant pas la qualité de comptable. Il s’agit d’une violation du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables qui conduit à assimiler le gestionnaire de fait à un comptable public. Ce dernier est donc soumis aux mêmes obligations et responsabilités que le comptable patent et doit rendre compte de sa gestion devant les mêmes juridictions.

    Voyons quels sont les éléments constitutifs de la gestion de fait, puis les différentes étapes de la procédure qui amène la sanction propre à cette situation.

     

    1. Les éléments constitutifs de la gestion de fait
    2. Les opérations constitutives de la gestion de fait
    3. Les personnes susceptibles d’être déclarées gestionnaires de fait
    4. Le déroulement de la procédure
    5. Les sanctions
      1. L’amende
      2. La suspension

    Les éléments constitutifs de la gestion de fait

    Pour qu’il y ait gestion de fait, deux éléments doivent être réunis :

    - l’opération budgétaire ou comptable doit porter sur des deniers publics ou des deniers privés règlementés,

    - les deniers doivent être manipulés par une personne dépourvue d’habilitation régulière.

    Les opérations constitutives de la gestion de fait

    Selon l’article 60-XI précité, trois grandes catégories d’opérations sont qualifiables de gestion de fait : les recettes, les dépenses et les opérations sur fonds et valeurs.

    Pour la première catégorie, toutes les recettes sont concernées. Il s’agit, le plus souvent, d’une ingérence dans le recouvrement de taxes régulièrement ou irrégulièrement établies, de redevances ou de recettes domaniales ou encore de fonds de concours destinés à des services publics.

    Pour la deuxième catégorie, il est précisé qu’est comptable de fait « toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public ». La gestion de fait se concrétise alors soit par le procédé du mandat fictif, soit par le biais des associations.

    Est considéré comme fictif, le mandat dont les données ne correspondent pas à la réalité du service fait (montant de la prestation, nature de la dépense, personne du créancier).

    Dans le cadre des associations, l’irrégularité sera réalisée par le paiement de subventions accordées à des associations et les sommes sont utilisées conformément aux directives de la personnalité de droit public versante.

    Pour la dernière catégorie d’opérations, il s’agit de fonds qualifiés autrefois par la jurisprudence de deniers privés règlementés. L’exemple le plus caractéristique est celui des honoraires destinés aux médecins des hôpitaux publics qui doivent être obligatoirement encaissés par le receveur avant leur répartition entre les praticiens. En cas d’encaissement direct par ces derniers, la gestion de fait est constituée.

    Les personnes susceptibles d’être déclarées gestionnaires de fait

    Les gestionnaires de deniers publics ou de deniers privés réglementés qui ne sont pas comptables de droit ou n’opèrent pas sous le contrôle et pour le compte des comptables de droit sont comptables de fait. Cette disposition s’applique en particulier aux ordonnateurs. Le principe de la séparation de l’ordonnateur et du comptable est un principe essentiel. Il interdit aux ordonnateurs d’exercer les fonctions de comptables.

    Sont reconnues gestionnaires de fait les personnes qui ont, soit manié irrégulièrement et de façon active les deniers publics, soit rendu possible la gestion occulte de ces deniers. En tout état de cause, ces personnes doivent avoir agi en l’absence de tout titre légal de comptable ou de régisseur.

    Pour ces derniers, il convient de rappeler que les régisseurs sont tenus à des obligations strictes et notamment celles de réserver les fonds qu’ils ont recueillis ou de produire les justifications d’emploi des avances qui leur ont été confiées. Aussi, lorsqu’ils manquent à leurs obligations ou ne respectent pas les limites imparties à leur mission, ils sont considérés comme déchus de leur titre légal et peuvent être déclarés comptables de fait.

    En pratique, l’ordonnateur (le maire pour une commune, mais aussi les adjoints en cas de délégation ou de suppléance) est fréquemment impliqué dans ce type d’infraction.

    De plus, la jurisprudence désigne souvent plusieurs co-auteurs pour une gestion de fait (chef d’entreprise, dirigeant d’une association). Dans ce cas, ils sont désignés conjointement et solidairement comptables de fait pour les opérations communes.

    Le déroulement de la procédure

    La constitution d’une gestion de fait assimile le gestionnaire de fait à un comptable public. Il doit donc rendre compte de sa gestion dans les mêmes conditions qu’un comptable patent et peut être dès lors sanctionné selon une procédure spécifique par les juridictions financières. L’article L.231-3 du code des juridictions financières attribue la compétence à la chambre régionale des comptes pour juger « les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait ».L’article précise que la chambre régionale des comptes« n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ».

    L’objectif de la procédure de gestion de fait est de régulariser les opérations effectuées par le comptable de fait en soumettant ce dernier aux mêmes obligations que le comptable public.

    Cette procédure se déroule selon les étapes suivantes :

    - La chambre régionale des comptes prononce un arrêt de déclaration de gestion de fait qui précise le périmètre des opérations concernées et la liste des gestionnaires de fait poursuivis. Les personnes déclarée comptables de fait sont alors tenues de produire leurs comptes.

    - La chambre va ensuite rendre le jugement du compte, sous la forme d’un arrêté de compte. Celui-ci peut être assimilé à une autorisation budgétaire de régularisation. Sur cette base, le juge peut adresser aux comptables de fait une injonction de reverser les sommes dont l’utilité publique n’a pas été reconnue mais pour lesquelles les justifications produites sont jugées insuffisantes.

    - S’il n’est pas satisfait à l’injonction, le juge prononce en audience publique un arrêt de débet. Il peut en outre infliger une amende.

    Une fois les débets et les amendes apurés, une ordonnance de quitus mettra un terme à la procédure.

    Le jugement des comptes des comptables publics n'est pas assuré par les chambres régionales des comptes pour les collectivités et établissements publics locaux de petite taille de leur ressort.

    Le seuil de l'apurement administratif, en deçà duquel le contrôle des comptes est assuré par les comptables supérieurs du Trésor (directeurs départementaux des finances publiques et receveurs des finances), est fixé comme suit par l’article L.211-2 du Code des juridictions financières :

    - Les comptes des communes dont la population n'excède 5 000 habitants ou dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à trois millions d'euros, ainsi que ceux de leurs établissements publics.

    - Les comptes des établissements publics de coopération intercommunale dont la population n'excède pas 10 000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à cinq millions d'euros.

    Les collectivités et établissements publics relevant de l'apurement administratif n'échappent toutefois pas complètement au contrôle des chambres régionales des comptes :

    - D'une part, les comptables supérieurs du Trésor peuvent engager la procédure de mise en jeu de la responsabilité des comptables publics par des arrêtés de charge provisoire, mais seules les chambres régionales des comptes peuvent prononcer un débet.

    - D'autre part, une chambre régionale des comptes peut évoquer des comptes, c'est-à-dire les contrôler elle-même.

    Les sanctions

    Outre le risque d’être mis en débet, les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre d’une personne déclarée gestionnaire de fait sont les suivantes.

    L’amende

    Le juge de la juridiction financière peut, sur le fondement de l’article L.231-11 du code des juridictions financières, enjoindre le gestionnaire de fait au paiement d’une amende dont le montant est calculé suivant l’importance et la durée de la détention ou du maniement des deniers.

    Cette sanction tient compte des circonstances de chaque espèce et notamment des éclaircissements obtenus du comptable, de sa promptitude à justifier de ses opérations, à reverser le reliquat et à faire cesser la situation irrégulière.

    Dans tous les cas, le montant de l’amende ne pourra pas dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées (article L.131-11).

    Il convient de préciser que les jugements des chambres régionales des comptes prononçant une condamnation définitive à la peine d’amende, sont délibérés, hors de la présence du rapporteur, après l’audition des personnes concernées et rendus en audition publique.

    Cette amende ne pourra pas être prononcée si, ce qui est rare, l’immixtion dans les fonctions de comptable public est poursuivie devant les juridictions pénales sur le fondement de l’article 433-12 du code pénal.

    La suspension

    Les articles 45 et suivants de la loi du 21 décembre 2001 prévoient qu’en cas de déclaration de gestion de fait, les élus concernés sont seulement suspendus de leur fonction d’ordonnateur.

    Toutefois, l’article L.231 alinéa 6 du code électoral prévoit que sont inéligibles les comptables des deniers communaux agissant en qualité de fonctionnaire et les entrepreneurs de services municipaux.

    La sanction applicable au maire est celle prévue à l’article L.2342-3 « le maire déclaré comptable de fait par un jugement du juge des comptes statuant définitivement est suspendu de sa qualité d'ordonnateur jusqu'à ce qu'il ait reçu quitus de sa gestion ». Dans ce cas, le conseil municipal doit délibérer afin de confier à un adjoint les attributions d’ordonnateur (engagement des dépenses, comptabilisation des dépenses engagées). Cette fonction prendra fin dès lors que le maire a reçu quitus de sa gestion.



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    Paru dans :

    Conseil en diagonale n°5

    Date :

    1 mai 2020

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