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    Droit de réponse, diffamation et injure

    Article

    1. L’exercice du droit de réponse
    2. Le caractère diffamatoire ou injurieux des allégations
    3. Délits de presse et campagne électorale

    Un élu critiqué dans un article de presse ou sur Internet, dispose du même droit de réponse que celui qui appartient à tout citoyen.

    Dès lors, rien ne s’oppose à ce que l’intéressé réponde à une mise en cause de ses choix. La seule limite tient au contenu de la réponse apportée, lequel ne doit pas être diffamatoire ni injurieux.

    L’exercice du droit de réponse

     Le droit de réponse est consacré par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il est reconnu au profit de toute personne :

    • nommée ou désignée dans un journal ou un écrit périodique,
    • et mise en cause, sans que cette mise en cause ne consiste forcément en une attaque ou une appréciation défavorable.

    L’exercice du droit de réponse est enfermé dans des conditions strictes (même article 13) :

    • La réponse doit être faite à la même place et avec les mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans intercalation.
    • Elle doit être insérée dans le numéro qui suit celui dans lequel l’article initial a été publié ou dans les 24 heures de la réception de la réponse en période électorale s’il s’agit d’un quotidien.
    • Elle ne doit pas excéder les dimensions de l’article initial.

    Toutefois, elle pourra atteindre cinquante lignes, alors même que cet article serait d’une longueur moindre, et elle ne pourra dépasser deux cents lignes, alors même que cet article serait d’une longueur supérieure.

    • Elle est toujours gratuite.
    • L’action en insertion forcée se prescrit après trois mois, à compter du jour de la publication de l’article dénoncé.

    Le droit de réponse s’exerce également sur Internet : la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 (article 6 IV) et le décret n° 2007-1527 du 24 octobre 2007 sont venus fixer les règles en la matière.

    Les supports concernés couvrent tous les sites internet, les blogs et forums. La demande relative au droit de réponse doit être adressée par toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne au directeur de la publication par courrier recommandé avec avis de réception. Toutefois, le droit de réponse s’exerce de manière plus restrictive, seulement lorsque les utilisateurs ne sont pas en mesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu’appelle de leur part un message qui les met en cause. Il peut s’agir par exemple d’un forum où tous les messages sont publiés ou d’un blog non modéré.

    La réponse doit être écrite, elle est limitée à la longueur du message qui l’a provoquée et en tout état de cause ne pas dépasser 200 lignes. La réponse sera diffusée à la suite ou accessible à partir du message litigieux dans les trois jours de sa réception. Enfin, la réponse doit demeurer accessible durant la même période que celle pendant laquelle l’article litigieux a été accessible au public.

    En ce qui concerne la presse audiovisuelle, la réponse n’est possible que si les imputations sont susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de la personne visée (loi du 29 juillet 1982, n° 82-652, article 6, I, alinéa 1).

    Le caractère diffamatoire ou injurieux des allégations

    Diffamation et injure

    La diffamation et l’injure se définissent comme des délits de presse. Ils sont soumis au régime défini par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

    La diffamation se définit comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Elle recouvre même les allégations ou imputations faites « sous forme dubitative » ou encore qui visent une « personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible » par les termes du discours ou des écrits litigieux.

    Cinq éléments doivent donc être réunis pour que l’on se trouve en présence du délit de diffamation :

    • L’allégation ou l’imputation d’un fait précis : le fait allégué ou imputé doit pouvoir faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire.
    • L’atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne : l’honneur consiste, pour un citoyen, à n’avoir rien à se reprocher qui soit contraire à la morale alors que la considération représente l’idée que les autres se font d’une personne.
    • La mise en cause d’une personne déterminée : il peut s’agir d’une personne physique ou morale. A ce titre, la loi de 1881 met en place une protection plus étroite pour certaines personnes visées en raison de leurs fonctions ; parmi ces personnes figurent les « citoyens chargés d’un mandat public » (article 31), dont les maires et les conseillers municipaux. Dans cette hypothèse, les propos doivent se rapporter aux fonctions exercées par ceux-ci, c’est-à-dire que ce sont les fonctions exercées ou la qualité de la personne qui servent de fondement au reproche en question. Tel n’est pas le cas lorsque les propos formulés ont pou objet d’attribuer au maire la responsabilité d’un incendie d'un hangar sans rapporter en quoi ces propos comportaient des critiques d'actes de la fonction elle-même ou d'abus de cette fonction, ou encore établissaient que la qualité ou la fonction de maire avait été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ( crim., 5 décembre 2015, n°14-85118).
    • L’intention de nuire : la mauvaise foi de l’auteur des propos diffamatoires est présumée.
    • La publicité : les faits incriminés peuvent être diffusés par « discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches».

    L’injure est, quant à elle, constituée par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

    Elle se distingue donc de la diffamation en ce qu’elle ne reproche aucun fait précis à la personne visée.

    De la même manière que pour la diffamation, dans le cas des élus locaux, l’injure doit se rapporter aux fonctions exercées par ceux-ci.

    Il appartient à l’intéressé d’apprécier si, au regard des conditions exposées précédemment, un écrit présente, ou non, un caractère diffamatoire ou injurieux.

    Il convient toutefois de rappeler que le juge, lorsqu’il est saisi, peut porter sur les écrits en cause une appréciation différente de celle de la personne qui s’estime diffamée ou injuriée.

    Il est également important de souligner que la proximité d’un scrutin électoral fausse la donne en la matière (cf. infra).

    Les poursuites pénales pour diffamation ou injure

    Dans l’hypothèse où l’intéressé souhaite engager une procédure, les poursuites pour diffamation ou injure sont déclenchées par le dépôt d’une plainte :

    • soit auprès de la police ou de la gendarmerie nationale, la plainte étant ensuite transmise au procureur de la République ;
    • soit directement auprès du procureur de la République.

    Pour obtenir réparation du préjudice et une condamnation de l’auteur des propos au paiement de dommages et intérêts, il convient également de se constituer partie civile auprès du juge d’instruction compétent.

    Les délits de presse se prescrivent par trois mois à compter du jour où ils ont été commis (article 65 de la loi de 1881).

    En ce qui concerne les peines encourues :

    • la diffamation commise envers les citoyens chargés d’un mandat public est punie d’une amende de 45.000 € (articles 30 et 31 de la loi de 1881) ;
    • l’injure envers ces mêmes personnes est punie d’une amende de 12.000 € (article 33 de la même loi).

    Pour finir, il est important de souligner que des poursuites pénales ne doivent être engagées qu’avec prudence car si l’auteur présumé d’une diffamation ou d’une injure est finalement innocenté par le juge, la personne qui s’estimait victime peut à son tour se voir condamnée à verser des dommages-intérêts à celle poursuivie à tort, voire à payer une amende civile pour recours abusif ou à se trouver à son tour mise en cause pour dénonciation calomnieuse (article 226-10 du code pénal).

    Délits de presse et campagne électorale

    La jurisprudence retient classiquement que la polémique politique et électorale peut constituer un fait justificatif qui permet de faire échec à la procédure en matière de délits de presse. Ainsi, il est admis que l’intention d’éclairer les électeurs sur les mérites des candidats est un fait justificatif de la bonne foi, mais uniquement lorsque les imputations ne concernent que l’activité publique de la personne mise en cause, et lorsque leur publication est faite dans des conditions et un temps permettant la réplique (Cass. crim., 5 novembre 1969 : Bull. Crim. n° 292).

    La bonne foi suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :

    • La poursuite d’un but légitime : l’objectif d’informer le public ou la sensibilisation sur un sujet d’intérêt général sont les buts légitimes les plus souvent admis par les tribunaux.
    • L’absence d’animosité personnelle : cette condition est présumée acquise dès lors qu’il n’existe aucune relation établie entre l’auteur et la « victime » de la diffamation.
    • L’objectivité : l’existence d’une enquête sérieuse et complète, des vérifications personnelles ou contradictoires, doivent avoir été faites.

    Le juge ne retient pas la bonne foi lorsque le prévenu ne rapporte pas suffisamment d’éléments de nature à démontrer que les allégations énoncées sont fondées sur une base factuelle solide (en l’espèce, les faits relatifs à la gestion de la commune de nature à mettre en cause l’intégrité du maire avaient seulement été répétés par un opposant politique et évoqués dans une délibération du conseil municipal, Cass. Crim, 6 mars 2018, n° 16-87.049).

    - La prudence dans l’expression : cela suppose de ne pas procéder par affirmation péremptoire en excluant tout aléa, et d’utiliser, par exemple, le conditionnel.

    La bonne foi a ainsi été retenue pour l’auteur :

    • d’un tract qui démontrait sa volonté d’informer les électeurs de la réalité de la situation financière de la commune après le départ de son ancien maire, ainsi libellé « Hausse de la fiscalité : François Y…, le pompier pyromane … Parce que Sète est malade d’une gestion politicienne de la ville qui conduit Y… et ses apparatchiks à truquer les comptes en minorant les dépenses et en inventant des recettes fictives pour éviter, avant les élections, l’augmentation des impôts que leur imposait l’état de faillite dans lequel ils avaient mis la ville … Les apparatchiks sont partis mais Y…, le pompier incendiaire qui a mis le feu à la ville, tente toujours d’en faire porter la responsabilité à l’équipe de François Z…» (Cass. Crim. 24 mai 2005, n° 04-86181).
    • de quatre écrits ayant trait au « caractère autocrate du maire sortant ainsi qu’à sa gestion des affaires municipales », et au verso desquels était jointe la décision du Conseil d’Etat annulant le précédant scrutin électoral en pointant des faits qualifiés de fraude, considérant que l’intéressé avait l’intention d’éclairer les électeurs sur le mérite d’un candidat (Cass. Crim., 1er mars 2005, n° 04-85042).
    • d’un tract sur lequel était écrit « le maire cache l’endettement réel de la commune», le juge estimant que « tout citoyen dispose de la liberté d’opinion et du libre droit de critique et qu’en matière de polémique politique la notion de bonne foi, invoquée par les prévenus, doit être appréciée plus largement ; qu’il s’agit en l’espèce d’un débat de chiffres, habituel dans le cadre de toutes élections politiques, chaque candidat ayant le souci de présenter ceux-ci au mieux de ses intérêts, et son contradicteur ayant la possibilité de leur opposer d’autres chiffres et d’autres sources ; […] que le fait, en toute autre circonstance qu’électorale de dire et d’écrire que "le maire cache aux bessanais l’endettement réel de la commune" pourrait être considéré comme diffamatoire ; qu’il en est tout autrement en l’espèce dès lors que les prévenus, en faisant connaître leurs propres chiffres aux électeurs, ont poursuivi un but légitime, n’ont fait preuve d’aucune animosité personnelle, ont justifié de leurs affirmations dans le tract et ont conservé la prudence et la mesure dans l’expression » (Cass. Crim., 6 mai 2003, n° 02-86486).
    • d’un tract indiquant « S'agit-il d'arrangements ou de sollicitations intéressées organisées par M. X... [le maire] dans l'attribution des marchés publics ; nous mettrons un terme à ces illégalités chargées de favoritisme», diffusé à l’occasion d’une campagne électorale, dans la mesure où les propos incriminés s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante dans un contexte de polémique politique opposant deux candidats à des élections municipales (Cass. Crim, 7 février 2017, n° 15-86.343).

    En revanche, a été jugé comme diffamatoire le fait :

    • pour un ancien premier adjoint de prononcer, dans un article portant sur les questions d’occupation du domaine public, la phrase « pour avoir une terrasse, ce n’est pas la peine de donner une enveloppe au maire», le juge considérant que l’intéressé « n’a pas été prudent dans ses propos diffamatoires lesquels ne peuvent être reconnus comme prononcés dans le cadre d’une polémique électorale, aucun débat d’idées n’étant en cours à ce sujet […] » (Cass. Crim., 6 décembre 2011, n° 10-87556).
    • de publier, sur un blog, un billet intitulé « le maire invalidé … et toujours là» et comportant les propos suivants « un maire du canton, il y a plusieurs mois a été invalidé par le tribunal, car il avait financé son entreprise avec des fonds communaux. Il n’a plus le droit d’être maire et est inéligible pendant 5 ans. Il est pourtant toujours en place, car le préfet n’a pas demandé sa démission ». Le juge a refusé à l’auteur le bénéfice de la bonne foi pour défaut d’enquête sérieuse, considérant qu’il n’avait pas rapporté avec exactitude des informations concernant la situation pénale de la personne mise en cause dans son article (Cass. Crim., 2 octobre 2012, n° 11-84972).
    • de reprocher à un président de région, dépositaire de l’autorité publique, des faits de clientélisme, de favoritisme, d’acheter le silence de la presse avec l’argent public. Le bénéfice de la bonne foi doit être écarté en raison de l’animosité personnelle, du manque de prudence dans les propos qui dépassaient le cadre de la polémique et ne reposaient sur aucune base factuelle (Cass. crim., 23 janv. 2018, n°16-85.316).

    Enfin, a été jugé coupable du délit d’injures publiques le candidat qui déclare dans la presse, à propos d’un autre candidat, « moi je ne vote ni pour un stalinien, ni pour un nazi » (Cass. Crim., 21 juin 2005, n° 04-85778).

     



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    Paru dans :

    Conseil en diagonale n°11

    Date :

    1 janvier 2020

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