L’exclusion de la cantine scolaire d’un enfant indiscipline est-elle possible ?
La cantine est un service public administratif actuellement présent dans la quasi-totalité des communes, même s’il demeure facultatif.
Moyen commode et souvent indispensable pour les parents actifs, la cantine est aussi un lieu d’échange très prisé par les enfants. Investie pendant la pause méridienne, elle peut devenir l’exutoire d’enfants contraints à la discipline pendant le temps scolaire. Ainsi les célèbres batailles de yaourts bon enfant peuvent dégénérer, et le comportement agressif ou indiscipliné d’un élève devenir insupportable pour tous les usagers du service. La pression du personnel en charge de la surveillance et du service dans la cantine, comme des parents d’élèves ou des enseignants, ajoutée à la volonté des élus de proposer un service public de qualité, seront parmi les meilleurs arguments pour procéder à une éviction du ou des fauteurs de troubles.
Comment opérer cette exclusion ?
Nous verrons d’abord dans cet article les motifs valables pour diligenter une exclusion, et ensuite la procédure d’exclusion en elle-même.
Une exclusion motivée
A ce jour, le juge administratif n’a pas eu à juger de la légalité d’une sanction prononçant l’exclusion d’un élève de la cantine scolaire pour indiscipline. Aussi, il convient de raisonner par analogie avec la jurisprudence rendue à propos de services publics comparables.
Le souci d’assurer le bon fonctionnement du service
A propos d’un autre service public social, le Conseil d’Etat a validé l’expulsion d’un pensionnaire d’une maison de retraite, pour indiscipline (CE, 17 mars 1993, M.Tortajada). En effet, le pensionnaire en question, par des agissements graves et répétés avait compromis le bon ordre et le fonctionnement normal de l’institution qui l’hébergeait.
Cette jurisprudence paraît transposable au service de restauration scolaire d’autant que pour apprécier la légalité d’une mesure d’exclusion d’un tel service, le juge s’est déjà référé implicitement à la notion de bon ordre et de bon fonctionnement du service (TA Versailles, 16 novembre 1993, Epoux Chevallier c/Cne d’Issou).
Dans cette affaire, la commune avait prescrit dans le règlement intérieur de la cantine scolaire l’obligation pour les parents de produire une attestation patronale d’emploi pour pouvoir bénéficier du service de restauration. Le juge a estimé que l’accès des élèves à la cantine scolaire ne peut être subordonné à la production de ce document, car celui-ci n’est pas nécessaire à la bonne marche du service, et qu’aucun motif tenant à son bon fonctionnement ne pouvait être invoqué.
On peut donc en déduire que l’exclusion d’un élève doit être fondée sur un tel motif. A partir de ce raisonnement, il paraît alors logique de penser qu’un comportement très perturbateur peut compromettre le bon fonctionnement du service de restauration scolaire et justifier une décision d’exclusion de la cantine scolaire.
Une mesure prévue par le règlement intérieur
Dans la décision du Conseil d’Etat précitée, l’exclusion s’appuie sur le comportement du pensionnaire uniquement et non sur le règlement intérieur de l’établissement qui prévoyait cette sanction pour de tels agissements.
Toutefois, il apparaît plus prudent pour la collectivité de produire un règlement intérieur de la cantine scolaire, qui fixe les règles de discipline et les sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces règles. En effet, en l’absence de ce règlement, les parents de l’enfant exclu pourraient reprocher à l’administration d’appliquer des sanctions qu’elle n’aurait pas prévues. Sanctions qui de fait ne sont pas opposables. De plus, le juge aurait toute latitude pour apprécier la validité et la proportionnalité eu égard au comportement de l’enfant ; d’où l’intérêt pour le service de se doter d’un règlement précis en la matière. Certaines communes ont ainsi défini dans ce document une grille des mesures d’avertissement et de sanctions en fonction de diverses manifestations d’indiscipline.
L’adoption du règlement intérieur relève du conseil municipal. En effet, le Conseil d’Etat (CE, 14 avril 1995, M.Potier) a annulé le règlement intérieur d’une cantine municipale qui avait été pris par un groupe de personnes auquel participaient le maire de la commune, la directrice du groupe scolaire, des instituteurs, des parents d’élèves et un responsable du personnel communal. Dans ses considérants, le juge précise que si ces personnes pouvaient être associées à la préparation de ce document, elles n’avaient pas qualité pour le prendre. Cette compétence relève seulement du conseil municipal à qui incombe la fixation de mesures générales d’organisation des services publics communaux.
La procédure d’exclusion
Sauf dans des cas extrêmes où les faits commis doivent être sévèrement réprimés, l’indiscipline sera bien souvent punie par un avertissement. Toutefois, face à la récidive notamment, l’exclusion sera prononcée. Cette décision doit respecter un formalisme précis pour être légale.
De l’avertissement à l’exclusion
L’exclusion du service peut être de deux ordres : temporaire ou définitive. Une exclusion définitive ne saurait intervenir dès le premier fait d’indiscipline, à moins que celui-ci soit particulièrement grave. Aussi, comme nous l’avons dit précédemment, il convient de préciser, dans l’article du règlement intérieur relatif à la discipline, quels types de sanctions seront appliquées à tel comportement. Un refus d’obéissance pourrait se solder par un simple rappel au règlement, tandis qu’un comportement insultant se verrait appliquer une exclusion temporaire. Après plusieurs exclusions temporaires, une exclusion définitive pourrait être prononcée.
Nous vous proposons en annexe, des modèles de rédaction de la partie du règlement relative à la discipline.
La procédure d’exclusion
Si les avertissements peuvent être adressés par simple courrier ou lors d’un entretien entre les parents de l’enfant et le maire, l’exclusion fera l’objet d’un formalisme particulier.
Dans la mesure où il s’agit d’une sanction, la mesure d’exclusion doit être motivée conformément à la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. La décision, doit donc à peine d’irrégularité, comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement.
Par ailleurs, la décision d’exclusion doit, en application de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens, résulter d’une procédure contradictoire qui garantit le respect des droits de la défense, dans le cadre de laquelle l’intéressé doit avoir été mis à même de présenter ses observations. En application de ce principe, avant de prononcer l’exclusion, la commune doit recueillir les observations des parents sur les faits et agissements qui sont reprochés à leur enfant.
L’exclusion, si elle n’a pas été précédée de la possibilité pour les parents de présenter leurs observations, est illégale.
Enfin, cette décision ne fait pas partie des actes transmissibles au contrôle de légalité dont la liste est fixée par l’article L.2131-2 du CGCT.
Grille des mesures d’avertissement et de sanctions
(source: www.ville-gravelines.fr)
Type de problème | Manifestation principales | Mesures |
Mesures d’avertissement | Comportement bruyant et non policé Refus d’obéissance Remarques déplacées ou agressives | Rappel au règlement |
Refus des règles de vie en collectivité | Persistance d’un comportement non policé. Refus systématique d’obéissance et agressivité caractéristique | Avertissement ou blâme suivant la nature des faits |
Sanctions disciplinaires | ||
Non respect des biens et des personnes | Comportement provoquant ou insultant. Dégradations mineures du matériel mis à disposition | Exclusion temporaire |
Menaces vis à vis des personnes ou dégradations volontaires des biens | Agressions physiques envers les autres élèves ou le personnel, dégradation importante ou vol du matériel mis à disposition | Exclusion définitive/Poursuites pénales |
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