Qui de la collectivité propriétaire ou du locataire doit procéder aux travaux de mise en accessibilité d’un équipement communal ?
En application de l’article L.111-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH), les locaux d’habitation appartenant aux communes, les établissements recevant du public (ERP) et les installations ouvertes au public (IOP) « doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ».
L’obligation de mise en accessibilité ne s’applique pas de la même manière selon le type de bâtiment considéré. Surtout, se pose l’épineuse question de la personne à qui elle incombe lorsque le bien est loué
Ce Conseil en diagonale fait le point sur cette problématique.
Sur la mise en accessibilité d’un ERP existant loué pour l’exercice d’une activité commerciale ou professionnelle
Les ERP devaient être accessibles au 1er janvier 2015.
Les textes prévoient toutefois que des dérogations exceptionnelles peuvent être accordées aux ERP situés dans un cadre bâti existant (articles L.111-7-3 et R.111-19-10-I du code de la construction et de l’habitation) :
- après démonstration de l’impossibilité technique de procéder à la mise en accessibilité ;
- ou en raison de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural ;
- ou lorsqu'il y a disproportion manifeste entre les améliorations apportées par la mise en œuvre des prescriptions techniques d'accessibilité, d'une part, et leurs coûts, leurs effets sur l'usage du bâtiment et de ses abords ou la viabilité de l'exploitation de l'établissement, d'autre part.
Dans le cas des ERP remplissant une mission de service public, des mesures de substitution doivent être prises (article R.111-19-10-II).
Faute de pouvoir bénéficier de ces dérogations et pour faire face aux difficultés notamment rencontrées par les collectivités pour mettre leurs ERP en accessibilité, la loi a mis en place le dispositif des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP). Ceux-ci permettent à tout propriétaire ou gestionnaire d’un ERP (ou d’une installation ouverte au public) de poursuivre ou de réaliser l’accessibilité de son établissement après la date du 1er janvier 2015 et dans le respect des obligations fixées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005.
Deux questions se posent alors. Qui, du locataire ou de la commune doit prendre en charge :
- l’élaboration de l’Ad’AP ?
- les travaux de mise en accessibilité ?
Sur la rédaction de l’Ad’AP
Selon l’article L.111-7-5-I du CCH, « le propriétaire ou l'exploitant d'un établissement recevant du public ou d'une installation ouverte au public qui ne répond pas au 31 décembre 2014 aux exigences d'accessibilité (…) élabore un agenda d'accessibilité programmée (…) ».
L’article R.111-19-32 du même code apporte des précisions sur la répartition des compétences qu’il convient de retenir. Il prévoit ainsi que « I.-Le propriétaire d'un établissement ou d'une installation soumis à l'obligation d'accessibilité est responsable de la transmission de l'attestation d'accessibilité (…) ou du dépôt de la demande d'approbation de l'agenda d'accessibilité concernant cet établissement ou installation, ainsi que, le cas échéant, des demandes de prorogation des délais de dépôt et des délais de mise en œuvre de cet agenda. Il est également responsable de la transmission des éléments de suivi de l'agenda d'accessibilité programmée (…) et de l'attestation d'achèvement de cet agenda (…).
II.-Ces obligations incombent toutefois à l'exploitant de l'établissement ou de l'installation lorsque le contrat de bail ou la convention de mise à disposition lui transfère les obligations de mise en accessibilité faites au propriétaire.
III.-Lorsque plusieurs personnes s'engagent à participer, notamment financièrement, aux travaux et autres actions de mise en accessibilité prévus par un agenda d'accessibilité programmée, elles peuvent cosigner cet agenda, sans que cette circonstance ait pour effet d'exonérer le propriétaire ou l'exploitant des obligations qui lui sont faites par le présent article ».
Il résulte des termes mêmes de cet article R.111-19-32 que :
• C’est le propriétaire de l’établissement recevant du public qui doit déposer un Ad’AP.
• Toutefois, cette obligation peut revenir à l’exploitant (au locataire) lorsque le contrat de bail ou la convention lui transfère les obligations de mise en accessibilité faites au propriétaire.
• L’Ad’AP peut être cosigné entre propriétaire et exploitant si les deux parties s’engagent à participer, notamment financièrement, aux travaux de mise en accessibilité prévus par cet agenda.
Sur la prise en charge des travaux de mise en accessibilité
Dans le cadre d’un bail commercial
Lorsque le professionnel exerce une activité commerciale, artisanale ou industrielle, il convient de conclure un bail commercial qui sera soumis au statut fixé par le décret du 30 septembre 1953, aujourd’hui codifié dans le code de commerce (articles L.145-1 et suivants, R.145-1 et suivants).
Aux termes de l’article L.145-40-2 du code de commerce, « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire1 En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux ».
Pris pour l’application de cette disposition, l’article R.145-35 du même code dresse notamment une liste des réparations et travaux qui ne peuvent être imputés au locataire et qui sont donc à la charge du bailleur. Il s’agit :
• Des dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que des honoraires liés à la réalisation de ces travaux.
Cet article 606 ne définit pas les grosses réparations mais en donne une liste limitative. Ainsi, « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ».
• Des dépenses liées aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou pour mise en conformité avec la réglementation, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations précitées.
Lorsque le contrat ne contient aucune disposition explicite mettant à la charge du locataire les travaux de mise en accessibilité, ceux-ci doivent être pris en charge par la commune propriétaire.
Si le bail comporte une clause dérogatoire mettant à la charge du locataire les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de le mettre en conformité avec la réglementation, la commune aurait dû en assumer la charge s’ils relevaient des grosses réparations de l'article 606 du code civil.
Dans le cadre d’un bail professionnel
Un bail professionnel est un contrat de location portant sur un local dans lequel le locataire exerce une activité qui n'est ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle. Il s'agit en fait de l'exercice d'une profession libérale.
Il n'existe pas de législation spécifique règlementant ce type de contrat. Ce sont donc les dispositions du code civil qui s'appliquent (en particulier concernant la répartition de la charge des travaux et réparations) ainsi que l'article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 fixant la durée minimale du contrat à six ans.
Pour ce qui concerne les travaux de mise en accessibilité de l’ERP dans lequel s’exerce une activité professionnelle, on peut utilement considérer qu’il s’agit de travaux imposés par l’administration.
La doctrine considère que de tels travaux sont assimilés à des travaux nécessités par la force majeure et sont donc, à défaut de stipulation contraire, à la charge du bailleur en vertu de son obligation d'entretenir la chose jugée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. (Cass. Civ. 3ème, 12 mars 1985, n° 83-16406 ; Cass. Civ. 3ème, 10 mai 1989, n° 87-20196).
Les stipulations mettant ces travaux à la charge du locataire doivent être très précisément rédigées. La jurisprudence est très exigeante sur ce point et a maintenu les travaux à la charge du propriétaire lorsque le bail stipule simplement que le locataire :
- prend les lieux dans l’état où ils se trouvent lors de l'entrée en jouissance et qu'il prend à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité (Cass. Civ. 3ème, 19 juin 2002, n° 01-01769) ;
- se mettra en conformité avec les prescriptions et ordonnances en vigueur, notamment en ce qui concerne la salubrité et l'inspection du travail. (CA Paris, 6e ch. B, 25 novembre 2004, n° 03/10810 : en, l’espèce, cette clause a été considérée comme inapplicable aux travaux de désamiantage qui sont demeurés à la charge du bailleur) ;
- devra se soumettre aux prescriptions légales et réglementaires pour l'exploitation de son commerce (CA Paris, ch. 1-2, 19 septembre 2012, n° 11/22090 : en l'espèce, les travaux de mise en conformité de l'hôtel avec le règlement incendie concernant les ERP ont été mis à la charge du bailleur) ;
- devra se conformer à tous les règlements d'hygiène et de police en vigueur ou à intervenir (Cass. Civ. 3ème, 19 mars 2003, n° 01-00635).
Toutefois, la Cour de cassation a considéré que lorsque le bail met à la charge du preneur les travaux de mise en conformité avec toute réglementation, les travaux d'élimination de l'amiante rendus obligatoires postérieurement à la conclusion du bail incombent au locataire (Cass. Civ. 3ème, 21 novembre 2001, n° 00-13170 ; Cass. Civ. 3ème, 4 mai 2004, n° 02-21349).
Sur la mise en accessibilité d’un bâtiment loué pour un usage d’habitation
Sur les obligations de mise en accessibilité d’un bâtiment d’habitation collectif (BHC)
« Est considéré comme un bâtiment d’habitation collectif tout bâtiment dans lequel sont superposés, même partiellement, plus de deux logements distincts » (article R.111-18 du CCH).
Important :
L’Association départementale pour l’information sur le logement (ADIL 31) considère qu’un logement situé à l’étage des anciens locaux de la mairie et/ou de l’école doit respecter les prescriptions applicables pour les BHC même si le rez-de-chaussée accueille non un autre logement, mais des salles susceptibles d’être mises à disposition.
Les prescriptions applicables aux BHC existants résultent notamment :
- du CCH, et en particulier des articles L.111-7-2, et R.111-18-8 et suivants ;
- de l’arrêté du 26 février 2007 fixant les dispositions prises pour l’application des articles R.111-18-8 et R.111-18-9 du CCH.
Ces textes prévoient ainsi que :
• Les travaux d’accessibilité ne concernent que les bâtiments existants dans lesquels sont exécutés des travaux de modification ou d'extension ou des travaux de création de logements par changement de destination.
Ces travaux2 sont soumis aux dispositions suivantes :
- en cas de travaux réalisés à l'intérieur des volumes ou surfaces existants : maintien, au minimum, des conditions d'accessibilité existantes (article R.111-18-8 a) ;
- en cas de création de surfaces ou de volumes nouveaux dans les parties communes : mêmes exigences d’accessibilité que les bâtiments neufs (articles R.111-18-8 b, R.111-18-1 et R.111-18-2 ; arrêté du 26 février 2007) ;
- en cas de modifications, hors travaux d'entretien, apportées aux circulations communes et locaux collectifs et leurs équipements jouant un rôle en matière d'accessibilité : mêmes exigences d’accessibilité que les bâtiments neufs (articles R.111-18-8 c, et R. 111-18-1 ; arrêté du 26 février 2007).
- en cas de modifications, hors travaux d'entretien, apportées à la signalisation palière ou en cabine d'un ascenseur : les travaux doivent permettre de recevoir par des moyens adaptés les informations liées aux mouvements de la cabine, aux étages desservis et au système d'alarme ; les nouveaux ascenseurs installés doivent disposer de ces moyens (articles R.111-18-8 d).
• Des dérogations peuvent être demandées au préfet (articles L.111-7-2 et R.111-18-10) :
- soit du fait des caractéristiques du bâtiment, notamment pour des motifs d'impossibilité technique liés au terrain, à la présence de constructions existantes ou à des contraintes résultant du classement de la zone de construction, en particulier au regard des règles de prévention des risques naturels ou technologiques ;
- soit lorsqu'il y a disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences, au vu d'un rapport d'analyse établi sous la responsabilité du maître d'ouvrage et joint à la demande de dérogation.
- soit en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural.
A noter : les maisons individuelles
Seules les maisons individuelles construites pour être louées ou mises à disposition, ou pour être vendues sont soumises à l’obligation d’accessibilité.
Les maisons construites ou réhabilitées pour l’usage du propriétaire sont hors champ réglementaire (article R.111-18-4 du CCH).
Une maison individuelle existante n’est soumise à aucune obligation d’accessibilité.
Sur la prise en charge de la mise en accessibilité
Ainsi qu’il est indiqué précédemment, les bâtiments d’habitation existants qui font l’objet de travaux, doivent être rendus accessibles.
Cette obligation d’accessibilité s’impose aux personnes privées ou publiques, propriétaires de locaux d’habitation3.
Il convient de signaler que si les parties à un bail d’habitation peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées (article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989), le juge considère toutefois qu’ne telle clause ne peut porter sur des travaux de mise aux normes (Cass. Civ. 3ème, 3 février 2010, n° 08-21205 ; CA Paris, 6ème ch., sect. B, 27 septembre 2001, n° 1999/06392).
En l’absence de travaux rendant nécessaires la mise en accessibilité du bien par le propriétaire, l’article 7 f de la loi de 1989 permet que des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap puissent être réalisés aux frais du locataire même en cas d’inertie du bailleur.
Le décret n° 2016-1282 du 28 septembre 2016 dresse une liste exhaustive des travaux concernés. Il s’agit de :
- la création, la suppression ou la modification de cloisons ou de portes intérieures au logement ;
- la modification de l'aménagement ou de l'équipement des pièces d'eau (cuisine, toilettes, salle d'eau) ;
- la création ou la modification de prises électriques ou de communications électroniques et de points d'éclairage ;
- l’installation ou l’adaptation de systèmes de commande (notamment commande des installations électriques, d'eau, de gaz et de chauffage, interphone, signalisation, interrupteurs) ; l’installation d'élévateurs ou d'appareils permettant notamment le déplacement de personnes à mobilité réduite ; l’installation ou la modification des systèmes de fermeture et d'ouverture (portes, fenêtres, volets) et d'alerte.
A l’instar des transformations ordinaires, ces travaux doivent être autorisés par le propriétaire.
A cette fin, il lui sera adressé une demande écrite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La lettre doit décrire précisément les transformations envisagées, les conditions dans lesquelles ces travaux seront réalisés. Il indique notamment l'entreprise chargée de les exécuter.
La lettre devra reproduire les dispositions de l'article 7 f et mentionner expressément qu'à défaut de réponse dans le délai de quatre mois, le bailleur sera réputé avoir donné son accord tacite à ces travaux de transformation et ne pourra pas, à l'issue du bail, demander la remise en état des lieux (article 2-I du décret n° 2016-1282 susvisé).
Dans les deux mois suivant l'achèvement des travaux, le locataire atteste auprès du bailleur qu'ils ont été réalisés par l'entreprise choisie et correspondent effectivement aux travaux de transformation notifiés et autorisés (article 2-II du décret n° 2016-1282).
Pour aller plus loin :
Pour de plus amples informations, il est conseillé de se rapprocher du correspondant accessibilité : M. Réginald SARRALDE (Direction départementale des territoires (DDT) de la Haute-Garonne, 2 bd Armand Duportal, BP 70001, 31074 Toulouse Cedex 9 – Tél. : 05.81.97.72.59 – Courriel : ddt-accessibilite @ haute-garonne.gouv.fr).
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1Cet état récapitulatif annuel est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel (article R.145-36 du code de commerce).
2Des dispositions particulières existent lorsque, à l’occasion de travaux de modification ou d’extension portant sur un bâtiment ou une partie de BHC ou à l’occasion de travaux de création d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment par changement de destination, le rapport du coût des travaux à la valeur du bâtiment est supérieur ou égal à 80 % (article R.111-18-9 du CCH).
3 Cette obligation ne concerne pas les propriétaires qui améliorent leur logement.
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.