Location d'une salle municipale : une partie de la caution versée par les locataires peut-elle être retenue en cas de tapage nocturne ?
A l’occasion de la location d’une salle municipale les documents s’y rapportant, convention d’occupation, règlement et état des lieux peuvent en effet, prévoir que tout ou partie du dépôt de garantie, sera retenu en cas de tapage nocturne avéré.
Cette mesure correspond néanmoins à une sanction administrative et à ce titre devra être prise dans le respect d’un régime spécifique. Par ailleurs, en ce qui concerne les nuisances provoquées par le tapage nocturne le maire dispose de moyens alternatifs notamment au titre de ses pouvoirs de police et de ceux conférés par le code de la santé publique.
Possibilité de retenir tout ou partie du dépôt de garantie en cas de tapage nocturne avéré
Les caractéristiques de cette mesure :
Pour rappel, constitue une sanction administrative la décision administrative unilatérale prise par une autorité administrative agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique et réprimant une infraction aux lois ou règlements.
La décision de retenir tout ou partie de la caution en cas de tapage nocturne avéré est une décision administrative, dans la mesure où il s’agit d’une décision prise par le maire en tant qu’autorité administrative, en application du règlement d’occupation et de location de la salle louée.
Elle constitue par ailleurs une sanction dans la mesure où elle vise à réprimer une infraction au règlement d’occupation de la salle, pour autant qu’elle soit expressément prévue par ledit règlement.
En effet, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, toute sanction doit être édictée et précisément définie dans un texte – lequel n’a pas forcément à être un texte de loi (CE, Ass., 7 juillet 2004, Benkerrou, n° 255136) et peut relever du domaine règlementaire.
L’édiction d’une sanction relève du législateur lorsqu’elle concerne une activité relevant de sa compétence en application de l’article 34 de la Constitution (CE, 18 juillet 2008, n° 300304, Fédération de l’hospitalisation privée : « lorsque la définition des obligations auxquelles est soumis l'exercice d'une activité relève du législateur en application de l'article 34 de la Constitution, il n'appartient qu'à la loi de fixer, le cas échéant, le régime des sanctions administratives dont la méconnaissance de ces obligations peut être assortie et, en particulier, de déterminer tant les sanctions encourues que les éléments constitutifs des infractions que ces sanctions ont pour objet de réprimer »).
De plus, il est à noter que lorsque l’activité de location des salles communales se rattache à l’exercice d’une activité de service public local (TC, 19 décembre 1988, n° 02541), la jurisprudence admet que l’organisation de ce service relève de la compétence de l’organe délibérant de la collectivité, usant du pouvoir réglementaire local pour en fixer les modalités d’organisation dans le silence de la loi (CE, 6 janvier 1995, Ville de Paris et Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l'équipement CGT, n° 93428).
Ainsi, la détermination des règles d’occupation et d’utilisation des salles communales ne relève pas du législateur mais bien du pouvoir réglementaire local.
Au titre de sa compétence pour régler les affaires de la commune, le conseil municipal peut par conséquent arrêter ces règles. Il peut également prévoir des mesures de sanction visant les usagers qui troublent, par leur comportement inadapté, le bon fonctionnement du service (article L.2121-29 du CGCT).
Le tapage nocturne constitue un trouble au bon fonctionnement du service de location de salle. Il peut donc, à ce titre, être réprimé par une mesure de sanction prévue réglementairement.
Toutes les conditions étant remplies, la mesure de retenue d’une partie de la caution correspond bel et bien à une sanction administrative.
Le maire peut donc édicter dans tous les documents de la location – règlement de la location et convention d’occupation domaniale notamment – une mesure de sanction telle qu’une retenue d’une partie du dépôt de garantie versé par les locataires.
Toutefois, pour être légale, une telle mesure ne pourra être édictée que dans le respect du régime applicable aux sanctions administratives, être prise dans un cadre légal.
Le régime applicable à la retenue effectuée sur le dépôt de garantie en cas de tapage nocturne avéré.
Il convient de noter que le régime applicable aux sanctions pénales s’applique également aux sanctions administratives. Ce régime est constitué d’un certain nombre de garanties pour la personne sanctionnée, devant impérativement être respectées sous peine de nullité.
Pour rappel, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, les éléments constitutifs du comportement prohibé doivent être définis de manière précise et complète dans un texte.
Il est donc impératif de rappeler par écrit, dans le règlement de la location, l’interdiction de diffuser des sons à un niveau sonore élevé de nature à compromettre « l’audition du public et la santé des riverains » dans le cadre de la location de salles municipales (article L.1336-1 du code de la santé publique). Cette interdiction doit être assortie d’une description de la sanction prévue en cas de manquement, mentionnant ainsi le fait que la commune se réserve la possibilité de retenir une partie de la caution en cas de tapage nocturne avéré.
Il est impératif de préciser également dans le règlement le montant de la retenue pouvant être exercée, tout comme la procédure de mise en œuvre de la sanction prévue.
Par ailleurs, dans un premier temps, l’édiction d’une mesure visant à retenir une partie de la garantie doit respecter les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation.
La sanction ainsi édictée doit être nécessaire, ce qui signifie que les alternatives ne présentant pas un caractère répressif doivent toujours lui être préférées. Une telle mesure peut être justifiée par le fait que le maire reçoit régulièrement des plaintes de la part de riverains, ce qui implique de prévoir une mesure davantage coercitive.
De même, cette sanction doit être proportionnée à la gravité du manquement constaté et à ce qui est nécessaire pour prévenir le tapage nocturne. Par analogie, le montant de l’amende contraventionnelle sanctionnant « les bruits ou tapages […] troublant la tranquillité d’autrui » prévue par le code pénal est d’un montant de 68 euros (amende forfaitaire prévue pour les contraventions de 3ème classe) (article R.623-2 du code pénal). Le maire peut d’ailleurs s’y référer afin de déterminer le montant proportionné de la retenue.
Au regard de cette obligation de proportionnalité, il n’apparaît pas possible en l’état de retenir l’entièreté de la caution en cas de tapage nocturne – une telle retenue apparaissant disproportionnée au regard de la sanction pénale prévue pour les mêmes faits par le code pénal.
De même, la sanction doit être individualisée, c’est-à-dire que l’autorité territoriale doit apprécier le comportement fautif du locataire afin de justifier le fait de retenir une partie du dépôt de garantie. Il appartient donc au maire de faire constater les nuisances sonores par un agent assermenté dressant un procès-verbal d’infraction, après mise en demeure préalable des contrevenants – ce qui permettra également de motiver la sanction par la suite.
Dans un second temps, la mise en œuvre d’une sanction administrative telle qu’une retenue sur caution implique de respecter les droits de la défense, droits appliqués à toute sanction « ayant le caractère d’une punition » (Conseil constitutionnel, 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC).
Ainsi, toute décision administrative défavorable – telle qu’une sanction administrative – doit s’inscrire dans le cadre d’une procédure contradictoire impliquant de mettre en demeure la personne intéressée afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites et, éventuellement, à sa demande, orales (article L.122-1 du Code des Relations entre le Public et l’Administration – CRPA). Le locataire peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de leur choix.
Outre le respect de cette procédure contradictoire, la décision de sanction doit être motivée (article L.211-2 du CRPA). En termes de forme, la motivation doit être formalisée par un écrit et doit détailler les considérations de droit et de fait fondant la décision (article L.211-5 du CRPA).
Il est donc nécessaire de prendre un arrêté municipal précisément motivé, rappelant l’interdiction de tapage nocturne prévue par le règlement, et décrivant les faits sanctionnés. En termes de preuve, il s’agira de suivre la procédure habituelle de constat des nuisances sonores par un agent assermenté dressant un procès-verbal d’infraction.
Sont compétents pour procéder au constat, les officiers et agents de police judiciaire – y compris le maire et ses adjoints, officiers de police judiciaire (article L.2122-31 du code général des collectivités territoriales) –, mais aussi les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales agréés par le procureur de la République et assermentés devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel ils sont domiciliés (articles L.1312-1 du CSP, L.571-18 et R.571-92 du code de l'environnement).
Pour rappel, l’irrespect des droits de la défense dans la mise en œuvre d’une sanction administrative entraîne la nullité de la procédure de sanction.
A noter également que s’il est possible de cumuler sanctions administrative et pénale, « le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne [doit pas] dépasse[r] (...) le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues » (Conseil constitutionnel, 1er juillet 2016, n° 2016-550, M. Stéphane R.). Le montant de la sanction la plus élevée correspond donc au montant maximum de l’amende globale pouvant être infligé en cas de tapage nocturne, dans la mesure où une procédure pénale serait lancée pour sanctionner le tapage nocturne constaté.
Les moyens d’action alternatifs à disposition du maire
Pour rappel, le tapage nocturne est déjà sanctionné de manière générale par une procédure prévue aux articles L.1336-1 et R.1336-5 à R.1336-11 du code de la santé publique (CSP), correspondants aux dispositions applicables aux bruits de voisinage.
A ce titre, le procès-verbal de constat des nuisances sonores dressé est également transmis au procureur de la République, qui dispose de l’initiative des poursuites judiciaires. Dans ce cadre, les contrevenants louant la salle pourront se voir infliger une amende de 68 euros, correspondant à l’amende forfaitaire prévue pour les contraventions de 3ème classe, mais aussi se voir confisquer la chose ayant servi à commettre l’infraction (article R.623-2 du code pénal).
En matière de nuisances sonores, le maire est également soumis à un certain nombre d’obligations légales et réglementaires.
Pour mémoire, le maire dispose de pouvoirs de police générale afin notamment de « réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles […] les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique », mais aussi de pouvoirs de police spéciale afin d’assurer la protection de la santé publique sur le territoire communal (articles L.2212-2 du CGCT et L.1311-2 du CSP respectivement).
Des mesures à même de prévenir et réduire les troubles constatés peuvent donc être prévues par arrêté, en complément de l’arrêté préfectoral relatif à la lutte contre les bruits du voisinage du 23 juillet 1996, toujours en vigueur, lequel indique déjà que « les occupants de locaux doivent prendre toutes précautions pour que les bruits qu’ils engendrent eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’une […] chose dont ils ont la garde ne portent atteinte à la tranquillité du voisinage par leur durée, leur répétition ou leur intensité » (article 7). Cet arrêté peut donc être complété et renforcé par un arrêté municipal.
Le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de sa commune s’il ne prend pas les mesures de police nécessaires pour réduire de manière satisfaisante les nuisances sonores provenant d’une salle des fêtes, faute d’avoir sanctionné de tels manquements aux arrêtés de police (CE, 3 février 2016, n° 381825 et CAA Bordeaux, 24 avril 2007, Commune Salles, n° 04BX01568).
L’irrespect des dispositions d’un arrêté de police est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 2ème classe, soit 150 euros au plus (article R.610-5 du code pénal).
Pour rappel, le maire, responsable des établissements recevant du public communal tels qu’une salle des fêtes, doit établir « une étude de l'impact des nuisances sonores visant à prévenir les nuisances sonores de nature à porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage », à présenter en cas de contrôle (article L.2122-21 du CGCT). Cette étude d’impact peut conclure à la nécessité d’installer des limiteurs de pression acoustique.
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