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    Une commune peut-elle prêter des locaux communaux aux associations cultuelles ?

     

    Les communes sont régulièrement confrontées aux demandes d’associations cultuelles pour la mise à disposition de locaux communaux, en particulier pour l’exercice d’une activité cultuelle.

    Si les associations cultuelles disposent du même droit au prêt des salles municipales que les autres associations au regard du code général des collectivités territoriales, la mise à leur disposition de locaux communaux est toutefois soumise à certaines règles particulières lorsqu’elle a lieu en vue de l’exercice d’un culte.

    Nous reviendrons successivement sur ces différents points.

    Le droit des associations cultuelles à obtenir le prêt des salles communales

      L’article L.2144-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations […] qui en font la demande », sans distinguer selon la nature des associations.

    Dès lors, il convient de considérer qu’une association cultuelle peut, au même titre que tout autre association, bénéficier de la mise à disposition de locaux communaux, y compris pour l’exercice de son culte (Rép. Min. n° 12264 du 17 février 2003, JO AN du 31 mars 2003, p. 2529), ou encore pour l’enseignement du catéchisme.

    En d’autres termes, un refus de salle à une association ne saurait être motivé uniquement par son caractère cultuel. C’est ce qu’a posé le Conseil d’Etat dans une ordonnance de 2007 (CE ord. 30 mars 2007 Ville de Lyon c/ Assoc. locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon-Lafayette, n° 304053) et qu’il a réaffirmé très clairement dans deux décisions (CE Ass., 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, n° 313518 ; CE, 26 août 2011, Commune de Saint-Gratien, n° 352106).

     A noter : Ce droit d’accès aux locaux communaux pour l’exercice du culte ne concerne pas tous les locaux communaux.

    Faisant application des principes de laïcité et de neutralité, le juge administratif considère en effet qu’une célébration religieuse ne peut être organisée dans la salle du conseil municipal : « l'organisation d'une célébration religieuse dans la salle des délibérations du conseil municipal d'une commune est de nature à porter atteinte aux principes de laïcité et de neutralité qui s'imposent aux autorités administratives ».

    Il ajoute que « le fait que, quelques jours auparavant, le maire de la commune avait dû interdire pour des raisons de sécurité l'accès à l'église paroissiale », ne saurait justifier qu'il soit dérogé à ces principes, « alors qu'au demeurant il n'est pas établi que la messe ne pouvait être célébrée ailleurs que dans la salle du conseil  municipal » (TA Bordeaux, 15 décembre 2009, n° 0800363).

     Néanmoins, la commune sollicitée devra prendre garde aux conditions financières et juridiques spécifiques de la mise à disposition de ses salles au profit des associations cultuelles, eu égard aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État.

     Les conditions du prêt des salles communales aux associations cultuelles

     

    C’est à l’aune du principe d’interdiction de subventionner les cultes, posé par la loi de 1905 et récemment réinterprété par le Conseil d’Etat, qu’il convient de déterminer les conditions financières de la mise à disposition des salles communales aux associations cultuelles.

    Sur le plan juridique, la mise à disposition doit, pour être légale, également répondre à certaines exigences.

     La portée de l’interdiction de subventionner les cultes

    Pendant longtemps, le juge administratif a fait une lecture « organique » des dispositions de la loi de 1905.

    En d’autres termes, pour apprécier la régularité d’une aide publique, il prenait en compte son destinataire et non son objet.

    Etait ainsi interdit le versement de toute aide à une association cultuelle, peu importe par ailleurs que la subvention ne concerne pas directement la pratique du culte.

    Cette solution était d’autant plus sévère que, pour son application, le juge assimilait aux associations exclusivement cultuelles les associations dites « mixtes », c’est-à-dire celles qui exerçaient pour partie des activités cultuelles et pour partie des activités non cultuelles, telles des activités culturelles ou caritatives par exemple (CE, 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis c/ Association Siva Soupramanien de Saint-Louis, n° 94455).

     

    Mais le Conseil d’Etat a récemment adopté une position plus souple, au travers de plusieurs arrêts du 19 juillet 2011, dont en particulier l’arrêt « Fédération de la Libre Pensée et d’Action Sociale du Rhône » (n° 308817).

    En exigeant dans cette affaire comme condition, parmi d’autres, que la subvention versée en vue de la réalisation d’un équipement sur un édifice cultuel -en l’occurrence un ascenseur pour l’accès des personnes handicapées à la basilique de Fourvière à Lyon-, soit exclusivement affectée au financement du projet, il démontre qu’il prend désormais en compte l’objet même de l’aide en cause et non la qualité de son destinataire.

    Dès lors :

    -   soit l’aide est accordée, au moins en partie, pour l’exercice du culte et doit, pour être régulière, remplir un certain nombre de conditions ;

    -    soit elle concerne un objet non cultuel et elle est alors octroyée dans les conditions de droit commun.

     Au vu de cette nouvelle interprétation « finaliste » de la loi du 9 décembre 1905, les règles énoncées ci-dessous pour ce qui est du prêt des salles communales trouveront à s’appliquer aux associations cultuelles, qu’elles soient exclusivement ou partiellement cultuelles, lorsque la mise à disposition aura lieu pour l’exercice du culte.

    En revanche, elles seront écartées lorsque l’objet de la demande de prêt d’un local ne sera pas l’exercice du culte. Dans cette hypothèse, les modalités de la mise à disposition seront celles de droit commun.

     La traduction de l’interdiction de subventionner les cultes en matière de prêt des salles communales

     

    La nécessité de prévoir une contribution financière suffisante

    Le juge administratif a récemment décidé que les dispositions de l’article L.2144-3 du CGCT « permettent à une commune, en tenant compte des nécessités qu'elles mentionnent[1], d'autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, l'utilisation d'un local qui lui appartient pour l'exercice d'un culte par une association, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte » (CE Ass., 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, précité).

    Il ressort de cet arrêt qu’une commune ne peut régulièrement autoriser une association cultuelle à utiliser une salle lui appartenant, pour une fin cultuelle, qu’à la condition que la mise à disposition fasse l’objet d’une « juste compensation financière » (expression extraite des conclusions du Rapporteur public E. Geffray sur l’arrêt « Communne de Montpellier »).

     L’on peut donc s’interroger sur la faculté d’accorder la gratuité totale à une association pour une occupation qui revêt un objet cultuel.

    Certes, dans l’arrêt « Commune de Saint-Gratien » précité, le juge a validé la gratuité d’occupation accordée à une association cultuelle, mais en soulignant d’une part que cette gratuité était par ailleurs octroyée à toutes les associations par le règlement d’utilisation des salles municipales, et en tenant compte d’autre part de « la brièveté et [du] nombre très limité des périodes d’utilisation sollicitées [soit une heure par semaine pendant un mois] ainsi [que de] la modestie de l’avantage » ainsi consenti.

    A la lecture de cette motivation, l’on peut donc penser que cette décision est propre aux circonstances de l’espèce et qu’elle ne sera pas transposable à des situations qui ne seront pas identiques.

    Aussi, une commune ne pourra accorder la mise à disposition de ses locaux à titre gratuit à l’Eglise catholique pour le catéchisme ou aux associations musulmanes pour la période du Ramadan, si ces occupations ne peuvent être considérées comme brèves et en nombre limité, et ne représentent pas ainsi pour leurs bénéficiaires un avantage modeste.

    Enfin, l’on peut estimer que sera très certainement considéré comme une libéralité ou une aide au culte interdite, et dans tous les cas comme une entorse au principe d’égalité, le fait de consentir le prêt d’une salle pour l’exercice du culte pour un tarif inférieur à celui appliqué pour des activités non cultuelles.

     La possibilité de pratiquer des tarifs inférieurs à ceux du secteur privé

    Le Conseil d'Etat  a apporté une autre précision quant à la tarification des mises à disposition de salles aux associations cultuelles (CE Ord., 30 mars 2007, « Ville de Lyon c/ Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon-Lafayette », précité).

    Dans cette décision, il a, en effet, estimé que ne constituait pas une subvention prohibée au culte le fait d’appliquer à une association cultuelle des tarifs qui se trouvaient être plus avantageux que ceux pratiqués par le secteur privé.

     Cette position paraît logique car admettre le contraire aurait conduit à interdire l’accès des associations cultuelles aux salles municipales, dès lors que leur mise à disposition est généralement consentie pour un montant inférieur à celui facturé par les loueurs privés, lorsqu’elle n’est pas totalement gratuite.

     Les conditions juridiques du prêt des salles communales aux associations cultuelles

    Dans ses décisions précitées « Commune de Montpellier » et « Commune de Saint-Gratien », le Conseil d’Etat a précisé que les mises à disposition de salles communales aux associations cultuelles pour l’exercice d’un culte ne doivent pas revêtir un caractère « exclusif et pérenne ».

    A défaut, le local en question doit être vu comme un édifice cultuel et se trouve dès lors soumis au régime prévu pour ces édifices par la loi de 1905, en termes notamment de participation de la commune à leur entretien et à leur conservation.

     Concrètement, une commune ne pourra donc autoriser l’occupation de ses locaux à des fins cultuelles :

    -   que pour durée limitée, par exemple en fixant une plage horaire d’utilisation déterminée dans la semaine,

    -   et/ou de manière non exclusive, en se réservant, par exemple, le droit d’utiliser les lieux pour ses propres besoins ou de les prêter à d’autres usagers.

     



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°216

    Date :

    1 avril 2012

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