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    Comment la commune peut elle rompre un bail rural ?

    Il n’est pas rare que les communes mettent à la disposition d’agriculteurs des terrains dont elles n’ont pas une utilité immédiate pour l’intérêt général dont elles ont la charge. Par cette opération, elles ont ainsi l’assurance de voir leurs terrains entretenus et de bénéficier d’un retour financier lorsque la mise à disposition est consentie à titre onéreux. Cependant, lorsqu’elles souhaitent récupérer le terrain, notamment pour la réalisation d’un projet d’intérêt public, elles doivent alors composer avec le régime des baux ruraux, très protecteur pour les exploitants agricoles, à supposer toutefois que la mise à disposition consentie s’analyse bien comme un bail rural, ce qui nécessite d’en préciser préalablement la notion.

    La notion de bail rural

     Le contrat par lequel un terrain à vocation agricole est mis à la disposition d’un agriculteur aux fins d’exercice de son activité constitue en principe un bail rural, réglementé par les articles L.411-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, dès lors que la parcelle sur laquelle il porte est d’une superficie suffisante[1] et qu’il ne s’agit pas d’un contrat de vente d’herbe (vente à un tiers de la production d'herbe, de fourrage ou de foin d'une parcelle, à charge pour ce tiers de récolter), ou de prise en pension d'animaux.

    En application de l’article L.411-1 précité la mise à disposition doit également être faite à titre onéreux. La mise à disposition à titre gratuit d'immeubles à destination agricole échappe donc au statut des baux ruraux. Ainsi, la jurisprudence considère que la personne qui exploite une parcelle de terre sans payer aucun fermage ne peut se prévaloir de la soumission au statut (Cass. Civ. 3ème, 8 juin 1988). Il en est de même de l'agriculteur qui, en contrepartie de l'autorisation d'utiliser une parcelle de terre, fournit au propriétaire le blé nécessaire à seulement quelques volailles (Cass. Civ. 3ème, 10 mai 1989, n° 88-10419).

    Mais des contreparties plus importantes, en argent ou en nature, emportent soumission au statut. La qualification de bail rural soumis au statut doit ainsi être retenue en cas de mise à disposition pour un prix modique ou consistant en une livraison de récoltes ou de certaines denrées (CA Bourges, 7 octobre 1996 : Juris-Data n° 1996-045807). Il a également été jugé que le caractère onéreux de la mise à disposition de plusieurs parcelles de terre peut résulter des travaux d'entretien que l'exploitant effectue régulièrement dans un jardin ou sur des parcelles de terre appartenant au propriétaire (Cass. Civ. 3ème, 22 juillet 1992, n° 90-19086). Enfin, le juge a considéré que la mise à disposition n'est pas à titre gratuit, et qu’il s’agit par conséquent d’un bail rural, lorsque celui qui en bénéficie est tenu au paiement de « toutes les charges afférentes à l'exploitation du bien et, notamment, de la taxe foncière » (Cass. Civ. 3ème, 14 janvier 2004 : Juris-Data n° 2004-021788). 

    Certains éléments de fait ou certaines dispositions contractuelles sont donc déterminantes pour apprécier le caractère onéreux ou non de la mise à disposition.

    Par ailleurs, il convient de préciser qu’un bail rural non écrit est tout à fait valable. La validité des baux verbaux est d’ailleurs reconnue par le code rural et de la pêche maritime, dont l'article L.411-4, alinéa 2, dispose que « les baux conclus verbalement sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux ». Elle est également reconnue de longue date par la Cour de cassation (Cass. soc., 29 juillet 1950 : JCP G 1951, II, 5988, note P. Esmein).

     En présence d’un bail verbal se pose néanmoins le problème de la preuve du contrat. A cet égard, l’article L. 411-1, dernier alinéa, du code rural et de la pêche maritime énonce que « la preuve de l'existence des contrats visés dans le présent article [c'est-à-dire les contrats régis par le statut du fermage] peut être apportée par tous moyens ».

    En cas de contestation de l’existence d’un bail verbal de la part du propriétaire, le moyen le plus sûr pour l’agriculteur qui prétend être titulaire d'un tel bail sur une parcelle qu'il occupe ou exploite est de prouver qu'il paie un fermage (V. par ex., Cass. 3e civ., 10 janvier 1996, n° 94-12.572). Pour ce faire, il doit, produire des quittances ou des talons de chèques, à condition que ces documents ne soient pas équivoques, c'est-à-dire correspondent bien au prix d'un bail.

    La rupture d’un bail rural

    Conformément à l’article L.411-46 du code rural et de la pêche maritime, le preneur d’un bail rural a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires. Selon l’article L.411-53, le bailleur ne peut s’opposer à ce renouvellement que s’il invoque l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L. 411-31 ou n'invoque le droit de reprise pour exploiter.

    Les motifs graves et légitimes pouvant être invoqués à l’encontre du preneur sont limitativement énumérés et ont trait schématiquement :

    - au non-paiement du fermage,

    - à des agissements compromettant la bonne exploitation du fonds,

    - au manquement aux clauses de protection de l’environnement insérées dans le bail,

    - aux cessions et sous-locations non autorisées par le code,

    - à la méconnaissance des dispositions relatives aux conditions d’apport en société des biens loués,

    - à la méconnaissance des dispositions relatives aux conditions d’échanges et de locations dont le terrain loué peut faire l’objet.

    A défaut de congé délivré 18 mois au moins avant l’expiration du contrat pour l’un des motifs susmentionnés, le bail rural est renouvelé pour une durée de neuf ans aux clauses et conditions du bail précédent (articles L.411-47 et L.411-50.). Ce renouvellement intervient automatiquement au terme du bail initial, dont la durée est de 9 ans, et ensuite à l'expiration de chaque période de 9 ans. Dans le cas d’un bail verbal, le point de départ du bail initial est la date à laquelle le preneur a pris possession des terres. Cette date coïncide normalement avec le début de l'année culturale.

     Néanmoins, il reste toujours loisible aux parties à un bail rural de s'accorder, en cours de contrat, pour y mettre fin (V. par ex., Cass. 3e civ., 14 novembre 1985 : Bull. civ. 1985, III, n° 142), moyennant, le cas échéant, le versement d’une indemnité au preneur. L'article L.411-69, alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime prévoit en effet que « le preneur qui a par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ».

    En outre et indépendamment de ces règles de droit commun, il existe des dispositions spécifiques permettant à une personne publique bailleresse de ne pas renouveler, ou de résilier, un bail en cours. Ainsi :

    - Le preneur n’a pas droit au renouvellement de son bail lorsque cette dernière « lui a fait connaître, dans un délai de dix-huit mois avant la fin du bail, sa décision d'utiliser les biens loués, directement et en dehors de toute aliénation, à une fin d'intérêt général » (article L.415-11, alinéa 1). Cette disposition n'exige pas que le congé donné par la collectivité mentionne de façon précise les conditions dans lesquelles l'objectif d'intérêt général projeté sera réalisé (Cass. 3e civ., 9 juillet 2003, n° 02-10.129), mais le non renouvellement du bail doit être motivé par une réelle fin d'intérêt général, comme par exemple la réalisation d'un programme de constructions à caractère social (Cass. 3e civ., 15 avril 1982, n° 80-17.029) ou la création d'une forêt communale en vue de son ouverture au public des parcelles objet du bail (Rép. min. QE n° 19105 : JO Sénat 11 août 2011, p. 2100). Le projet d’intérêt général en cause doit en outre être réalisé par la collectivité propriétaire et non par une personne publique tierce (CA Chambéry, 29 septembre 2011 : JurisData n° 2011-021748).

     - Le bail consenti par une collectivité publique peut également être résilié à tout moment, sur tout ou partie des biens loués, lorsque ces biens sont nécessaires à la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique. Dans ce cas, le preneur a droit à une indemnité à raison du préjudice qu'il subit (article L.415-11, dernier alinéa).

     - Enfin, l’article L.411-32, alinéa 1, code rural et de la pêche maritime prévoit une possibilité de résiliation pour cause d'urbanisme.  Une telle résiliation peut intervenir de plein droit, ou après autorisation administrative préalable, suivant le classement des parcelles en cause dans le document d'urbanisme.

    La résiliation de plein droit n'est possible que si deux conditions sont réunies :

    - la parcelle doit se situer en zone urbaine et non dans un autre type zone ;

    - la destination agricole doit pouvoir être changée en application d'un document d'urbanisme.

    La jurisprudence interprète strictement la première condition. Ainsi, lorsque des parcelles louées sont classées en zone AU et ont donc seulement vocation à être urbanisées, la résiliation sur le fondement de l'article L.411-32 précité ne peut intervenir de plein droit (Cass. 3e civ., 20 février 2013, n° 11-26.879).

    La jurisprudence est en revanche plus souple s'agissant de la seconde condition. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la résiliation pour cause d'urbanisme pouvait intervenir tant sur des parcelles nues que sur des parcelles bâties, plantées, ou constituant une cour (Cass. 3e civ., 17 novembre 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 189).

    En l'absence d'un PLU ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsqu’existe un PLU, en dehors des zones urbaines susmentionnées, ce droit de résiliation ne peut être exercé qu’« avec l'autorisation de l'autorité administrative », c'est-à-dire du Préfet.

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    [1 La superficie minimale des biens soumis au statut du fermage est fixée par arrêté préfectoral. Elle est de 1,00 ha en Haute Garonne(Arrêté préfectoral du 30 septembre 2017 portant actualisation annuelle des indices de fermages pour la campagne 2017-2018).



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°278

    Date :

    1 février 2018

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