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    Marchés publics: comment déclarer une procédure sans suite pour un motif d'intérêt général ?

    Un pouvoir adjudicateur peut toujours mettre fin, pour un motif d'intérêt général, à une procédure de mise en concurrence lancée pour l'attribution d'un marché public.

    Même si le code des marchés publics ne le prévoit expressément que pour les procédures formalisées, tel l'appel d'offres (1), il ne fait aucun doute que cette possibilité existe également dans le cadre des procédures adaptées.

    La décision de déclarer sans suite une consultation doit cependant obéir à un certain nombre de règles, au premier rang desquelles l'obligation d'être fondée sur un motif d'intérêt général valable.

    Les motifs d'intérêt général permettant de déclarer une procédure sans suite

    Les motifs d'intérêt général qui peuvent justifier qu'une consultation soit interrompue sont divers.

    Il convient de prendre soin de bien motiver sa décision, sous peine de la voir annulée par le juge et de devoir indemniser les candidats.

    Les motifs invocables

    L'impossibilité de financer l'achat

    Une procédure peut tout d'abord être déclarée sans suite lorsque le coût de l'achat concerné dépasse les possibilités de financement de la collectivité. Tel peut par exemple être le cas lorsqu'une subvention attendue n'a finalement pas été octroyée (2).

    Le motif financier n'est toutefois pas automatiquement invocable dès lors que le montant des offres dépasse l'enveloppe budgétaire prévisionnelle (3). Il faut que la collectivité démontre qu'elle est dans l'impossibilité effective de réaliser l'achat en cause, fût-il au-dessus de l'estimation qu'elle en a fait initialement.

    Par ailleurs, il faut préciser que lorsque le marché est alloti, l'insuffisance des crédits est appréciée de manière globale et non lot par lot, dans la mesure où un surcoût sur un lot peut être compensé par une moins-value sur un autre lot.

    L'absence de concurrence ou une concurrence insuffisante

    La décision d'interrompre la procédure peut également être justifiée par l'absence ou l'insuffisance de concurrence, même si une ou plusieurs offres ont été remises et sont acceptables (4).

    La modification ou la disparition du besoin

    La disparition ou la modification importante du besoin à satisfaire peut encore être à l'origine de la décision (5).

    En revanche, l'abandon d'une procédure ne doit pas être dû à une mauvaise définition préalable de ses besoins par la collectivité (6).

    La possibilité de réaliser un achat plus économique

    La décision de déclarer sans suite la procédure peut ensuite être dictée par la possibilité de réaliser un achat plus économique.

    C'est le cas, par exemple, lorsque la prestation peut être réalisée selon une technique différente et moins coûteuse que celle prévue dans le cahier des charges, et que cette évolution, compte tenu de son importance, modifie les conditions initiales de la mise en concurrence de telle sorte qu'elle aurait été irrégulière si elle avait été introduite lors de la mise au point du marché, ou ultérieurement par un avenant (7).

    Une irrégularité de procédure

    Enfin, constitue un motif d'intérêt général la commission d'une irrégularité dans le déroulement de la procédure de passation, de nature à rendre illégale la conclusion du marché et qu'il est impossible de corriger sans remettre en cause les conditions de mise en concurrence (8).

    Le juge administratif sanctionne même la collectivité qui, ayant relevé l'irrégularité de la procédure, ne prononce pas la déclaration sans suite (9).

    Les risques en cas de décision mal-fondée

    Les raisons pour lesquelles il est mis fin à la procédure doivent être réelles et explicitées dans la décision (10). La motivation constitue en effet un élément de régularité de la décision de déclaration sans suite (11).

    Le juge administratif procède à un contrôle minimum sur le motif invoqué et vérifie que la déclaration sans suite n'est pas en réalité fondée sur des motifs étrangers à l'intérêt général, notamment la volonté d'écarter certaines entreprises (12).

    Si la renonciation à poursuivre la consultation n'est pas valablement fondée, le pouvoir adjudicateur commet une faute de nature à engager sa responsabilité et à ouvrir un droit à indemnisation des candidats, correspondant au manque à gagner et, le cas échéant, aux dépenses engagées par ces derniers en vue de l'exécution du marché (13).

    De surcroît, la question de la régularité de la décision de mettre fin à la procédure peut également relever du juge pénal. L'absence de caractère sérieux du motif d'intérêt général invoqué peut ainsi constituer un délit de favoritisme si la décision révèle une manœuvre délibérée pour écarter le candidat déclaré attributaire (14).

    Le moment pour déclarer une procédure sans suite

    La déclaration sans suite peut intervenir à tout moment de la procédure, c'est-à-dire jusqu'à la signature du marché, et alors même que le marché aurait été attribué.

    En effet, l'attribution du marché ne confère pas à son bénéficiaire un droit à la signature de celui-ci.

    L'autorité compétente pour déclarer une procédure sans suite

    Le code des marchés publics ne détermine pas quelle est l'autorité compétente pour déclarer une procédure sans suite pour un motif d'intérêt général (15).

    Par conséquent, la compétence doit s'apprécier au regard des dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT).

    Ainsi, lorsqu'une délégation pour la préparation et la passation des marchés a été donnée, à titre permanent, par l'assemblée délibérante à l'exécutif (16), la décision de mettre fin à la procédure appartient à ce dernier.

    Lorsqu'au contraire l'exécutif n'a pas reçu délégation, l'incertitude existe sur le point de savoir quel organe est compétent pour décider de l'abandon de la procédure: l'assemblée délibérante qui décide de l'attribution et de la conclusion du marché, ou l'exécutif qui conduit et mène la procédure jusqu'à l'attribution du contrat ?

    Il convient, selon une partie de la doctrine et par sécurité juridique, d'appliquer le principe dit du "parallélisme des formes et des compétences".

    Dès lors, il incombe à l'assemblée de déclarer la procédure sans suite quand elle a, en amont, délibéré pour décider du lancement de la consultation ou, plus encore, pour autoriser la signature du marché dès avant l'engagement de la procédure (17).

    Dans l'hypothèse inverse, où l'exécutif a pris seul l'initiative de lancer une consultation pour la passation d'un marché, ainsi qu'il en a la faculté selon la jurisprudence, il lui revient de décider d'abandonner la procédure avant son terme.

    A titre d'information, dans le cadre d'un groupement de commandes constitué en application de l'article 8 du code des marchés publics, chaque membre du groupement peut, pour un motif d'intérêt général et dans le respect des règles de compétences énoncées ci-avant, légalement mettre fin à la procédure de passation du marché pour lequel le groupement a été formé (18).

    L'information des candidats

    Il est fortement recommandé en procédure adaptée, et obligatoire en procédure formalisée (article 80 II du code des marchés publics), d'informer les candidats de la décision de ne pas donner suite à la procédure.

    Les modalités pratiques d'information des candidats sur la déclaration sans suite dépendront du moment auquel intervient la décision.

    En pratique, si la procédure est déclarée sans suite pendant le délai de remise des plis, la solution pourra consister en une publication de l'information dans le ou les supports utilisés pour la publication de l'avis. En revanche, après le délai de réception des candidatures et/ou des offres, dans la mesure où les candidats sont identifiés, il est conseillé de les informer directement de la décision. Une lettre recommandée avec accusé de réception, mentionnant les voies et délais de recours, peut à cette fin être adressée à tous les candidats.

    En outre, il est recommandé d'indiquer dans l'avis de publicité de l'éventuelle nouvelle consultation (cf. §5) qu'elle est consécutive à une décision de déclaration sans suite pour un motif d'intérêt général d'une première procédure pour le même marché.

    Le lancement d'une nouvelle procédure

    La déclaration sans suite met fin à la procédure lancée.

    C'est pourquoi le pouvoir adjudicateur doit, s'il souhaite tout de même réaliser l'achat envisagé, recommencer entièrement la consultation.

    Dans ce cadre, il doit prendre en compte les causes qui l'ont conduit à déclarer sans suite et en tirer les conséquences.

    Par exemple, si l'interruption de la procédure est due à une insuffisance de concurrence, il convient d'en rechercher les raisons: le moment auquel la procédure a été lancée ou les moyens de diffusion de la publicité étaient-ils inadaptés ? Des éléments contenus dans le cahier des charges ont-ils découragé les candidats de répondre, dans l'hypothèse où des dossiers de consultation ont été retirés mais n'ont pas donné lieu ensuite à la remise d'offres ? Etc. Dans un tel cas, il n'est pas interdit, et il peut même au contraire être utile, de contacter les entreprises afin de connaître les motifs pour lesquelles elles n'ont finalement pas soumissionné.

    Il faut par ailleurs noter que dans le cadre d'un marché alloti, il est nécessaire, même si seuls certains lots ont été déclarés sans suite, de prendre en compte l'estimation globale du besoin pour déterminer les mesures de publicité et les modalités de mise en concurrence à mettre en œuvre pour la nouvelle consultation.

    Néanmoins, si la procédure à laquelle il a été mis fin était une procédure formalisée, le pouvoir adjudicateur pourra recourir à la procédure adaptée si les conditions posées par l'article 27 III du code des marchés publics sont réunies (19).

    Voir aussi la fiche technique de la Direction des affaires juridiques du Ministère de l'Economie et des Finances, "La déclaration sans suite", consultable à l'adresse suivante: http://www.economie.gouv.fr/daj/declaration-sans-suite.

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    (1) Articles 59 IV du code des marchés publics pour l'appel d'offres ouvert et 64 IV du même code pour l'appel d'offres restreint.

    (2) Cour administrative d'appel de Lyon, 6 juin 2013, Société Peduzzi bâtiment, n°12LY01822.

    (3) Tribunal administratif de Nancy, 7 mai 2002, SARL TP2B, Dr. Adm. 2002, comm. 46.

    (4) Cour de justice des Communautés européennes 16 septembre 1999, aff. C-27/98, Metalmeccanica Fracasso SpA, BJCP 1999 p.93.

    (5) Conseil d'Etat, 23 novembre 1983, Cne de Mont-de-Marsan, n°30493, Rec. T p.778 ; CAA Bordeaux, 8 janvier 2008, Société Goppion, n°05BX01006.

    (6) Tribunal administratif de St-Denis de La Réunion, 4 octobre 2000, Préfet de La Réunion, n°0000216.

    (7) Conseil d'Etat, 30 décembre 2009, Société Estradera, n°305287 ; Cour administrative d'appel de Bordeaux 22 mai 2003 Société Alzate, n°99BX02631, Contr. et march. publ. 2003, comm.229 ; 6 mars 2007 OPAC des Hautes-Pyrénées, n°04BX00948, Contr. et march. publ. 2007, comm.145.

    (8) Conseil d'Etat, 13 janvier 1995, CCI de la Vienne, Rec. p.26, D.1996 somm. p.141 ; Tribunal administratif de Versailles ord. 28 juillet 2004 Spectra Physics France SA, n°0403428 ; Cour administrative d'appel de Bordeaux 31 décembre 2007 Dpt de La Réunion c/ SARL J. M. Transports, n°05BX02211, Contr. et march. publ. 2008 comm.41.

    (9) Cour administrative d'appel de Nancy, 4 mai 1999, Préfet du Nord n°95NC02022.

    (10) Tribunal administratif de Nancy, 7 mai 2002, SARL TP2 précité.

    (11) Cour administrative d'appel de Lyon, 7 janvier 2010, Ministre de l'emploi contre l'Association OSER, n°07LY00624.

    (12) Conseil d'Etat, 18 mars 2005, Sté Cyclergie, n°238752, Contrats et Marchés publics 2005, comm.150.

    (13) Cour administrative d'appel de Paris, 4 mai 2010, Région Île-de-France, n°08PA04899, Contr. et march. publ. 2010 comm.285, AJDA 2010 p.1789.

    (14) Cour de cassation, chambre criminelle, 21 septembre 2005 n°04-83.868, Contr. et march. publ. 2006, chron. de droit pénal des marchés publics, par F. Linditch ; 12 décembre 2007, n°07-80.177.

    (15) A noter toutefois qu'en procédure formalisée, si la consultation est déclarée sans suite parce qu'aucune candidature ou aucune offre n'a été remise, ou parce qu'il n'est proposé que des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables, le code des marchés publics désigne la commission d'appel d'offres comme l'autorité compétente pour se prononcer (articles 59 III, 64 III et 67 IX du code).

    (16) En application de l'article L.2122-22 4° du CGCT pour les communes, et de l'article L.5211-10 du même code pour les établissements de coopération intercommunale (EPCI).

    (17) Sur le fondement de l'article L.2122-21-1 du CGCT, applicable aux EPCI par renvoi de l'article L.5211-2 du même code.

    (18) CAA Nantes, 2 mars 2012, SAS Les Champs Jouault, n°01NT01979.

    (19) La procédure adaptée est autorisée pour les lots inférieurs à 80 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services, ou à 1 000 000 € HT pour les marchés de travaux, et à condition que le montant cumulé des lots concerné ne dépasse 20% de la valeur de la totalité des lots.



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°231

    Date :

    1 octobre 2013

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