de liens

    Aller sur la page Recherche documentaire

    Thèmes

    de liens

    Candidature d’une personne publique a un contrat de la commande publique : la nécessite de justifier d’un intérêt public

    Il est depuis un certain nombre d’années établi que rien ne s’oppose par principe à ce qu’une personne publique puisse candidater à un contrat de la commande publique (marché public, délégation de service public, concession de travaux publics) passé par une autre personne publique (CE, avis, 8 nov. 2000, n° 222208, Sté Jean-Louis Bernard Consultants).

     Mais par une décision de décembre dernier, le Conseil d’Etat  est venu préciser les conditions dans lesquelles les collectivités et leurs groupements peuvent se porter candidats à un tel contrat (CE, ass., 30 déc. 2014, n° 355563, Sté Armor SNC).

     Si le juge ne fait que rappeler que la candidature d’une personne publique ne doit pas fausser les règles de la concurrence, il affirme pour la première fois qu’une telle candidature est conditionnée à la démonstration d’un intérêt public.

    La nécessité de justifier d’un intérêt public

     Dans sa décision, le Conseil d’Etat impose que la candidature d’une collectivité territoriale à un marché public réponde à un intérêt public local.

    Une telle exigence apparaît logique, même si le juge avait il y a quelques années statué en sens contraire (CE, 10 juill. 2009, n° 324156, Département de l’Aisne), dans la mesure où un contrat de la commande publique a, par définition, pour finalité de satisfaire les besoins de la collectivité qui le passe et qui sont étrangers à celle qui y candidate.

     

    Pour présenter un intérêt public, la candidature de la personne publique devra, aux termes de l’arrêt, s’inscrire dans le prolongement d’une de ses missions de service public.

    Si une collectivité ne saurait avoir pour vocation de constituer des services dans le seul but de répondre aux commandes d’autres collectivités, rien ne l’empêche toutefois d’optimiser les moyens mis en place pour l’exercice de ses propres compétences.

    Il est ici à noter que le juge a choisi la notion de « prolongement » plutôt que celle d’« accessoire » afin de ne pas avoir à procéder à « la pesée » de la part d’activité correspondant à l’exécution de marchés publics dans l’activité globale du service public concerné.

     Le mérite de la décision est d’expliciter en quoi peut consister, dans ce cadre, l’intérêt public de la candidature de la collectivité.

    Le juge illustre en effet sa solution en indiquant que le but de la collectivité peut notamment être d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier.

    L’intérêt public peut ainsi prendre une dimension financière qui, sans pouvoir se résumer à la recherche pure et simple de profits, peut en elle-même justifier l’intervention de la collectivité.

    Il est par ailleurs intéressant de noter que l’intérêt public peut ne pas tenir directement aux intérêts des usagers du service public en question, mais à ceux du service lui-même.

    Pour terminer sur ce point, il y a lieu de signaler que la Cour de justice de l’Union européenne rejoint peu ou prou la position du Conseil d’Etat lorsqu’elle indique dans un arrêt récent que les prestations qui font l’objet du marché public ne doivent pas être « incompatibles avec les objectifs institutionnels et statutaires » de l'entité publique qui y candidate (CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-568/13, Azienda Ospedaliero-Universitaria di Careggi-Firenze c/ Data Medical Service Srl, voir point 37 de l’arrêt).

    La nécessité de ne pas fausser la concurrence

    Il s’agit ici de la reprise des règles déjà énoncées dans l’avis « Jean-Louis Bernard Consultants » sur la formation du prix. Le Conseil d’État revient dans sa décision sur la nécessité de ne pas fausser le jeu de la concurrence.

    A ce titre, le prix proposé par la collectivité qui candidate doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects exposés, sans qu’elle ne tire un avantage de son statut de personne publique.

    La collectivité doit être en mesure d’en justifier par ses documents comptables ou par tout autre moyen d’information approprié (voir par exemple : CAA Douai, 9 juin 2005, n° 03DA00269, Sté Cie générale des eaux).

     Le juge européen adopte pour sa part une autre approche (CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-568/13, Azienda Ospedaliero-Universitaria di Careggi-Firenze, préc.).

    Il pose lui aussi la nécessité de respecter les règles de la concurrence, mais sans que l’entité publique candidate ne fasse l’objet d’un contrôle plus poussé que celui exercé sur la candidature des opérateurs économiques privés.

    Pour la Cour de justice, le pouvoir adjudicateur ne peut écarter la candidature d'une personne publique sur le seul fondement que, grâce à ses ressources publiques, elle a pu présenter une offre inférieure à celle des opérateurs privés. Il doit seulement s'assurer que les avantages dont la collectivité candidate peut disposer ne constituent pas des aides d'État illégales ou incompatibles avec le droit de l'Union européenne.

    Le pouvoir adjudicateur ne peut pas non plus exiger la tenue d’une comptabilité séparée entre les activités concurrentielles et les activités non-concurrentielles de la collectivité candidate.

     Pour finir, il faut souligner que le Conseil d’État précise que les conditions ainsi posées à la candidature d’une collectivité à un contrat de la commande publique ne remettent pas en cause la faculté qu’ont les collectivités territoriales d’instituer des modes de coopération en dehors du cadre concurrentiel : prestations intégrées (in house), ententes, groupements d’intérêt public, etc.

     

     

     



    Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.

    Auteur :

    Arnaud DA SILVA, Chef du service juridique

    Paru dans :

    ATD Actualité n°247

    Date :

    1 mars 2015

    Mots-clés