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    Le régime de la garantie décennale des constructeurs

    Les conditions de la mise en œuvre de la garantie décennale

    La garantie décennale est celle par laquelle tout constructeur garantit la réparation intégrale, pendant dix ans, des désordres graves subis par un ouvrage construit dans le cadre d'un marché public de travaux et qui n'étaient pas apparents lors de sa réception.

    Elle bénéficie au propriétaire de l'ouvrage construit. Toutefois, si ce dernier a souscrit une assurance dommage-ouvrage (DO), l'assureur est subrogé dans les droits du propriétaire pour bénéficier de la garantie décennale dans la limite de montant de l'indemnité d'assurance.

    Les désordres sur lesquels porte la garantie décennale

    La garantie ne joue que pour les désordres graves, c'est-à-dire les désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ainsi que les désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

    En outre, elle couvre uniquement les désordres qui sont apparus dans le délai de dix ans suivant la réception. Ainsi, les désordres connus, apparents ou décelables au jour de la réception ne peuvent pas bénéficier de la garantie décennale, s'ils n'ont pas fait l'objet de réserves.

    La garantie décennale concerne l'ouvrage ainsi que ses éléments d'équipements qui sont indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

    A noter que les travaux exécutés pour remédier aux désordres en application de la garantie décennale bénéficient de cette garantie dans les mêmes conditions que les travaux initiaux.

    A titre d'exemple, le juge a caractérisé comme tel, l'affaissement d'une toiture (CE, 8 mai 1968, Playout et Entr. Baeza), l'effritement des murs (CE, 21 juillet 1970, Masson), ou des fissures et épaufrures de nature à faciliter les infiltrations (CAA Versailles, 29 décembre 2009, n° 07VE00513, Sté AO2A Architectes ingénieurs).

    A contrario, de simples traces d'humidité (CAA Lyon, 12 octobre 1989, n° 89LY00110, OPHLM Valence), des fissures réduites (CE, 25 avril 1990, n° 90799, ville Lille) ou simplement inesthétiques (CAA Bordeaux, 2 avril 1991, OPHLM Haute-Loire), ou des remontées d'humidité dues à la pose d'enduit sur les soubassements provoquant cloquages et traces brunâtres inesthétiques (CAA Lyon, 26 novembre 2009, n° 09LY02104, Cne Crain), ne constituent pas des désordres suffisants pour que le maître d'ouvrage bénéficie de la garantie décennale.

    Les personnes tenues par la garantie décennale

    La garantie décennale pèse sur les constructeurs de l'ouvrage lié au propriétaire par un marché public, c'est-à-dire le maître d'œuvre, les entreprises de travaux et le contrôleur technique en vertu de l'article L.111-24 du code de la construction et de l'habitation.

    Ne sont donc pas soumis à la garantie décennale les sous-traitants, les filiales des entreprises titulaires du marché, les maîtres d'ouvrages délégués, le coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS), le conducteur d'opération.

    Néanmoins, le Conseil d'État a récemment admis que le maître d'ouvrage puisse intenter une action quasi-délictuelle contre un sous-traitant ou contre les autres participants à une opération de travaux publics, mais uniquement dans l'hypothèse où la responsabilité du ou des cocontractants ne peut pas être recherchée (CE, 7 décembre 2015, n° 380419, Cne Bihorel).

    Par exemple, les principaux cas de responsabilité décennale des architectes et maîtres d'œuvre concernent les vices de sol (absence d’analyse), les vices de conception (erreurs dans les calculs et devis, choix des matériaux, procédés et techniques de construction), le défaut de surveillance, les négligences dans l'exercice des fonctions de conseil et de vérification.

    Concernant les entrepreneurs, leur responsabilité décennale est, généralement, engagée pour les vices de conception, les vices de construction (mauvaise exécution des travaux, utilisation de procédés de construction défectueux ou inadaptés, emploi de matériaux impropres ou de mauvaise qualité, manquements au devoir de conseil).

    En principe, les constructeurs sont débiteurs de la garantie dans la limite des désordres qui leur sont imputables. Néanmoins, si les constructeurs sont membres d'un groupement d'entreprises solidaire, le bénéficiaire de la garantie peut demander à un ou plusieurs des membres du groupement de réparer les désordres même si ceux-ci ne leur sont pas attribuables. De même, le mandataire solidaire d'un groupement conjoint est responsable de l'ensemble des désordres qui sont imputables à l'un ou l'autre des membres du groupement.

    Les délais de mise en jeu de la garantie

    Le délai de dix ans court à compter de la date de réception des travaux telle qu'elle est indiquée dans le procès-verbal de réception. Il est donc le même pour tous les constructeurs. Pour les travaux de levée des réserves, le délai court à compter du jour où le maître d'ouvrage a levé les réserves.

    Le délai de garantie peut être interrompu dans divers cas :

    • lorsque le constructeur reconnaît sa responsabilité, ce qui  peut se manifester par la réparation des désordres,
    • lorsque le maître d'ouvrage notifie un titre exécutoire à un constructeur pour obtenir le paiement des travaux de réparation,
    • en cas de saisine du juge administratif.

    La mise en jeu de la garantie doit donc être formée par le maître d'ouvrage auprès du constructeur concerné dans ce délai. Ce délai se calcule de date à date et ne se prolonge pas au premier jour ouvrable lorsqu'il expire un jour férié (CE, 17 juin 1983, n°30458, ville Beauvais).

    Les actions pouvant être engagées par le maitre d'ouvrage

    Si la réparation des désordres est le plus souvent ordonnée par le juge en cas de contestation, elle peut également être recherchée par le maître d'ouvrage. Dès lors que les désordres sont de nature à entraîner la responsabilité des intervenants au titre de la garantie décennale, il appartient au maître d’ouvrage d’engager la procédure qui doit permettre d’assurer leur réparation.

    L’exécution ou le financement des travaux de réparation par les constructeurs

    Après appel en garantie du maître d’ouvrage, les constructeurs peuvent décider de procéder directement à la réparation des malfaçons ou prendre en charge le coût de l’ensemble des travaux nécessaires, sans autre formalisme.

    Le règlement amiable contractuel

    Le CCAG applicable aux marchés de travaux approuvé par arrêté du 8 septembre 2009 prévoit la mise en œuvre d’une procédure de réparation amiable, préalablement à un recours contentieux.

    Il est également possible de faire appel au comité consultatif de règlement amiable dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics.

    La transaction

    Le maitre d’ouvrage peut recourir à la transaction pour mettre fin au litige qui l’oppose aux constructeurs concernant la réparation des désordres. Par ce biais, il renonce alors à exercer tout recours contentieux à l’encontre des constructeurs qui, en contrepartie, s’engagent à lui payer un somme correspondant à leur part de responsabilité dans les désordres.

    La transaction est définie par l’article 2044 du code civil commeun contrat écrit par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

    Le juge administratif s’est inspiré des dispositions du droit privé pour élaborer le régime juridique des transactions passées par les personnes publiques, qui ont la nature de contrats administratifs.

    Ce régime est rappelé dans la circulaire du 6 février 1995 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX9500645C) et dans la circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique (NOR : ECEM0917498C).

    L’action en garantie décennale devant le juge administratif

    En cas d’échec de la solution amiable, reste alors le recours contentieux.

    La nécessité d’une expertise préalable

    La première opération qui s’impose est de procéder à une constatation des désordres apparus, de manière contradictoire. Elle peut se faire à l’amiable avec les intervenants concernés ou éventuellement leur assureur. Il est cependant recommandé, en prévision d’éventuels développements contentieux, de s’adresser pour cela au juge des référés. Il ne s’agit pas encore, à ce stade, d’introduire l’action en garantie décennale elle-même, mais de solliciter du juge des référés la désignation d’un expert.

    Il convient pour cela de saisir le Président du Tribunal administratif, en vertu de l’article R.532-1 du code de justice administrative, sur simple requête en référé, afin qu’il prescrive toutes mesures utiles d’expertise. Le Président du Tribunal administratif pourra alors désigner un expert qui sera chargé de constater les désordres, d’en rechercher les causes et les responsables et de déterminer et évaluer les travaux nécessaires à la réparation. Cette mesure d’expertise ne préjuge pas de la position du juge sur le fond du litige, mais elle permet de gagner du temps.

    En effet, dans la meilleure hypothèse, lorsque les responsabilités apparaissent effectivement établies, elle conduit à un règlement amiable qui rend inutile la saisine du juge du fond.

    Par ailleurs, la saisine du juge des référés interrompt le cours du délai de garantie, pour les désordres invoqués seulement, et non pour d’autres malfaçons constatées sur le même ouvrage (CE, 22 juillet 1992, Département du Var c/ société Socéa Balancy, n° 51446).

    Sinon, elle permettra dans un second temps, le cas échéant, de diriger et de motiver l’action de la personne publique au fond en garantie décennale en connaissance de cause, ainsi que de chiffrer la demande d’indemnisation.

    L’action au fond devant le Tribunal administratif

    L’expertise effectuée dans le cadre du référé pourra dispenser le Tribunal administratif saisi au fond de procéder lui-même à cette mesure d’instruction quasi inévitable, surtout dans le cas des désordres soumis à la garantie décennale. L’action au fond est déclenchée par le dépôt d’une requête au greffe du Tribunal administratif de Toulouse avant que n’expire le délai de recours.

    De manière générale, le juge peut prononcer une réparation en nature ou en argent de l'entrepreneur. Le maître d'ouvrage peut demander aux constructeurs, soit d'exécuter ou de faire exécuter à leurs frais les travaux des malfaçons constatées, soit de lui verser une indemnité correspondant au coût des travaux. Toutefois, en cas d'incapacité de l'entrepreneur (règlement et liquidation judiciaire), le juge peut substituer à l'obligation de réparation en nature une condamnation au paiement d'une indemnité (CE 9 octobre 1970, Raboni).

    La jurisprudence a posé la règle selon laquelle les conclusions des recours en indemnité doivent être chiffrées (CE 19 décembre 1984, Mme Boehrer). Néanmoins, il peut être dérogé à cette règle dans le cas où la condamnation solidaire des architectes et des entrepreneurs à une réparation en nature des désordres, le juge est tenu, même d'office, de condamner les deux constructeurs à une réparation en argent parce que les architectes ne peuvent être condamné à exécuter des travaux (CE 10 juin 1983, OPAC de l'Oise).

    L’introduction d’un référé-provision

    Parallèlement à l’éventuel engagement d’une action en garantie décennale devant le Tribunal administratif, il est possible de saisir le Président du Tribunal administratif en référé d’une demande de provision (article R.541-1 du code de justice administrative).

    L’octroi de la provision pour réparer les désordres sera subordonné à ce que l’existence de l’obligation de réparation ne soit pas sérieusement contestable. Il ne devra donc pas être sérieusement contestable que les désordres entrent dans le champ de la garantie décennale et qu’ils sont bien imputables aux intervenants.

    Après avoir informé par courrier les entrepreneurs des malfaçons apparues après réception des différents ouvrages, le recours au juge administratif est indispensable pour démontrer la responsabilité décennale de ceux-ci (sauf lorsqu'il y a reconnaissance de responsabilité par les entrepreneurs).

     

     

     

     

     



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    Auteur :

    Valérie TESSIER, Service juridique

    Paru dans :

    ATD Actualité n°263

    Date :

    1 octobre 2016

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