Le nouveau code de la commande publique
Annoncée en juillet 2015, la réforme de la commande publique est arrivée à son terme avec la publication au Journal officiel du 5 décembre 2018 de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique (CCP) et du décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire.
Cette ordonnance, prise sur le fondement de l’article 38 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique constitue l’ultime étape de la démarche de rationalisation et de modernisation du droit de la commande publique, initiée avec la transposition des directives européennes de 2014.
Le nouveau code s'appliquera aux marchés publics et aux contrats de concession (dont notamment les délégations de service public) pour lesquels une consultation aura été engagée ou un avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication à compter du 1er avril 2019.
La présente fiche présente successivement les objectifs de ce travail de codification, le plan du nouveau code, les nouvelles règles issues de la jurisprudence et les ajustements à venir.
Des objectifs de facilitation, de simplification et d’exhaustivité
Des objectifs de facilitation et de simplification
Pendant près de 24 mois, le chantier de codification, porté par le ministère de l’Economie et des Finances, s’est déroulé de manière collaborative avec l’ensemble des acteurs de la commande publique, aussi bien privés que publics.
Guidées par des objectifs de facilitation et de simplification, la codification ne se limite pas à une pure juxtaposition des types de contrats existants et des règles qui leur sont applicables mais s’attache, de manière plus ambitieuse, à faire ressortir les principes directeurs de la commande publique et à établir, de manière cohérente, les régimes de passation et d’exécution des contrats. « Un facilitateur pour les acheteurs et les entreprises » dont le but est de rendre « notre droit plus lisible, plus accessible et plus stable » a ainsi déclaré Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie des Finances, lors de la présentation du futur CCP, à l'occasion du Conseil des ministres du 26 novembre 2018.
Organisé selon la chronologie de la vie du contrat, de sa préparation à son exécution, le code est adapté à l’utilisation quotidienne qu’en feront les praticiens. Outre des gains en termes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit de la commande publique, il renforcera la sécurité juridique des contrats et il participera également à garantir l’accès et l’efficacité de la commande publique qui représente près de 8 % du PIB.
Un objectif d’exhaustivité
Dans un souci d’exhaustivité, le code réunit les 31 textes utilisés quotidiennement par les acheteurs et les entreprises notamment les décrets 2016 relatifs aux marchés publics et aux concessions, la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique, dite MOP, la loi de 1975 relative à la sous-traitance et les différents textes relatifs aux règlements alternatifs des litiges (transaction, médiation et arbitrage), ainsi que certaines dispositions des lois Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) du 27 juin 2018 et Evolution du Logement et Aménagement Numérique (ELAN) du 24 novembre 2018.
Le CCP comprend ainsi 1747 articles qui présentent l’ensemble des règles applicables aux contrats de la commande publique.
Le plan de ce nouveau code
Le rappel des principes fondamentaux dans le titre préliminaire
Le titre préliminaire rappelle les principes fondamentaux de la commande publique et définit, en outre, les éléments essentiels du régime juridique commun à la plupart des contrats de la commande publique. Après le rappel du choix dont disposent tous les acheteurs et autorités concédantes de faire appel à leurs propres moyens plutôt qu’à un contrat de la commande publique pour répondre à leurs besoins et de la définition de ces contrats, l’article L.3 énonce les principes fondamentaux de la commande publique : l’égalité de traitement, la liberté d’accès et la transparence des procédures.
La définition de chaque catégorie de contrats dans la première partie
La première partie du code définit chaque catégorie de contrats de la commande publique (livre Ier) ainsi que les différents acteurs (livre II). Le livre III est consacré aux contrats mixtes, c’est-à-dire portant à la fois sur des prestations soumises au code et d’autres ne l’étant pas.
Une deuxième partie consacrée aux marchés publics
La deuxième partie du code, consacrée aux marchés, est divisée en six livres, structurés de manière à épouser les étapes chronologiques de la vie du contrat : sa préparation, sa passation et son exécution. Le livre Ier traite des dispositions régissant les marchés et codifie les dispositions de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015.
Des textes épars concernant l’exécution de ces marchés ont également été codifiés au sein de ce livre. Tel est le cas de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Le livre II est consacré aux marchés de partenariat et le livre III aux marchés de défense ou de sécurité. Le livre IV rassemble l’ensemble des dispositions applicables à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, issues de la loi MOP précitée.
Le livre V regroupe les dispositions applicables aux marchés soumis à un régime juridique particuliers, qui échappaient, en raison de leur objet ou de la nature des contractants, au champ d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015. Sont notamment concernés, sous certaines conditions, les marchés passés entre personnes publiques, ou avec des personnes privées contrôlées par des personnes publiques.
Le livre VI regroupe les adaptations des dispositions de cette partie aux collectivités et territoire d’outre-mer.
Une troisième partie consacrée aux contrats de concession
La troisième partie du code, relative aux contrats de concession, comprend trois livres.
Le livre Ier rassemble l’ensemble des dispositions régissant la préparation, la passation et l’exécution de ces contrats. Il porte, pour l’essentiel, codification des dispositions de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relatifs aux contrats de concession.
Le livre II regroupe les dispositions applicables aux contrats de concession soumis à un régime juridique particulier et qui échappaient, en raison de leur objet ou de la nature des contractants, au champ d’application de la même ordonnance.
Le livre III porte adaptation des dispositions de cette partie aux collectivités et territoire d’outre-mer.
Le code comporte enfin une partie réglementaire qui, hormis les principes fondamentaux, reprend le même plan que la partie législative, et a pour objet de préciser cette dernière.
La codification de certaines règles issues de la jurisprudence
L’exercice de codification a également été l’occasion de codifier certaines règles issues de la jurisprudence.
Laure Bédier, Directrice des affaires juridiques (DAJ) du Ministère de l’Économie a néanmoins précisé que « Dans un souci d’équilibre entre la sécurité juridique et la liberté du juge, seules les jurisprudences stables ont été codifiées ».
Cette codification a ainsi permis d’inscrire dans la loi les jurisprudences relatives à :
- la durée limitée de l’ensemble des contrats administratifs (art. L.5) ;
- la modification des contrats administratifs (art. L.6 4°, L.2194-2 et L.3135-2) ;
- la résiliation des contrats administratifs (art. L.6 5°, L.2195-1 et L.3136-1) ;
- la définition des offres anormalement basses dans les marchés publics (art. L.2152-5) ;
- le droit au maintien de l’équilibre financier (art. L.2194-2 pour les marchés publics et L.3135-2 pour les concessions) ;
- la possibilité d’attribuer en urgence une concession sans publicité ni mise en concurrence (art. L.3121-2 et R.3121-6 3°) ;
- le régime des biens de retour dans les concessions (art. L.3132-4 et L.3132-5).
Les ajustements à venir
La DAJ a annoncé quelques ajustements à venir.
En premier lieu, un arrêté comprenant une vingtaine d’annexes. En revanche, la grille de correspondance entre les articles du CCP et ceux des textes abrogés est déjà consultable sur le site de la DAJ (www.economie.gouv.fr/daj/commande-publique).
En second lieu, des nouveaux formulaires de publicité, correspondant aux divers seuils de passation, paraîtront en 2019.
Par ailleurs, les dispositions régissant la facturation électronique (ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014) seront intégrées au code après la transposition de la directive 2014/55/UE, prévue au plus tard en avril 2019.
Enfin, un arrêté sur la dématérialisation du certificat de Cessibilité, la parution d’un nouveau document unique de marché européen (Dume) simplifié ainsi que la fusion du Dume et du marché public simplifié (MPS), sont également en cours de préparation.
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Pour aller plus loin : tableau récapitulatif des nouvelles règles issues de la jurisprudence.
Annexe : tableau récapitulatif des articles du CCP issus de la jurisprudence
Nouvelles règles |
Articles concernés du CCP |
Jurisprudences codifiées |
Commentaires |
La durée limitée de l’ensemble des contrats administratifs |
L.5 |
CE, 29 novembre 2000, n° 205143, Commune de Païta (marchés). |
La durée limitée des concessions était déjà prévue par les textes, coïncidant généralement à la durée d'amortissement d'éventuels inves-tissements avec celle du contrat. Cette des marchés résultait par contre de la seule jurisprudence, notamment Païta. |
Le pouvoir de modification unilatéral à l’initiative de l’Administration |
L.6 4° (général), L.2194-2 (marchés) et L.3135-2 (concessions). |
Arrêts de principe : CE, 2 février 1983, n° 34027, Union des transports publics urbains et régionaux. (marchés) et CE, 10 janvier 1902, n° 94624, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen (concessions). |
L'autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat, sans en bouleverser l'équilibre. Le cocon-tractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat. |
Le pouvoir de résiliation unilatéral à l’initiative de l’Administration |
L.6 5° (général), L.2195-1 (marchés) et L.3136-1 (concessions). |
Arrêts de principe : CE. 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Rec. p. 246 (marchés) et CE, 2 février 1987, n° 81131, Société TV6 (concessions). |
L'autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d'intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat. |
La définition des offres anormalement basses |
L.2152-5 |
Selon ce nouvel article, « Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ». | |
La possibilité d’attribuer en urgence une concession sans publicité ni mise en concurrence |
L.3121-2 et R.3121-6 3° |
CE, 14 février 2017, n° 405157, GPMB.
|
L'autorité concédante peut passer un contrat de concession sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque en raison d'une urgence particulière, le respect d'une telle procédure est impossible. Deux conditions sont imposées : la continuité du service doit être justifiée par un motif d'intérêt général, d’une part et la durée de ce nouveau contrat ne doit pas excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de passation, d’autre part. |
Le régime des biens de retour dans les concessions |
L.3132-4 et L.3132-5 |
Les biens, meubles ou immeubles, qui résultent d'investissements du concessionnaire et sont néces-saires au fonctionnement du service public sont les biens de retour. Au terme du contrat de concession, les biens de retour qui ont été amortis font retour dans le patrimoine de la personne publique gratuitement, sauf stipulations du contrat prévoyant la reprise par le concessionnaire des biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. |
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