L’achèvement des marches de travaux et la garantie de parfait achèvement
Les caractéristiques de la garantie de parfait achèvement
Au titre de la garantie de parfait achèvement d'un an, le titulaire d'un marché de travaux doit réparer tous les désordres causés par un manquement à l'une de ses obligations contractuelles, qui ont fait l'objet de réserves lors la réception des travaux, ou qui sont apparus postérieurement à la réception.
La garantie couvre non seulement le montant des travaux nécessaires à la remise en état de l’ouvrage (qui comprennent le traitement des désordres et de leur cause) mais également l’indemnisation de l’ensemble du préjudice subi par le maitre d’ouvrage (CE, 29 septembre 2014, Cne de Nantes, n° 370151).
En revanche, la garantie ne couvre ni les désordres apparents lors de la réception qui n'ont pas fait l’objet de réserves, ni les désordres causés par l'usage ou l'usure normale de l'ouvrage (article 44.1 du CCAG-travaux[1]).
A noter qu’en droit public, la garantie de parfait achèvement n’existe que pour autant que son principe soit prévu au contrat. Sa durée et sa portée peuvent être librement aménagées par les parties.
Conseil pratique : Faites systématiquement référence dans les pièces du marché au CCAG-Travaux et notamment à ses articles 41.1 et 41.2.
La procédure de lever des réserves signalées lors de la réception
▪ Dans le cas où la réception des travaux laisse apparaître des malfaçons, l'article 41 du CCAG-Travaux permet au maître d'ouvrage de choisir entre une réception avec réserves ou une réception avec réfaction sur le prix si les imperfections ne remettent pas en cause la sécurité ou l'utilisation de l'ouvrage. Cependant, si le maître d'ouvrage a opté pour la réception avec réserves, il ne lui est plus possible, ensuite, de demander une réfaction des prix comme contrepartie de la levée des réserves (CE, 15 novembre 2012, Cne de Dijon, n° 349107).
▪ Les réserves doivent être consignées précisément dans un procès-verbal et notifiées aux entreprises. Le titulaire a l'obligation de réparer les imperfections et malfaçons dans le délai qui lui est imparti ou au plus tard trois mois avant l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement (article 41-6 du CCAG-Travaux).
▪ En cas de carence de l’entreprise, le maître d’ouvrage doit, par lettre recommandée avec accusé de réception, mettre en demeure l’entreprise concernée de respecter ses obligations contractuelles.
Si cette mise en demeure reste sans effet, le maître d’ouvrage peut mettre en application les dispositions de l’article 41.6 du CCAG-travaux qui permet l’exécution des travaux de réparation aux frais et risques de l’entreprise fautive. Le marché de travaux nécessaire à la levée des réserves devra ensuite être passé selon la même procédure de publicité et mise en concurrence que celle utilisée pour le marché initial.
L'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement ne met pas un terme aux responsabilités du titulaire du marché pour les réserves émises lors de la réception qui n'ont pas été levées expressément par le maître d'ouvrage. En d'autres termes, la fin du délai de garantie n'implique jamais une levée tacite des réserves (CE, 26 janvier 2007, Sté Mas, n° 264306).
▪ A noter néanmoins que, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général et définitif (DGD) aux entreprises alors que les réserves n'ont pas été levées et qu'il n'est pas fait état des sommes correspondantes à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte, le caractère définitif du DGD a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes (CE, 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, n°357636). Il semblerait même que le décompte doive faire apparaitre les sommes de la garantie à première demande pour que le maitre d’ouvrage puisse demander leur versement auprès de l’établissement garant (Cf. La conservation de la retenue de garantie ou de garantie à première demande).
Une décision de la Cour Administrative d’Appel de Nancy a récemment autorisé que le décompte pouvait préciser que certaines sommes n’avaient qu’un caractère estimatif et pouvaient être amenées à évoluer afin de préserver les droits à demander des sommes plus importantes (CAA Nancy, 26 novembre 2015, Société Eiffage Énergie Thermie Est, n° 14NC00340). Cette solution reste à être validée par le Conseil d’Etat.
La procédure d’établissement du décompte en fin de marché est strictement encadrée par les dispositions de l’article 13 du CCAG-Travaux et peut aboutir à son acceptation tacite par le maître d’ouvrage.
Conseil pratique : suspendez l’établissement du DGD en attendant la lever des réserves (voire même le DGD du marché de substitution) ou mentionnez le montant des réserves en indiquant que ce montant a un caractère estimatif pour préserver vos droits. Prévoyez dans le CCAP des clauses dérogeant à l’article 13-4 relatif à l’établissement du décompte général et du solde.
Conseil pratique : envoyez quelques mois avant la date d’expiration du délai de garantie, une lettre aux entreprises concernées leur rappelant les réserves restant à lever et le délai qu’il leur reste pour le faire.
La réparation des malfaçons apparues pendant le délai de garantie de parfait achèvement
▪ Pendant le délai de garantie de parfait achèvement, une entreprise est tenue de remédier à tous les désordres apparus après la réception et signalés par le maître de l'ouvrage afin de rendre l'ouvrage conforme aux stipulations du marché (CE, 29 septembre 2014, Cne de Nantes, précité). Pour être couverts par la garantie, ces désordres doivent cependant être imputables à un manquement de l'entreprise.
Le maitre d’ouvrage a l'obligation de notifier précisément les désordres qui sont apparus par lettre recommandée avec accusé de réception, avant l'expiration du délai de garantie, et de demander aux entreprises concernées de les réparer dans un délai qui lui est proposé ou qui est déterminé d'un commun accord.
En l'absence de réponse, le maître d’ouvrage devra ensuite, avant l'expiration du délai imparti, mettre en demeure l'entreprise de réparer ces désordres.
▪ A l’inverse des réserves émises au moment de la réception, l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement a pour effet de mettre fin à la responsabilité de l'entreprise pour les désordres apparus postérieurement à la réception.
C'est pourquoi, si les malfaçons ne sont pas réparées, le maitre d’ouvrage doit prolonger expressément le délai de garantie jusqu'à exécution complète des travaux de reprise de ces désordres, sous peine de ne plus être fondé à réclamer au titulaire du marché l'exécution des travaux et prestations concernés, passé le délai (article 44.2 du CCAG-Travaux).
Conseil pratique : accompagnez la mise en demeure d'une décision formelle de prolonger le délai de garantie jusqu'à l'exécution complète des travaux.
▪ Si la mise en demeure reste sans effet, le maître d’ouvrage pourra faire exécuter les travaux aux frais et risques de l'entreprise en application de l’article 41.6 du CCAG-travaux (Cf. ci-dessus).
▪ Il semble logique de penser que si le DGD a été notifié avant l’apparition de ces malfaçons, il n’a pas pour effet de priver le maître d’ouvrage de son droit à réclamation si celles-ci ne sont pas réparées (Cf « La garantie de parfait achèvement en droit public », Tony Janvier, BJCP n° 102, sept-oct. 2015, p. 340).
La conservation de la retenue de garantie ou de la garantie à première demande
▪ La retenue de garantie a pour objet de couvrir les réserves à la réception des travaux ainsi que celles formulées, le cas échéant, pendant le délai de garantie. Elle est prélevée par fractions sur chacun des acomptes.
En principe, la retenue de garantie doit automatiquement être remboursée par le maître d’ouvrage à l'expiration de la période de garantie de parfait achèvement si aucune réserve ou aucune malfaçon ne subsiste (article 103 du code des marchés publics de 2006 repris par l’article 124 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 et par l’article R. 2191-42 du code de la commande publique). Les entreprises n'ont, au préalable, aucune démarche à effectuer.
Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage doit, dans le délai maximum d'un mois après la fin du délai de garantie de parfait achèvement, établir un certificat administratif demandant au comptable public de débloquer la retenue au bénéfice du titulaire. Le comptable public peut alors procéder au remboursement des sommes.
▪ En revanche, le maître d’ouvrage peut conserver la retenue de garantie à l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, tant que les réserves n'ont pas été levées par décision expresse (CAA Bordeaux, 5 février 2009, Sté Gatineau, n° 07BX02305).
Pour les malfaçons apparues après réception, la libération de la retenue de garantie peut être repoussée à la condition que le délai de garantie de parfait achèvement ait été prolongé (Cf. ci-dessus). Pour cela, le maître d’ouvrage doit, avant le terme du délai de garantie de parfait achèvement, notifier au titulaire, par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'il n'a pas rempli toutes ses obligations.
▪ En raison du caractère intangible du DGD, le maître d’ouvrage doit prêter attention à la suite à donner à la garantie au moment de son établissement (Cf. ci-dessus).
Conseil pratique : indiquez dans le DGD que vous conservez la retenue de garantie pour les réserves et les malfaçons apparues lors du délai de garantie de parfait achèvement.
▪ A noter que le refus injustifié de rendre la retenue de garantie engage la responsabilité du maître d’ouvrage. En cas de litige, ce dernier doit établir que le titulaire n'a pas rempli toutes ses obligations et démontrer le lien entre la créance qu'il allègue et les désordres persistants qui seraient imputables au titulaire du marché (TA Nancy, 2 août 2002, Villette c/ Dpt Meurthe-et-Moselle, n° 991615).
▪ La retenue de garantie peut être remplacée, si le maître d’ouvrage l’accepte, par une garantie à première demande.
Pour pouvoir appeler la garantie, la personne publique doit faire état du montant estimé des réserves formulées lors de la réception des travaux ou du surcoût d'achèvement des travaux. L'établissement garant doit payer dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande de paiement qui doit être accompagnée des pièces énumérées dans le modèle de garantie.
Pour pouvoir conserver le montant de la garantie si les désordres ne sont pas réparés, le maître d’ouvrage doit, avant le terme du délai de garantie de parfait achèvement, notifier à l'établissement garant, par lettre recommandée avec accusé de réception, que le titulaire n'a pas rempli toutes ses obligations
Conseil pratique : indiquez dans le DGD que vous pourrez demander à l’établissement garant le versement du montant de la garantie pour les réserves et les malfaçons apparues lors du délai de garantie de parfait achèvement qui n’auront pas été réparées.
La garantie à première demande doit être libérée dans les mêmes conditions que la retenue de garantie de droit commun.
Pour mémoire : les malfaçons entrant dans le cadre de la garantie décennale
Le maître d’ouvrage peut également rechercher la responsabilité de l'entreprise sur le fondement de la garantie décennale pour les désordres apparus après la réception.
La garantie décennale des constructeurs a pour objet de garantir, pendant un délai de dix ans à compter de la réception des ouvrages, le maître de l'ouvrage contre les dommages, non décelables au moment de la réception, qui compromettent leur solidité ou qui les rendent impropres à leur destination.
Les désordres connus et apparents lors de la réception des ouvrages ne peuvent donc pas engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale. Toutefois, il n'en va pas de même, lorsque le caractère apparent des désordres existe avant leur réception mais ne se révèle dans toute son ampleur qu'après la réception de l'ouvrage.
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[1] Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux approuvé par arrêté du 8 septembre 2009.
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