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    A la suite de l’inexécution d’un marché public, quels sont les moyens de résiliation pour la collectivité ?

    Il est fréquent qu’un acheteur public soit confronté à l’inexécution des prestations par son cocontractant.

     Il lui est possible dans cette hypothèse de mettre fin aux relations contractuelles soit de façon amiable, soit pour faute et en cas de faute grave, aux frais et risques du titulaire, c'est-à-dire en mettant à la charge de ce dernier les conséquences pécuniaires liées à la passation d’un marché de substitution.

     Après un rappel de l’obligation de résilier le contrat en cours avant de lancer un marché public ayant un objet identique, ce Conseil en diagonale présente fiche présente successivement les conditions de forme et de fond de ces divers modes de résiliation.

    Sont également exposées les modalités de contestation par le prestataire défaillant de la résiliation du contrat. 

    L’obligation de résilier le contrat en cours 

    Lorsque le titulaire d’un marché public refuse d’exécuter ses obligations, l’acheteur public peut être tenté de désigner directement un autre cocontractant, chargé de la réalisation des mêmes prestations.

    Or sauf dans l’hypothèse classique du renouvellement d’un marché dont la période d’exécution va s’achever, un acheteur public ne peut pas lancer un marché public ayant un objet identique à celui d’un contrat en cours.

    En effet, si les périodes d’exécution des deux marchés se chevauchent, il s’agit d’une résiliation implicite et irrégulière par l’administration du marché initial (Conseil d’Etat, 11 juillet 1944, n° 06760, Razimbaud). Une décision de résiliation doit donc précéder la passation d’un marché de substitution.

    Dans tous les cas de résiliation, la collectivité doit s’assurer au préalable auprès du greffe du tribunal de commerce que l’entreprise défaillante ne fait pas l’objet d’une procédure collective, auquel cas elle ne pourra résilier unilatéralement mais devra respecter la procédure particulière prévue par le code de commerce.

    La résiliation amiable

    Il est toujours possible pour les collectivités territoriales et leurs groupements de résilier amiablement leurs contrats administratifs.

    Elle résulte d’une négociation entre les parties et contrairement à la transaction prévue à l’article 2044 du code civil, ne comporte pas obligatoirement de concessions réciproques.

    En l’absence de clause contraire, la résiliation est réputée pure et simple, c’est-à-dire sans indemnité de part et d’autre.

    Pour autant, le cocontractant a droit au paiement des prestations réalisées qui ne lui ont pas été payées. C’est pourquoi la convention de résiliation amiable peut prévoir le cas échéant le règlement des sommes dues à l’une ou l’autre partie. Les adhérents de l’ATD peuvent bénéficier d’une assistance pour la rédaction de ce type de convention.

    Cependant, en pratique, il est courant que le cocontractant défaillant refuse la conclusion de cette convention de résiliation amiable ou ne prenne même pas la peine de répondre à une proposition en ce sens. Dans cette hypothèse, la résiliation unilatérale pour faute constitue la solution alternative.

    La résiliation pour faute

    Motifs de la résiliation pour faute

    L’acheteur public dispose du pouvoir de résilier le contrat pour faute en cas de manquement grave aux obligations contractuelles.

    Constituent notamment un manquement grave l’inexécution des obligations contractuelles (Conseil d’Etat, 26 février 2014, n° 365546, Société environnement service), l’interruption d’un chantier et donc a fortiori son absence de commencement (Conseil d’Etat, 20 janvier 1988, n° 56503, Société d’étude et de réalisation des applications du froid), ainsi que les retards  d’exécution (Conseil d’Etat, 18 février 1983, n° 16913 & 17009, Sté française du tunnel routier de Fréjus et autres ; Conseil d’Etat, 25 juillet 1986, n° 57650, société Ingebat). Ce pouvoir existe même dans le silence du contrat (Conseil d’Etat, 30 septembre 1983, n° 26611, Comexp). Pour autant, la résiliation pour faute ne peut être utilisée pour des retards mineurs, qui peuvent être sanctionnés par une pénalité si le contrat le prévoit. Seuls en effet des retards considérables (Conseil d’Etat, 18 février 1983, n° 16913 & 17009, Sté française du tunnel routier de Fréjus et autres) ou de nombreux retards cumulés à d’importantes malfaçons (CAA Bordeaux, 5 mai 2009, n° 07BX00083, société Euro constructions outre-mer) justifient une telle résiliation.

    Si le marché ne prévoit aucun délai d’exécution, le juge se réfère à une durée normale appréciée selon l’importance et la nature des travaux (Conseil d’Etat, 7 février 1951, Ville de Paris, Lebon, p. 76). Il en va de même si le délai est fixé de manière floue (CE, 14 juin 1967, n° 68734, Chapuis : malfaçons à réparer « avant l’hiver » dans un contrat légalement verbal).

    La résiliation simple pour faute

    La résiliation doit être précédée d’une mise en demeure de l’entrepreneur de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé (Conseil d’Etat, 28 avril 1976, Chambre des Métiers de la Haute-Saône), en lui laissant un délai raisonnable. Des relances verbales ou par la voie téléphonique n’ont en effet aucune valeur juridique.

    Lorsque les documents du marché font référence à un CCAG, la procédure est plus strictement encadrée.

    Ainsi, dans tous les CCAG, la mise en demeure doit être notifiée selon une des modalités suivantes :

    -  soit directement au titulaire, ou à son représentant dûment qualifié, contre récépissé ;

    -   soit par échanges dématérialisés ou sur supports électroniques selon des modalités déterminées dans les documents particuliers du marché, garantissant leur traçabilité et leur sécurité ;

    -  soit par tout autre moyen permettant d'attester la date et l'heure de réception de la décision ou de l'information, notamment par l’envoi d’un courrier en recommandé avec accusé de réception (LR/AR).

    De même, le délai séparant la mise en demeure de la décision de résiliation ne peut pas être inférieur à quinze jours.

    Dans les deux cas, que les documents du marché fassent référence ou non à un CCAG, la personne publique supporte les conséquences de cette résiliation. Elle devra donc éventuellement passer un nouveau marché public, en respectant les dispositions du code de la commande publique, dont le montant sera éventuellement supérieur à celui du contrat résilié.

    Le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles et ne pourra percevoir d’indemnisation (Conseil d’Etat, 20 janvier 1988, n° 56503, Société d’étude et de réalisation des applications du froid). L’ATD dispose de modèles de mise en demeure et de décision de résiliation simple pour faute.

     La résiliation pour faute aux frais et risques

    La résiliation pour faute aux frais et risques est spécifique aux marchés publics dont les documents particuliers du marché font référence à un CCAG. Ce type de résiliation ne peut s’appliquer que si elle a été expressément prévue dans les documents particuliers, sauf pour les marchés de travaux, où elle est par principe susceptible de s’appliquer.

     Il s’agit d’une sanction résolutoire définitive qui peut être prononcée pour certains types de manquements, par exemple en cas de « non respect des délais contractuels » selon l’article 46.3.1 du CCAG-travaux.

     Le cocontractant doit obligatoirement avoir été informé dans la mise en demeure de l’intention de la personne publique de résilier le marché aux frais et risques. Comme dans le cas de la résiliation simple pour faute, le délai séparant la mise en demeure de la décision de résiliation ne peut pas être inférieur à quinze jours. De même, cette mise en demeure doit être notifiée selon une des trois modalités précitées (contre récépissé, par échanges dématérialisés sécurisés ou en LR/AR).

     Dans le cas particulier des marchés de travaux, une réunion contradictoire doit être organisée sur les lieux, avant le prononcé de la sanction (art. 46.3.1 du CCAG-Travaux). Ensuite, l’entrepreneur défaillant est autorisé à suivre l’exécution des travaux sans pouvoir entraver les ordres du maître d’œuvre (art. 48-5 du CCAG-Travaux).

    Dans tous les marchés autres que de travaux, « le titulaire du marché résilié n'est pas admis à prendre part, ni directement ni indirectement, à l'exécution des prestations effectuées à ses frais et risques. Il doit cependant fournir toutes les informations recueillies et tous les moyens mis en œuvre dans le cadre de l'exécution du marché initial et qui seraient nécessaires à l'exécution de ce marché par le tiers désigné par le pouvoir adjudicateur » (art. 48.3 du CCAG TIC et 36-3 du CCAG-FCS et du CCAG-PI).

    Enfin, pour tous les types de marchés, l'augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire est à la charge du titulaire. La diminution des dépenses ne lui profite pas. Le décompte général du marché résilié n’est notifié au titulaire qu'après règlement définitif du marché de substitution.

    Là encore, l’ATD dispose de modèles de mise en demeure et de décision de résiliation pour faute aux frais et risques.

    Le contentieux de la résiliation 

     La résiliation d’un marché public peut être contestée devant la justice administrative dans un délai franc de deux mois à compter de sa notification.

    Cette action peut conduire, si la résiliation est déclarée irrégulière et selon la gravité des vices constatés, à l’annulation, la résiliation, la reprise ordonnée des relations contractuelles ou l’octroi d’une indemnité (Conseil d’Etat Ass., 21 mars 2011, n° 304806, Commune de Béziers).

     La demande de reprise des relations contractuelles devient sans objet si au moment où le juge se prononce, le terme prévu par le marché public initial est expiré (Conseil d’Etat, 23 mai 2011, n° 322468, société d’aménagement d’Isola 2000). Elle sera rejetée par le même juge dans l’hypothèse où un vice d’une particulière gravité serait susceptible de le conduire, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général, à prononcer l’annulation ou la résiliation du contrat (Conseil d’Etat, 1er octobre 2013, n° 349099, société Espace Habitat Construction).

    Pour aller plus loin : tableau récapitulatif des modes de résiliation d’un marché public en raison de l’inexécution des prestations.

     Annexe : tableau récapitulatif des modes de résiliation d’un marché public en raison de l’inexécution des prestations. 

    Modes de résiliation

    Conditions de fond et de forme

    Conséquences financières

    Résiliation amiable

    Aucune condition de fond si ce n’est l’interdiction d’accorder une libéralité, c'est-à-dire une somme non due.

     

    Conclusion d’une convention de résiliation approuvée par l’assemblée délibérante si l’exécutif ne dispose pas de la compétence pour les marchés publics.

     

    Convention transmissible aux services chargés du contrôle de légalité, si le marché public objet du litige était lui-même transmissible, car il en constitue un document d’exécution.

    Le cocontractant a droit au paiement des prestations réalisées qui ne lui ont pas été payées. C’est pourquoi la convention de résiliation amiable peut prévoir le cas échéant le règlement des sommes dues à l’une ou l’autre partie.

     

    Résiliation simple pour faute.

    Exigence d’une faute.

    La résiliation doit être précédée d’une mise en demeure de l’entrepreneur de se conformer à ses obligations et respecter un certain formalisme (recommandation de la notification en LR/AR).

    Le délai séparant la mise en demeure de la décision de résiliation ne peut en général pas être inférieur à quinze jours.

    Aucune indemnité n’est accordée au cocontractant défaillant mais l’acheteur public supporte les conséquences de la résiliation : il doit passer un nouveau marché.

    Résiliation pour faute aux frais et risques.

    Mode de résiliation spécifique aux marchés publics dont les documents particuliers du font référence à un CCAG. Ce type de résiliation ne peut s’appliquer que si elle a été expressément prévue dans les documents particuliers, sauf pour les marchés de travaux, où elle est par principe susceptible de s’appliquer.

     

    Elle ne peut être prononcée qu’en cas de manquement particulièrement grave du cocontractant (variable selon les CCAG) à ses obligations, par exemple en cas de non respect des délais contractuels.

     

    Le cocontractant doit obligatoirement avoir été informé dans la mise en demeure de l’intention de la personne publique de résilier le marché aux frais et risques.

     

    Mêmes règles de forme que pour la résiliation simple pour faute.

     

    Dans le cas particulier des marchés de travaux, une réunion contradictoire doit être organisée sur les lieux, avant le prononcé de la sanction (art. 46.3.1 du CCAG-Travaux). Ensuite, l’entrepreneur défaillant est autorisé à suivre l’exécution des travaux sans pouvoir entraver les ordres du maître d’œuvre (art. 48-5 du CCAG-Travaux).

    Aucune indemnité n’est accordée au cocontractant défaillant et l'éventuelle augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de la passation d’un marché de substitution, est à sa charge.



    Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.

    Paru dans :

    ATD Actualité n°274

    Date :

    1 octobre 2017

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