Quels sont les critères d’exonération de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères au regard de l’éloignement des habitations des points de collecte ?
Lorsque les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en charge de la compétence relative à la collecte des ordures ménagères travaillent à une redéfinition du circuit de desserte des véhicules de ramassage, se pose généralement la question des cas d’exonération à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).
Selon les termes de l’article 1521 du code général des impôts (CGI), « la taxe porte sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ». N’en sont de plein droit exonérés que « les usines ; les locaux sans caractère industriel et commercial loués par l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, scientifiques, d’enseignement et d’assistance et affectés à un service public ».
Sont également exonérés « les locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionnement pas le service d’enlèvement des ordures ménagères ». Les communes et EPCI compétents pourront décider par délibération de lever cette exonération.
En règle générale, sont passibles de la TEOM les immeubles situés à proximité immédiate d’une voie sur laquelle fonctionne un service d’enlèvement des ordures ménagères, même si l’habitation n’est pas directement desservie (collecte en porte-à-porte). Le législateur n’a pas fixé de critères précis grâce auxquels les contribuables de la TEOM peuvent prétendre à des dégrèvements ou exonérations.
Le juge administratif s’est ainsi prononcé sur un certain nombre de situations, non pas au regard de la seule distance séparant l’habitation du point de collecte, mais en examinant si le service était effectivement rendu. L’éligibilité à l’exonération de TEOM au motif que l’habitation du contribuable-usager ne se situe pas dans une zone où est assuré le service de collecte s’apprécie au cas par cas selon un certain nombre de critères et le juge se base sur un faisceau d’indices.
Cet article est donc l’occasion de faire le point sur ces critères jurisprudentiels qui vous aideront à savoir si une habitation est éligible à l’exonération de TEOM. Sont étudiés successivement les critères :
- des voies desservies par le service de collecte,
- de l’utilisation du service par le contribuable,
- de la distance séparant l’immeuble du point de collecte,
- de l’accessibilité de la voie.
Le critère des voies desservies par le service de collecte
En règle générale, le ramassage des déchets ménagers est réalisé sur les voies publiques ainsi que les voies privées ouvertes à la circulation publique selon les modalités définies par arrêté (article L.2224-15 et L.2224-16 du code général des collectivités territoriales - CGCT) et conformément aux dispositions du règlement sanitaire départemental applicable sur le Département de la Haute-Garonne depuis 2006 (articles 73 à 85 sur les déchets ménagers).
Si l’identification des voies publiques ne soulève pas de difficultés particulières, il convient en revanche de préciser ce que recouvre la notion de voies privées ouvertes à la circulation publique. Il s’agit des voies livrées de plein gré ou laissées par ses propriétaires à la libre circulation du public. C’est par exemple le cas des voies privées de lotissements qui constituent des voies traversantes et qui assurent la liaison avec d’autres voies de communication.
Lorsqu’une impasse est ouverte à la circulation publique, le juge va s’assurer que les conditions de circulation dans la voie permettent la réalisation du service sans infraction au Code de la route. On peut citer à cet égard le jugement du tribunal administratif de Paris (TA Paris, 11 juillet 1978, Montane et Shimodaira) qui a reconnu le droit pour le service de collecte de ne pas desservir une voie privée ouverte à la circulation au motif qu’elle était étroite et encombrée : « l’impossibilité pour le véhicule de collecte des ordures ménagères de pénétrer dans une voie privée mais ouverte à l’usage du public, ce qui l’obligerait à sortir en marche arrière, manœuvre dangereuse et au surplus interdite par le Code de la Route, ne correspond pas à un défaut de fonctionnement du service ».
Enfin, un immeuble situé dans une voie interdite à la circulation, où les véhicules d’enlèvement des ordures ménagères ne peuvent pas passer, mais qui n’est éloigné que de 45 mètres d’une voie où le service de collecte fonctionne régulièrement, est assujetti à la TEOM (CE, 9 juin 1971, Caillat Val-de-Marne, n° 80986).
Il résulte de ces dispositions que la collecte n’est obligatoire ni dans un lotissement privé, ni dans une impasse qui ne dispose pas d’aire de retournement, et qu’il appartient à l’autorité organisatrice d’établir d’une manière générale les modalités d’organisation du service et d’en informer les usagers.
Le critère de l’utilisation du service par le contribuable
Le juge administratif a estimé qu’un local situé dans une partie du territoire de la commune ou de l’EPCI où fonctionne effectivement le service de collecte est assujetti à la taxe même si l’occupant n’utilise par le service (CE, 5 juillet 1950, RO, p. 76 ; CE, 3 novembre 1976, Caux, req.n° 2486).
De même, il résulte de l’arrêt du CE du 13 janvier 1933, RO, p. 5949, qu’un contribuable ne peut avancer le fait que son immeuble soit situé sur une voie privée où ne circulent pas les véhicules servant à l’enlèvement des ordures ménagères mais qui est compris dans la partie de la commune (ou de l’EPCI) où fonctionne le service d’enlèvement, pour demander une exonération de la taxe.
Dans une autre affaire (CE, 29 novembre 1978, Vie Yvelines, n° 11891), un intéressé utilisait sa propriété comme résidence secondaire durant les fins de semaine, se trouvant ainsi dans l’impossibilité de déposer ses ordures peu de temps avant le passage des services de collecte. Le juge a estimé que cet administré bénéficiait effectivement du service et que le motif des résidences secondaires n’était pas suffisant pour justifier une exonération de la TEOM.
Un contribuable propriétaire de locaux à usage industriels ou commerciaux qui n’utilise pas le service de collecte et de traitement des ordures ménagères et déchets assimilés car il assure leur traitement à ses propres frais les déchets produits par son activité, est tout de même assujetti de plein droit à la TEOM. L’assemblée délibérante de la collectivité compétente peut cependant accorder des exonérations de la taxe dans de telles situations (CE, 13 février 1980, Société au Bon Marché, n°10697 ; CE, 17 janvier 1994, Société Natiobail, n° 132988).
Le critère de la distance séparant l’immeuble du point de collecte
En termes de distance, le Conseil d’Etat a précisé qu’un immeuble est passible de la TEOM s’il est situé à proximité immédiate d’une voie sur laquelle donne une de ses sorties et où fonctionne un service de nettoiement (CE, 20 décembre 1940, Ville de Carmaux contre SA des Mines de Carmaux).
De façon générale, il a considéré que l’éloignement d’un point de collecte est réputé normal lorsqu’il n’excède pas une distance de 200 mètres (CE, 24 mai 1963, Dufour Charente-Maritime n° 59268 ; CE, 7 janvier 1963, Alexandre Alpes-Maritimes, n° 55431).
Cette distance pour apprécier si le service de collecte est rendu s’entend comme la distance séparant le point de passage le plus proche du véhicule de service et l’entrée de la propriété, non pas de l’habitation (CE, 24 juillet 1981, n° 20697). Dans ce cas d’espèce, l’habitation était éloignée de 700 mètres du point de collecte mais était entourée d’un parc dont l’entrée n’était qu’à 200 mètres.
A ce stade, il semblerait établi que l’éloignement d’un point de collecte est réputé normal lorsqu’il n’excède pas une distance de 200 mètres et que 500 mètres doivent être considérés comme étant trop éloignés (CE, 28 mars 1934, Raiten Bouches-du-Rhône, RO 6195). Cependant, cette analyse a été remise en cause par le juge administratif à plusieurs reprises.
Ainsi, des immeubles situés respectivement à 288 et 410 mètres du conteneur relevé par les véhicules du service de ramassage n’ont pas été reconnus comme non desservis et, de fait, n’ont pas pu bénéficier d’une exonération de la taxe (CAA de Marseille, 8 mars 1999, Gambini).
A l’inverse, le service a été reconnu comme étant assuré dans le cas « d’une propriété dont l’entrée donne sur une voie aisément praticable où circule le véhicule de collecte, alors même que ce véhicule s’arrête à 215 mètres du portail de la propriété » (CAA de Lyon, 27 décembre 2002, n° 991781).
Le critère de accessibilité
Le fait de savoir si un immeuble est situé dans le périmètre d’une propriété où se trouve effectivement assuré le service de ramassage sera également apprécié au regard des circonstances propres à chaque cas, compte tenu de l’accessibilité à ce point (voir à ce propos les conclusions du commissaire du gouvernement sous l’arrêt CE, 12 mai 1997, n° 115677).
D’autre part, dans l’arrêt CE, 10 janvier 1938, de Samatan, Bouches-du-Rhône, il a été précisé qu’un immeuble situé en bordure de voie où fonctionne le service de collecte des ordures ménagères doit être considéré comme non passible de la TEOM dès lors que l’on ne peut accéder de l’immeuble à la voie que par une allée de 700 mètres ou par un sentier difficilement praticable en raison de sa déclivité (dans le cas d’espèce, la dénivellation était de 50 mètres).
Enfin, on peut citer une autre affaire, CAA de Nancy, 24 octobre 1989, Commune de Vaux en Dieulet, dans laquelle un administré devant déposer ses déchets ménagers à une intersection située à environ deux kilomètres de sa ferme, entre un chemin privé lui appartenant et la route départementale desservie par le service de ramassage en porte à porte, n’était pas autorisé à demander une indemnisation pour préjudice subi. En l’espèce, le mauvais état d’entretien du chemin desservant les habitations n’autorisait pas le passage des camions bennes. « L’endroit assigné à l’administré pour le dépôt des ordures devait être regardé comme étant le plus proche de sa ferme, sur une voie publique accessible aux véhicules de ramassage. […] La circonstance que tous les habitants de la commune bénéficieraient d’une desserte devant leur maison, à la supposer établie, ne suffit pas à caractériser une inégalité d’accès à ce service public ».
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