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    La prospective financière : une démarche essentielle dans un contexte de resserrement des financements externes

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    Souvent considérée comme une démarche à visée exclusivement pluriannuelle, l’analyse financière n’en demeure pas moins, si elle est actualisée régulièrement, un précieux outil de pilotage annuel pour mesurer l’impact financier des mesures prises par le législateur d’une part et des arbitrages politiques d’autre part.  

    En effet, la raréfaction des concours financiers externes (dotations de l’Etat, compensations fiscales, subventions) conditionne la situation financière des collectivités depuis plusieurs années. La baisse programmée des concours financiers de l’Etat de 12,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017 est venue aggraver cette situation.

    D’autres mesures règlementaires d’ordre financier ont successivement bouleversé l’analyse prospective par exemple la suppression de la taxe professionnelle, la révision du mode de calcul du potentiel financier, ou encore le rattachement à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le projet de réforme de la dotation globale de fonctionnement, prévu dès 2016, s’inscrit également dans cette tendance.

    Dans ce contexte, les communes et intercommunalités, quelle que soit leur taille, doivent suivre au plus près l’évolution de leur section de fonctionnement avant de réfléchir au volume d’investissement qu’elles souhaitent réaliser. Il s’agit dès lors de prendre régulièrement la mesure de l’évolution future des recettes de fonctionnement courant, mais également de veiller constamment à la maîtrise de la croissance des charges de même nature.

    L’objectif d’une telle veille est de préserver une certaine stabilité des marges financières afin de pouvoir calibrer sereinement la programmation du volume d’investissement. Le premier  

    solde d’épargne qui doit retenir l’attention est celui de l’excédent brut courant, résultant du différentiel entre les recettes de fonctionnement courant et les charges de même nature.

    De nombreuses données, connues ou estimées, ayant un impact sur le fonctionnement ou l’investissement du budget des collectivités, peuvent dès lors être intégrées dans une analyse financière prospective.

    Cet article se propose de rappeler l’essentiel de ces données dans un double objectif : aider  les collectivités à mieux prendre la mesure des différentes contraintes qui s’imposent à elles et qui sont susceptibles de venir perturber, dans un contexte économique difficile, un équilibre financier parfois fragile et convaincre leurs décideurs de la nécessité de procéder à une actualisation régulière de la prospective financière afin de préserver cet équilibre.

    Des données pesant à très court terme sur la section de fonctionnement

    La réduction des concours de l’Etat aux collectivités

    La dotation globale de fonctionnement (DGF)

    Le plan de réduction de 50 Md€ de la dépense publique a été annoncé en 2014 par le Premier ministre. Le montant de la participation des collectivités territoriales à la diminution du déficit public, prévu par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, s’est traduit par une diminution de l’enveloppe de la DGF à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2014 et 3,667 milliards d’euros en 2015. Deux diminutions supplémentaires de 3,667 Mds d’euros sont prévues en 2016 et 2017, soit une perte nette cumulée de 28 Mds d’euros en 2017 par rapport au montant de la DGF de 2013.

    L’effort est réparti entre les collectivités (communes, EPCI, départements, régions) proportionnellement au niveau de leurs recettes dans la somme des recettes locales totales. Cette ponction représente, en 2015, 2,071 milliards d’euros pour le bloc communal (dont 70 % pour les communes, soit 1,45 milliard d’euros, et 30% pour les intercommunalités, soit 621 millions d’euros).

    Pour calculer la contribution de la collectivité pour l’année, il faut déduire des recettes réelles de fonctionnement (RRF) du budget principal du compte de gestion de n-2 :

    • les atténuations de produits (notamment les prélèvements au titre du FNGIR, les attributions de compensation et les dotations de solidarité communautaire),
    • le produit des mises à disposition de personnel facturé dans le cadre de la mutualisation des services,
    • les recettes exceptionnelles.

    A ce solde, il convient d’appliquer un taux de contribution afin de calculer la ponction RCP de l’année. En 2015 ce taux s’élève à 0,018408 pour les communes et 0,025362 pour les EPCI à fiscalité propre.

    Ce mode de calcul risque toutefois d’être remis à plat pour le calcul des ponctions au titre du redressement des comptes publics en 2016 et en 2017, à l’occasion de la réforme de la DGF qui aura probablement lieu lors de la loi de finances pour 2016.

    Le prélèvement s’effectue sur la dotation forfaitaire des communes ou sur la dotation d’intercommunalité pour les EPCI à fiscalité propre, et le cas échéant, sur les compensations fiscales et les douzièmes.

    Les compensations fiscales

    Ces compensations sont versées par l’Etat en contrepartie des exonérations fiscales imposées par le législateur. Les parts « dotation unique spécifique » et « compensation foncier bâti » constituent des variables d’ajustement de l’enveloppe normée des concours de l’Etat aux collectivités, dans laquelle se trouve également la DGF. Elles sont appelées à disparaître progressivement pour financer l’accroissement des dotations de péréquation.

    Dans ce contexte avéré de resserrement des concours financiers de l’Etat, l’approche prospective revêt un intérêt tout particulier. Elle va permettre de mieux appréhender les effets de ces mesures sur la situation financière de la collectivité tout en constituant un outil utile à la recherche de nouveaux paramètres d’équilibre.

    La montée en puissance du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)

    Le dispositif de péréquation horizontale, créé en 2012 est exclusivement alimenté par un prélèvement sur les recettes des communes et groupements.

    La liste des contributeurs et bénéficiaires de ce fonds est fixée à partir des ensembles intercommunaux (EPCI + communes membres), et des communes isolées qui sont comparés entre eux à l’aide de nouveaux indicateurs (potentiel financier agrégé pour les contributeurs, indice synthétique de ressources pour les bénéficiaires).

    La montée en puissance de ce fonds jusqu’en 2016 a été prévue par le législateur dès sa création. Ainsi, l’augmentation de l’enveloppe allouée à ce dispositif (2 % des recettes fiscales à partir de 2016, soit six fois plus de crédits qu’en 2012), doit être intégrée dans les budgets et prévisions, par les communes et EPCI concernés.

    Or, de par les mécanismes de calcul mis en place, il peut être difficile pour une collectivité d’appréhender chaque année le montant des contributions ou reversements qui seront appelés. La prospective financière peut alors constituer un outil de pilotage intéressant permettant de tester annuellement les effets de ce dispositif.

    Des évolutions de charges consécutives à des décisions nationales

    Différentes décisions prises par le législateur continueront d’impacter l’exercice 2016 des collectivités locales, notamment le transfert de l’instruction des autorisations d’urbanisme et les dispositions relatives aux dépenses de personnel.

    La loi ALUR a mis fin, au 1er juillet 2015, à la mise à disposition gratuite des services de l’Etat pour l’instruction des autorisations d’urbanisme dans les communes appartenant à des communautés de plus de 10 000 habitants. Les communes ont dû s’organiser pour intégrer cette charge dans les budgets 2015. Le coût de cette mission devra être calculé sur une année pleine dès 2016.

    En matière de rémunération, les agents de la fonction publique peuvent bénéficier depuis 2008, sous certaines conditions, d’une indemnité appelée « garantie individuelle du pouvoir d’achat » (GIPA). Elle est due lorsque l’évolution du traitement brut est inférieure à celle de l’indice des prix à la consommation sur une période de référence de quatre ans (fixée du 31 décembre 2010 au 31 décembre 2014 pour le calcul de la GIPA 2015). Cette garantie pourrait être prolongée en 2016.

    Toujours au sujet de la rémunération, les agents des catégories B et C ont bénéficié d’une revalorisation de certains indices de leurs grilles respectives au 1er janvier 2015. Le gouvernement a annoncé une refonte des grilles indiciaires pour les trois catégories (A, B et C), pour certaines dès 2016.

    Enfin, les « cotisations employeurs » à la CNRACL ont augmenté de 27,40 % à 30,30 % entre 2012 et 2015. Elle augmentera à nouveau en 2016 pour s’établir à 30,35 %.

    Des augmentations de dépenses résultant des décisions locales : les charges induites par la mise en place de nouveaux services et / ou nouveaux équipements

    En sus des évolutions contraintes par des décisions législatives, le poids budgétaire des décisions prises par le conseil municipal ou communautaire ne doit pas être occulté. Tout projet de développement de nouveaux services, ou de nouveaux équipements, va générer des coûts induits importants qui, dans une situation de raréfaction des recettes, va peser durablement sur l’équilibre de la section de fonctionnement.

    La préservation d’une santé financière saine passe nécessairement pour la collectivité par l’évaluation de sa capacité à absorber ce surplus de charges de fonctionnement.

    Des décisions impactant la structure du financement des investissements

    Les contraintes pesant sur les financements extérieurs conduisent désormais les communes et les EPCI à calibrer, plus encore, leurs investissements au regard de leurs marges de financement propres.

    L’évolution des sources de financement externes

    Soumis aux mêmes diminutions des dotations de l’Etat, les divers financeurs publics (Conseil Départemental, Conseil Régional…) pourraient être contraints de réduire les aides apportées à l’échelon communal. En effet, selon une étude commandée par le Sénat, en 2018 plus de 60 % des budgets des départements seraient en double déficit. Pour exemple, le Conseil départemental de la Haute-Garonne avait déjà dû revoir, en 2013, sa politique d’aide au financement des dépenses d’équipement des communes et de leurs EPCI.

    Une prévision de réduction de ces concours doit être intégrée dans le plan de financement des investissements dans les analyses prospectives.

    La recherche de marges propres de financement

    Trois données vont conditionner la capacité à investir d’une collectivité.

    L’épargne nette

    Il s’agit de la capacité d’autofinancement obtenue par la différence entre produits et charges de fonctionnement, élargie au remboursement du capital de la dette. Les marges de manœuvre dont disposent les décideurs locaux, sur leurs recettes de fonctionnement, se situent d’une part sur la fixation des tarifs des services publics et d’autre part sur la fiscalité.

    Parallèlement au pouvoir concernant la fixation des taux, un travail est à mener sur les bases fiscales par le biais de la commission communale ou intercommunale des impôts directs (CCID ou CIDD). Il est aussi possible de réviser les politiques d’abattement et d’exonération de la collectivité, par exemple en supprimant l’exonération de 2 ans sur le foncier bâti pour les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction, et les conversions de bâtiments ruraux en maisons.

    Les assemblées délibérantes des collectivités peuvent aussi instituer des taxes facultatives telles que la taxe sur la cession de terrains nus devenus constructibles ou encore la taxe d’habitation sur les logements vacants

    Sur ce point voir l’article « Quelles marges de manœuvre fiscales mobiliser d’ici le 1er octobre pour faire face au resserrement des financements externes » publié dans l’ATD Actualité de juillet 2014 - n° 240.

    L’excédent budgétaire cumulé

    Dans la mesure où la collectivité a pu mener une politique d’épargne au cours des exercices passés, elle bénéficiera d’un excédent budgétaire qui, dans un contexte de raréfaction des concours externes, peut s’avérer être une source non négligeable pour financer ses futurs investissements.

    Le profil d’extinction de la dette actuelle

    Le caractère jeune ou ancien des emprunts composant l’encours de dette va déterminer la future politique d’endettement de la collectivité.

    Ainsi, l’extinction d’une partie de la dette ancienne peut lui permettre d’emprunter à nouveau, tout en maintenant une annuité de dette constante. A l’inverse, une dette jeune va limiter obligatoirement sa possibilité de recourir aux marchés bancaires, puisqu’il faudra, toute chose égale par ailleurs, améliorer le niveau de l’excédent brut courant pour faire face à l’annuité supplémentaire générée.

    Or dans un contexte d’atonie des recettes externes, cela semble difficilement envisageable sans un recours supplémentaire à la fiscalité.

    Le Service financier de l’ATD propose aux collectivités adhérentes, communes, syndicats ou EPCI à fiscalité propre, la réalisation gratuite d’analyses financières de leur budget.

    Dans un contexte financier peu favorable, cette démarche peut constituer un bon outil de pilotage pour aider les communes et leurs EPCI à maintenir leurs équilibres en testant régulièrement l’effet des divers aléas rencontrés.

    Cette prestation se traduit par la production d’un rapport d’étude qui comporte la description détaillée du scénario de référence à partir duquel différentes simulations sont testées.

    Véritable outil d’aide à la décision, elle est particulièrement utile au moment où des choix budgétaires doivent être faits.



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    Auteur :

    Fabienne CANET et Cyril JOUFFROY, service financier

    Paru dans :

    ATD Actualité n°251

    Date :

    1 septembre 2015

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