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    Emplois familiaux dans les collectivités : quelles précautions les élus doivent-ils prendre pour éviter les conflits d’intérêts ?

    Article

    1. La réglementation des emplois familiaux
    2. La définition du conflit d’intérêts
    3. Les sanctions et les risques encourus
    4. Le risque pénal pour l’élu : la requalification en délit de prise illégale d’intérêts
    5. Le risque administratif pour la commune : l’annulation des délibérations

     

    Les dispositions de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance de la vie privée interdit au maire de recruter certains membres de sa famille en tant que membre de son cabinet.

    Le maire peut donc avoir un membre de sa famille parmi l’effectif de la collectivité, hors cabinet.

    Dans ce cas, il convient, pour le maire, de prendre certaines précautions pour éviter de se trouver en situation de conflit d’intérêts (article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) ou de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal).

    Cet article rappelle ces règles.

    La réglementation des emplois familiaux

    L’article 15 de la loi du 15 septembre 2017 précitée modifie l’article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Toute autorité territoriale (maire et président d’EPCI) a désormais l’interdiction de recruter parmi les membres de son cabinet :

    - son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin,

    - ses parents ou les parents de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin,

    - ses enfants ou les enfants de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin.

    La violation de cette interdiction emporte de plein droit la cessation du contrat.

    La définition du conflit d’intérêts

    L’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

    Le conflit d’intérêts peut exister sans que soit établie la recherche d’avantages indus, ni même la contradiction entre les intérêts en présence. Du seul constat d’une cohabitation des intérêts, et donc d’une apparence d’influence sur la décision prise, découle l’irrégularité.

    Ainsi, lorsqu’un membre de la famille du maire est employé par la collectivité, le maire se trouve en situation de conflit d’intérêt, du fait de sa fonction, en tant que chef de l’administration, pour le traitement des dossiers qui concernent ce membre et notamment son avancement de carrière.

     En cas de survenance d’une situation de conflit d’intérêts, le maire doit se conformer aux obligations prévues par la loi n°2013-907 et son décret d’application (décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014), lesquels organisent une obligation générale d’abstention d’agir ou de décider.

     Les textes prévoient en effet que lorsqu’un exécutif local estime se trouver en situation de conflit d’intérêts et qu’il agit en vertu de ses pouvoirs propres ou par délégation de l’organe délibérant, il doit prendre un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses compétences et désigner simultanément la personne chargée de le suppléer, à laquelle il ne peut adresser aucune instruction.

    Les sanctions et les risques encourus

    Les dispositions consacrées au conflit d’intérêts ont été précisément mises en place pour prévenir les risques juridiques qui pourraient peser sur les élus concernés et sur la collectivité.

    Le risque pénal pour l’élu : la requalification en délit de prise illégale d’intérêts

    L’article 432-12 du code pénal prévoit que « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction ».

     La prise illégale d’intérêts est interprétée de manière très large par le juge pénal.

    L’intérêt peut, en effet, être matériel, patrimonial, familial, moral, direct ou indirect.

    Le délit est constitué alors même qu’il n’y a aucune recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel (Cass Crim., 21 juin 2000, n° 99-86871). Il suffit qu'un élu puisse simplement être soupçonné d'utiliser ses fonctions pour obtenir des avantages directs et/ou indirects à son profit, au profit de sa société, de sa famille, de ses amis ou de ses associés pour que le délit de prise illégale d'intérêts soit présumé.

    Ainsi, la prise illégale d’intérêts a été reconnue à l’encontre d’un maire pour avoir créé un comité d’œuvres sociales, qu’il présidait, ayant pour seul but de payer à deux membres du personnel communal, dont son épouse, un treizième mois (Cour de cass., 14 janvier 2004, n° 02-88122).

    Quant à la surveillance ou l’administration de l’opération dans laquelle l’élu prend un intérêt, elle est invariablement établie pour le maire1, alors même que, dans la matière incriminée, il aurait donné délégation à un adjoint (Cass. Crim., 9 février 2005, n° 03-85697).

    En effet, selon l’article L.2122-18, « le maire est seul chargé de l’administration », c’est pourquoi la jurisprudence estime que le maire étant chargé, ès qualités, de surveiller l'ensemble des opérations réalisées pour le compte de la commune (Cass. Crim., 23 février 1966, Brunel, n° 64-92016), il tombe sous le coup de l'incrimination, sans même avoir à rechercher son degré d'implication.

    Un maire doit donc s’abstenir d’instruire et de prendre toute décision concernant un membre de sa famille.

    Le risque administratif pour la commune : l’annulation des délibérations

    Un conseiller municipal qui se trouve en situation de conflit d’intérêts et qui ne prend pas les mesures propres à remédier à cette situation, sera qualifié de « conseiller intéressé » s’il prend part au vote d’une affaire dans laquelle il a un intérêt.

    Aux termes de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT), « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ».

     Selon la jurisprudence, même si l’intérêt est établi, il faut encore, pour que l’illégalité soit déclarée, que la participation du conseiller municipal ait été de nature à exercer une influence sur le résultat du vote.

    Tel est le cas lorsque l’élu intéressé participe aux débats ou au vote.

    Ainsi, le juge a déclaré illégale une délibération à laquelle avait participé un conseiller municipal concernant l’emploi de son épouse, agent de service de la commune. Cette délibération lui avait permis de modifier son emploi à temps partiel en un emploi à temps complet (CE du 23 février 1990, n° 78130).

     En outre, par une transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation consacrant le délit de prise illégale d’intérêts en raison de la simple présence d’un conseiller municipal à la séance du conseil municipal au cours de laquelle est évoquée l’affaire dans laquelle il a un intérêt (Cass. Crim., 19 mai 1999, n° 98-80726 susvisé), il y a lieu de considérer qu’une délibération adoptée en pareilles circonstances serait également illégale.

     Un maire doit donc s’abstenir de participer à toutes les délibérations qui concernent directement un membre de sa famille.

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    1En revanche, pour les adjoints ou conseillers municipaux, le délit de prise illégale d’intérêts n’est constitué que s’ils ont vraiment le contrôle et l’administration de l’opération.



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°276

    Date :

    1 décembre 2017

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