Dons et legs : la collectivité peut-elle vendre un bien qui lui a été légué ?
Il arrive qu’un don ou qu’un legs soit fait au profit d’une commune ou d’un CCAS, le don étant fait du vivant et le legs après la mort de l’auteur de la libéralité.
La question se pose alors de savoir si la commune ou le CCAS peuvent librement disposer des biens ainsi donnés ou légués.
La possibilité, pour la commune ou un établissement public communal, de recevoir des dons ou des legs
L’article L.2242-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « le conseil municipal statue sur l'acceptation des dons et legs faits à la commune ».
L’article L.2242-3 du CGCT dispose, quant à lui, que « les établissements publics communaux acceptent et refusent les dons et legs qui leur sont faits ».
L'article R.2242-1 du même code prévoit enfin que « tout notaire (…) dépositaire d'un testament contenant un legs en faveur d'une commune ou d'un établissement public communal est tenu, dès l'ouverture du testament, d'adresser au maire ou au représentant de l'établissement légataire, la copie intégrale des dispositions testamentaires… ». Il en donne également avis au comptable de la commune ou de l'établissement (art. R.2242-3 du CGCT).
La liberté de disposer librement des dons ou legs non assortis de conditions ou de charges
Lorsque la personne qui a fait un don ou un legs n’a pas donné de consignes précises quant à la destination ou l’utilisation du bien donné ou légué, la commune, ou le CCAS, peut en disposer librement. Ainsi, la commune peut par exemple choisir d’affecter un immeuble qui lui a été donné ou légué à un service public communal, ou peut au contraire choisir de le louer ou de le revendre.
L’obligation, pour le bénéficiaire d’un don ou d’un legs, de respecter les conditions, charges ou clauses d’inaliénabilité imposées par le donataire ou le légataire
Lorsqu’un don ou un legs est assorti de conditions ou de charges suffisamment précises, la commune, ou le CCAS, doit respecter la volonté du donataire et ne pas en disposer à une fin étrangère à celle pour laquelle il a été dévolu.
En effet, le non respect des conditions posées par le donateur ou le léguant peut entraîner l’annulation contentieuse des décisions de la commune, ou du CCAS, qui méconnaissent ces conditions (V. par ex., TA Cergy-Pontoise, 22 janvier 2013, n° 1201854 : annulation de la vente d'un terrain faisant partie d’un legs alors que le testament du défunt s’y opposait).
Dans ce cas, le donateur ou le léguant peut en outre engager la responsabilité de la collectivité, qui est alors condamnée à réparer le préjudice, notamment moral, subi par le donateur (V. à cet égard, CAA Marseille, 28 juin 2004, Ville de Nice, n° 02MA00231).
Enfin, lorsque le bénéficiaire d’un don ou d’un legs ne respecte pas, ou pas totalement, les charges qui s’imposent à lui, ou les interprète d’une manière trop favorable à ses intérêts, l’auteur du don ou les ayants droit du léguant peuvent engager une action en révocation du don (art. 953 et 954 du code civil) ou du legs (art. 1046 du code civil) devant les tribunaux judiciaires.
La possibilité d’obtenir en justice la révision des conditions ou charges dont le don ou le legs est assorti ou la mainlevée d’une prohibition d'aliéner
En vertu des articles L.2222-19 du code général de la propriété des personnes publiques et L.1311-17 du CGCT, les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent obtenir la révision des conditions et charges grevant les dons et legs consentis à leur profit dans les conditions prévues aux articles 900-2 à 900-8 du code civil.
Cette révision des conditions ou charges ne peut se faire qu’à deux conditions :
- une modification des circonstances d’origine faisant en sorte que la mise en œuvre des conditions ou charges est devenue extrêmement difficile ou dommageable pour la commune (art. 900-2 du code civil) ;
- un écoulement de 10 ans depuis la mort de la personne ayant fait le legs à la commune (art.900-5 du code civil).
Cette double condition réunie, la collectivité peut saisir le juge civil aux fins de révision des conditions ou charges de la libéralité en cause.
Le juge saisi de la demande en révision peut alors, « selon les cas et même d’office, soit réduire en quantité ou périodicité les prestations grevant la libéralité, soit en modifier l’objet en s’inspirant de l’intention du disposant (…). Il peut autoriser l’aliénation de tout ou partie des biens faisant l’objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant » (article 900-4 du code civil).
Par ailleurs, lorsque le don ou le legs comporte une clause d’inaliénabilité, le donataire ou le légataire peut invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 900-1 de ce même code, selon lequel « les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige».
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