Comment mettre en place un pacte financier et fiscal entre communes et intercommunalités ?
Initiées par la mise en œuvre du nouveau schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) arrêté le 24 mars 2015, les opérations de fusions intervenues à compter du 1er janvier 2017 sur le territoire de la Haute-Garonne ont conduit à des rapprochements d’EPCI présentant des spécificités différentes.
Outre les particularités liées aux territoires (bassin de vie, identité culturelle…), des différences existaient selon le régime fiscal appliqué, les compétences exercées et le mode de gestion retenu. Les disparités observées dans les pratiques financières et fiscales et les impacts générés par les fusions sur les équilibres des budgets communaux et/ou intercommunaux, sont autant de risques de discordes susceptibles d’entraver le processus d’harmonisation des nouvelles intercommunalités. Il est donc nécessaire de régler au plus tôt ces divergences.
Au-delà des mesures prévues par le législateur, il existe des outils pour rétablir les équilibres et concilier les pratiques au sein d’un même territoire. Le pacte financier et fiscal peut être une solution pour formaliser les relations financières entre les nouveaux EPCI fusionnés et leurs communes membres, en considération de leurs problématiques financières et fiscales.
Les problématiques financières et fiscales générées par les fusions d’EPCI
La détermination d’un régime fiscal unique
Les EPCI à fiscalité propre ont le choix entre deux régimes fiscaux présentant des caractéristiques et des modes de fonctionnement très différents. Ainsi, sous le régime de la fiscalité additionnelle (FA), le financement des compétences transférées par les communes est assuré par le recours au levier fiscal intercommunal. Ce choix implique une augmentation de la fiscalité prélevée sur l’ensemble du territoire, y compris sur celui des communes n’ayant rien transféré. Pour que ce transfert reste neutre pour le contribuable, les communes ont la faculté de réduire en conséquence leur taux d’imposition.
A l’inverse, lorsque le groupement opte pour le régime de la fiscalité professionnelle unique (FPU), le financement s’opère par le biais d’un reversement de fiscalité entre le groupement et les communes membres, à travers l’attribution de compensation (AC). Ce mécanisme vise à garantir, pour le contribuable, la neutralité du transfert effectué.
C’est la coexistence de ces deux régimes historiquement différents qui peut engendrer des difficultés lors des opérations de fusion.
Règlementairement, le nouvel EPCI issu de la fusion doit relever du régime fiscal du groupement préexistant le plus intégré.
Dans l’hypothèse d’une fusion entre un groupement à FA et FPU, le nouvel EPCI sera à FPU.
Du fait des pratiques fiscales différentes, les communes membres de l’EPCI à FA risquent d’afficher, à compétences équivalentes, des taux historiques mécaniquement plus élevés par comparaison à ceux de l’EPCI à FPU qui a financé les transferts de compétences par une retenue sur l’AC. Il convient dès lors de tendre vers une fiscalité homogène en procédant à l’harmonisation des taux d’imposition, selon les mécanismes prévus par le législateur.
Selon les pratiques antérieures, ces écarts de taux peuvent peser, à la hausse, dans le calcul des taux moyens pondérés du nouvel l’EPCI et, de fait, accroître la fiscalité appliquée sur son territoire.
Dans ce contexte, et à compétences inchangées, la pression fiscale diminuera sur le territoire anciennement à FA.
En compensation, le territoire à FPU sera pénalisé par l’augmentation des taux intercommunaux, ce qui revient indirectement à lui faire supporter une partie du financement des charges anciennement transférées sur le territoire à FA.
Cette situation s’observe également en matière de fusion d’EPCI à FPU, si historiquement l’un d’entre eux a utilisé le levier fiscal pour financer les nouveaux transferts de compétences, à la place des AC.
L’harmonisation des taux n’est donc pas neutre pour le contribuable qui risque de voir, à compétences identiques, sa pression fiscale augmenter. Dans un souci d’équité, il est donc important de s’entendre rapidement sur le nouveau territoire pour tendre vers l’harmonisation du mode de financement des anciennes compétences transférées.
La création d’une nouvelle CLECT et la détermination des montants d’AC
Lorsque le nouvel EPCI issu de la fusion est à FPU, il doit créer, avec les communes membres, une nouvelle commission chargée d’évaluer les charges rattachées aux compétences transférées. Ce travail constitue une phase indispensable pour assurer la neutralité financière des transferts, tant pour le budget communal que pour celui du groupement. Il est donc important de s’entendre sur la mise en place de cette commission pour établir, dès le départ, un climat de confiance nécessaire au bon fonctionnement de l’EPCI.
Or, si le rôle de la CLECT est précisé par les textes, son mode de fonctionnement demeure régi par des dispositions beaucoup plus générales. La loi se contente, en effet, de fixer les principes essentiels concernant sa composition. Ainsi, la règle à minima d’un membre par commune a vocation à garantir la représentation de chaque commune, indépendamment de sa population ou de son « poids », mais aucun nombre maximum n’est imposé. Au vu de la forte technicité des travaux rendus par la commission, il semble opportun, pour plus d’efficacité, d’en limiter le nombre. Par contre, aucune précision réglementaire n’est apportée concernant le mode de désignation des membres ou leur statut.
Dans ce contexte, la fusion de territoires dissemblables peut générer certaines inquiétudes de gouvernance au sein du nouvel EPCI. Seule la définition d’un cadre précis, fixant les règles de composition de la commission, la désignation de ses membres, la durée du mandat, le délai de convocation, les documents de travail à transmettre, le nombre de réunions à tenir…, pourrait permettre de désamorcer les éventuels conflits.
La définition de l’AC des communes issues d’EPCI à FA peut également être l’occasion de voir émerger des divergences initiées principalement par les pratiques différentes des régimes fiscaux. En effet, en l’absence de nouveaux transferts de compétences réalisés à l’occasion des fusions, leur AC est égale à l’intégralité de la fiscalité transférée à l’EPCI. Les communes anciennement membres d’EPCI à FPU peuvent, dans un souci d’équité, s’interroger sur l’opportunité de revenir sur les transferts passés en les intégrant dans l’AC. Or, la loi ne prévoit pas, dans ce cas, de mécanisme de révision des charges antérieurement transférées. Seul un mécanisme de révision libre autorise l’EPCI fusionné, les trois premières années et sous condition de majorité et de plafonnement, à revenir sur les montants d’AC.
Les mouvements de compétences générés par les fusions et les conséquences sur l’AC des communes
Selon le nouveau projet communautaire envisagé par les élus, la nouvelle intercommunalité va très vite devoir procéder à l’harmonisation des compétences exercées sur ses anciens territoires. La loi a institué à cet effet un mécanisme d’harmonisation progressive fixant à un an, après la fusion, le choix et l’harmonisation des compétences optionnelles et à deux ans celui des compétences supplémentaires et la définition de l’intérêt communautaire.
Cette remise à plat va générer de nouveaux transferts et/ou restitutions de compétences sur lesquels la CLECT devra se prononcer. Selon le calendrier retenu, cette dernière est susceptible, suivant les territoires, d’être fréquemment sollicitée. Dans ce contexte, les petites collectivités peuvent craindre d’être absorbées par des intercommunalités plus importantes. En l’absence d’échanges sur les spécificités de chacun, ce travail d’évaluation peut, au vu des enjeux financiers pesant sur les équilibres, susciter des inquiétudes et de nombreuses interrogations. Les principales portent sur la méthodologie retenue pour l’évaluation des charges, sur les marges de manœuvres de la commission, sur le délai dont elle dispose pour rendre son rapport et sur le contenu de ce dernier. Les communes s’inquiètent également des conditions d’adoption de ce document, et, de fait, sur sa valeur juridique, avec en point de mire les conséquences de ce travail sur les conditions d’adoption de l’attribution de compensation (AC) ou sur les modalités de sa révision.
La détermination des AC constitue donc un point très sensible dans la gouvernance des intercommunalités. On confond bien souvent les rôles respectifs de la CLECT et du conseil communautaire, à qui il appartient de voter les AC, sur la base du rapport rendu par la commission. La méthodologie retenue pour l’évaluation des compétences transférées peut avoir des conséquences importantes sur le mode d’adoption du montant des AC et les conditions de majorités appliquées.
La procédure visant à restituer des compétences aux communes peut également être à l’origine de discordances, notamment s’il s’agit d’une compétence anciennement exercée par un EPCI à FA. Dans ce cas, bien que le transfert des charges ait été financé par le levier fiscal, la restitution ne pourra s’opérer que par une retenue sur l’AC des communes récupérant la compétence, et ne saurait donner lieu à une diminution des taux additionnels intercommunaux et une augmentation concomitante des taux communaux. En l’absence de concertation, l’application de cette règle peut être très mal perçue par lescommunesissues d’un groupementà FPU. De son côté, le nouvel EPCI peut se montrer réticent à restituer aux communes les moyens de financer les retours des charges.
Les problématiques liées au maintien des dotations de solidarité et aux nouvelles conditions d’éligibilité au FPIC
Un autre point délicat concerne les dotations de solidarité mises en place par les anciennes intercommunalités. Compte tenu de leur caractère facultatif, le législateur n’a pas prévu de maintenir, dans le cadre des fusions, les dotations instituées par les anciens groupements, laissant la responsabilité de ce choix au nouvel EPCI. Les objectifs qui ont motivé leur institution dans le passé sont multiples : compenser une perte de recette liée à la mise en place de l’intercommunalité, instituer sur l’ensemble du territoire des mécanismes de péréquation pour en renforcer la solidarité, reverser aux communes un gain financier tiré du regroupement intercommunal, etc….Pour les communes bénéficiaires, le fait de ne pas garantir le versement de cette recette représente un risque substantiel de perte financière, susceptible d’impacter durablement leurs équilibres budgétaires.
Si elles restent contraintes par la décision du nouvel EPCI d’instituer une dotation, applicable sur tout le territoire, selon les critères qu’il aura déterminé, elles n’ont pas pour autant la garantie de retrouver le même niveau de recettes. Cette situation et les risques encourus rendent les collectivités concernées très sensibles à l’égard des opérations de fusions et oblitèrent le climat de confiance indispensable à la solidarité des territoires.
Le fonds de péréquation des ressources intercommunale et communale (FPIC) peut, de par les mécanismes financiers applicables lors des fusions, être à l’origine d’un certain nombre de tensions. En effet, pour déterminer l’éligibilité au FPIC, l’appréciation de la richesse se fait de façon consolidée, à l’échelon d’un ensemble intercommunal (EI), par l’addition des données fiscales de l’EPCI et des communes membres. On parle alors de potentiel fiscal agrégé (PFA), de potentiel financier agrégé (PFIA) ou d’effort fiscal agrégé (EFA). Dans ce contexte, l’opération de fusion va venir modifier l’ensemble des indicateurs retenus pour apprécier le caractère contributeur ou bénéficiaire de la nouvelle entité, remettant totalement en cause les éligibilités passées. En conséquence, des communes peuvent se retrouver pénaliséespar leur appartenance à un nouvel EI devenu contributeur ou à l’inverses favorisées si celui-ci devient bénéficiaire. Selon les spécificités antérieures, il peut être opportun de s’interroger sur la pertinence de procéder, en interne, à une redistribution des recettes et/ou des charges pour rétablir les équilibres financiers et renforcer ainsi les solidarités.
Le constat depratiques divergentes relevées au sein des territoiresfusionnés et les incertitudes qui en découlent, doivent amener les parties à dialoguer pour chercher au plus tôt un terrain d’entente.Ces accords pourraient êtrematérialiséspar une charte planifiant les relations financières entre l’EPCI fusionné et les communeset définissant une politique concertée de développement du nouveau territoire intercommunal.
Le pacte financier et fiscal (PFF) comme outil de planification
En quoi consiste un PFF
L’intercommunalité fait l’objet de nouveaux enjeux qui dépassent les simples accords financiers initiaux. Les récentes fusions d’intercommunalité et le contexte de raréfaction des ressources pesant sur les collectivités locales nécessitent de miser aujourd’hui sur une stratégie plus collective.
Le PFF n’est donc pas un outil strictement financier. Il s’agit d’un outil de gestion du territoire qui a pour enjeu de concilier projet de territoire et situation financière de l’ensemble des parties (communes et EPCI). Il consiste en l’élaboration d’un document de référence commun, sous la forme d’une charte, et comportant dès lors un certain nombre de règles. La finalité de ce document est d’obtenir une adéquation entre le projet de territoire et les ressources financières et fiscales identifiées. Autrement dit, l’enjeu est de planifier les projets intercommunaux et communaux en identifiant les moyens financiers mobilisables, dans un objectif de péréquation et d’égalité territoriale.
Quels sont les objectifs du PFF
Le PFF permet de mettre en œuvre le projet de territoire. Il est donc indispensable que des objectifs communs et des priorités de territoire soient définis avant d’envisager les sources et les modalités de leur financement.
La finalité de ce pacte est également le partage des ressources, il analyse le niveau de solidarité de la communauté vers les communes et le niveau de pression fiscale acceptable sur le territoire.
In fine, le PFF définit le niveau d’investissement envisageable face aux équilibres financiers du territoire.
Comment mettre en place un PFF
Le PFF est un outil construit selon une approche participative. Dès lors, le succès de cette démarche dépend de l’implication des acteurs - élus et services communaux et communautaires - ainsi que de la qualité de son élaboration.
Ce pacte est élaboré selon une méthode dite de « conduite de projet ». Ce qui signifie que les étapes de son élaboration doivent être connues et validées par l’ensemble des acteurs.
Un préalable consiste à s’interroger sur les origines de la démarche afin que l’ensemble des communes et l’intercommunalité se mettent d’accord sur les raisons qui les ont amené à vouloir construire un PFF. La plupart du temps les collectivités se trouvent dans un contexte de moindre dynamisme des ressources fiscales, de diminution de la DGF, ou encore de forte augmentation des charges. Ce constat partagé permet de définir les objectifs du PFF. Il est également utile de s’interroger en amont sur le dimensionnement des moyens et de la méthode utilisés afin d’éviter soit un manque d’exhaustivité de la démarche, soit une non adaptation des outils et des résultats.
Cette réflexion doit permettre de définir les modalitéspratiques de mise en œuvre de la démarche, le calendrier, les instances à mettre en place, leurs missions.
L’étape suivante est la réalisation d’un diagnostic consolidé de la situation financière et fiscale du territoire, tant au niveau des communes que de l’EPCI. Cet audit va permettre de faire apparaître des indicateurs financiers communs - les flux financiers entre communes et intercommunalité, l’évaluation des charges transférées, les marges de manœuvre fiscales - et de déterminer les forces et les faiblesses de chacun.
Ce diagnostic donne lieu à la réalisation d’une prospective financière, menée à partir d’hypothèses d’évolution de la section de fonctionnement, des dépenses obligatoires, des investissements incompressibles etc…Il s’agit d’apprécier les équilibres financiers de chaque collectivité sur une période déterminée (généralement 5 à 6 années).
A partir des résultats obtenus, le pacte fiscal et financier aura pour objectif d’harmoniser les différences et de concilier les intérêts à moyen et long terme des communes et de la communauté. Il doit, pour ce faire, s’interroger notamment sur la répartition de l’effort d’investissement entre les communes et la communauté, sur la coordination des politiques fiscales de chacun, sur l’engagement de l’EPCI à verser durablement une dotation de solidarité communautaire (DSC) aux communes, etc…
Des leviers devront ensuite être déterminés pour optimiser la solidarité sur le territoire. Tout d’abord au niveau du calibrage des transferts opérés, le pacte doit aider à apprécier le niveau de charges qui permet d’assurer une neutralité financière aux communes, sans nuire aux équilibres de la communauté. La méthode d’évaluation des charges a été précisée par la loi, toutefois l’attribution de compensation mise en place pour assurer la neutralité budgétaire dans le régime de la fiscalité professionnelle unique peut être révisée librement à l’unanimité du conseil communautaire, cette souplesse en fait donc un levier dans le PFF. D’autres leviers se situent au niveau de la DSC et des fonds de concours, qui sont des reversements financiers facultatifs, ou encore dans les modalités de partage du FPIC au sein de l’ensemble intercommunal. La mutualisation des moyens, au travers de la mise en place de groupements de commande, de services fonctionnels communs, par exemple, sont également des outils de solidarité pouvant être intégrées au PFF.
Le PFF formalise la solidarité communautaire. Issu d’une volonté de faire ensemble, il est l’aboutissement de l’ensemble des réflexions menées et s’appuie sur les résultats observés. Il devra être matérialisé au sein d’un document qui n’aura pas de caractère opposable mais qui est la traduction d’un engagement politique des élus. Ce document n’a donc pas vocation à être délibéré en conseil municipal, mais il peut prendre la forme d’une charte validée par l’ensemble des partenaires.
Les apports issus des retours d’expérience
La lecture des retours d’expériences sur la mise en place d’un PFF permet de dégager les constats suivants :
- Les motivations concourant à la mise en place d’un PFF peuvent avoir plusieurs origines : par exemple, la volonté de créer de nouveaux services intercommunaux, favorisée par le passage au régime de la fiscalité professionnelle unique et l’apport de dotations supplémentaires. Plus fréquemment le constat d’une diminution des recettes du bloc communal ou encore la volonté d’une remise à plat des critères de la DSC. Egalement, l’observation d’une situation financière déséquilibrée entre l’intercommunalité, la ville centre et les communes périphériques.
- La mise en place d’un PFF s’appuie sur une motivation politique forte.
- Sans projet de territoire il est difficile de faire adopter un PFF. Le projet de territoire permet non seulement d’avoir une vision financière mais aussi politique et économique du territoire. Le PFF concrétise et formalise en les chiffrant les actions définies dans le projet de territoire.
- Le PPF est un document qui favorise le dialogue entre les acteurs et qu’il convient de faire évoluer.
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