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    Un collectif d'habitants non constitue en association peut-il agir en justice contre l'implantation d'une antenne de téléphonie mobile ?

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    L'implantation d'antennes de téléphonie mobile sur le territoire d'une commune soulève toujours bon nombre d'interrogations et d'inquiétude de la part des habitants.

    Si les tensions s'apaisent la plupart du temps, il peut néanmoins arriver que certains administrés s'opposent purement et simplement à cette installation et engagent, pour cela, une procédure contentieuse.

    Ce Conseil en diagonale a pour objet de faire le point sur les moyens dont disposent ces personnes pour engager une action contentieuse à l'encontre d'une décision d'implantation d'une antenne de téléphonie mobile et sur la recevabilité de cette celle-ci. Cet article rappelle d'abord les formalités administratives préalables qui doivent être accomplies par l'opérateur qui souhaite installer un tel équipement.

    Les formalités à remplir pour l'implantation d'antennes de téléphonie mobile

    L'implantation d'antennes de téléphonie mobile est soumise à un certain nombre de formalités.

    Tout d'abord, une déclaration préalable sera nécessaire au titre du droit de l'urbanisme si l'implantation de l'antenne de téléphonie mobile :

    • a lieu sur un immeuble dont elle modifie l'aspect (article R.421-17 a) du code de l'urbanisme),
    • ou si elle se fait au sol et que l'antenne est d'une hauteur supérieure à 12 m (article R.421-9 c) du même code),
    • ou encore si elle donne lieu à la construction d'un local technique de 2 à 20 m² (article R.421-9 a) du même code).

    C'est un permis de construire qui devra, en revanche, être obtenu par l'opérateur de téléphonie si est édifié un local technique d'une superficie supérieure à 20 m² (article R.421-14 a) du code de l'urbanisme.

    Au contraire, aucune formalité ne sera requise au titre du droit de l'urbanisme si la hauteur de l'antenne est inférieure à 12 m et si son installation ne donne pas lieu à la construction d'un local technique ou que ce local est d'une surface inférieure à 2 m² (article R.421-2 a) du même code).

    Ensuite, au titre du code des postes et des communications électroniques (CPCE), l'opérateur de téléphonie devra, d'une part, déposer une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) (article L.33-1), et d'autre part, solliciter une autorisation de l'Agence nationale des fréquences (ANF) (article L.43).

    Enfin, si l'antenne doit être implantée sur le domaine public, il sera également nécessaire pour l'opérateur d'obtenir une autorisation d'occupation préalable de la part de son propriétaire (articles L.2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) et L.46 et L.47 du CPCE).

    Les actions contentieuses ouvertes aux tiers pour contester l'implantation des antennes de téléphonie mobile

    Diverses actions contentieuses sont ouvertes aux tiers qui souhaitent contester l'installation d'une antenne de téléphonie mobile.

    Ces personnes pourront, en premier lieu, se porter devant le juge administratif pour attaquer les actes administratifs pris pour permettre l'implantation de l'antenne.

    Ils pourront ainsi, par la voie du recours pour excès de pouvoir (REP), contester, selon les cas:

    • la validité du permis de construire ou de la décision de non-opposition à la déclaration de travaux (Qui est une décision attaquable (CE, 18 juin 1993, Oriol, n° 119017 ; CE, 16 décembre 1994, SI Théâtre des Champs-Élysées, n° 119099, AJDA 1995, p. 348 ; CE, 30 juillet 1997, SNC Fimopar, n° 121046, LPA 17 déc. 1997),
    • la validité de l'autorisation d'occupation du domaine public,
    • ou encore les actes pris par l'ARCEP et l'ANF (Qui ont le statut d'autorités administratives indépendantes) qui peuvent être considérés comme des décisions faisant grief.

    En second lieu, les tiers pourront intenter, devant le juge judiciaire, une action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage (.Une telle action a notamment été reçue par la Cour d'appel de Paris (CA Paris, 24 février 2010, n° 09/19087)).

    La recevabilité des actions contentieuses des tiers contre l'implantation des antennes de téléphonie mobile

    Deux conditions de recevabilité seront examinées quant à la qualité du requérant: celle de sa capacité à agir et celle de son intérêt à agir. Ces conditions s'appliquent que l'action soit portée devant les juridictions administratives comme devant celles de l'ordre judiciaire.

    L'appréciation de la capacité à agir du requérant

    Lorsque le demandeur est une personne physique, sa capacité à agir est appréciée, devant les deux ordres de juridictions, selon les règles du droit civil.

    A ce titre, le juge saisi vérifiera que le requérant n'est pas un mineur non émancipé, ou un majeur placé sous sauvegarde de justice en raison, par exemple, de l'altération de ses facultés mentales.

    Pour ce qui concerne les groupements, les positions respectives du juge administratif et du juge judiciaire divergent.

    Ainsi, dans le contentieux administratif, il est en principe nécessaire que le groupement dispose de la personnalité morale (.Par exemple, a été jugée irrecevable l'action introduite par une section syndicale, qui n'était qu'une émanation d'un syndicat et qui ne disposait pas de la personnalité juridique (CE, 26 avril 1989, Sect. Synd. CFDT de la chambre de commerce de Nantes, n° 16172, Rec. p.837 ; CE, 30 juillet 2003, Synd. CGT des parcs et ateliers, n° 240381, Dr. adm. 2003 n° 221), de même que celle intentée par un groupe local affilié à une association nationale, mais non constitué lui-même en association (CE, 28 octobre 1994, Commune de Courty, Rec. p.1104)

    Par exemple, a été jugée irrecevable l'action introduite par une section syndicale, qui n'était qu'une émanation d'un syndicat et qui ne disposait pas de la personnalité juridique.

    Le juge admet toutefois que les associations non déclarées soient recevables à exercer un REP contre les décisions qui portent atteinte aux intérêts collectifs qu'elles ont pris en charge (CE, 16 octobre 1985, Sté des courses de Questembert-Malestroit, n° 53759, Dr. adm. 1985 n° 524 ; CE, 21 avril 1997, Mme Karrich, n° 156370, D 1997 IR p.126) ( En revanche, seules les associations déclarées seront habilitées à défendre leurs droits patrimoniaux (articles 5 et 6 loi du 1er juillet 1901)).

    Dans le contentieux judiciaire, au contraire, les groupements de fait ne se voient pas reconnaître la capacité pour agir en justice. Autrement dit, seules les associations déclarées peuvent introduire une action devant le juge civil.

    Il résulte donc de ce qui précède qu'un collectif d'habitants opposé à l'implantation de l'antenne devra donc se constituer en association déclarée s'il entend se porter devant le juge judiciaire.

    A défaut, les habitants ne pourront agir qu'à titre personnel.

    L'appréciation de l'intérêt à agir du requérant

    Dans le cadre du contentieux administratif

    Outre de sa capacité à agir, le requérant doit justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. Cette règle vaut, que le demandeur soit une personne physique ou une personne morale.

    Concernant les personnes morales, le juge est amené à apprécier l'intérêt dont elles se prévalent pour introduire un recours, au regard de leur objectif statutaire, hors les cas où elles contestent une décision mettant directement en cause leur existence (Ex.: décision qui prononce leur dissolution (CE Sect., 22 avril 1955, Association Rousky-Rom, Rec. p.202)), leur patrimoine (Ex.: décision relative à l'expropriation d'un élément du patrimoine d'un comité d'entreprise (CE, 18 mai 1977, Cté central d'entreprise de la BNP, Rec. p.228) ou leur fonctionnement (Ex.: décision qui refuse à un syndicat de le compter parmi les organisations les plus représentatives (CE Sect., 28 octobre 1955, Synd. national des cadres de la banque, Rec. p.507)), cas dans lesquels leur intérêt à agir est patent.

    Il leur applique en quelque sorte un principe de spécialité, selon lequel elles n'ont vocation à défendre que des intérêts déterminés, correspondant à leur objet social.

    En terme de stratégie contentieuse, c'est la raison pour laquelle la requête introduite par une association est parfois signée non seulement par le représentant habilité de celle-ci, mais également par ses membres à titre personnel, de telle sorte que si l'association ne se voit pas reconnaître un intérêt à agir, mais que ses membres, ou certains d'entre eux, peuvent faire valoir un tel intérêt, l'action est recevable (CE 12 juillet 2002, M. et Mme Milla, n° 233335).

    Des règles particulières s'appliquent en matière de contentieux des autorisations d'urbanisme.

    Ainsi, le requérant personne physique qui attaque un permis de construire ou la décision de non-opposition à une déclaration de travaux aura intérêt à agir s'il est un voisin proche des travaux, sans forcément en être le voisin immédiat (pour le recours dirigé contre un permis de construire: CE, 26 mars 1982, Chabroux, Rec. p.138 ; CE, 15 avril 1983, Commune de Menet, Rec. p.154 ; CE, 30 septembre 1988, Sté nationale Antenne 2, AJDA 1989 p.131 ; CE, 3 février 1992, Mme Girod, Rec p.1197 – pour le recours dirigé contre une non-opposition à déclaration de travaux: CE, 17 juin 1991, Maryse Renault, nos 98399 et 98400).

    En revanche, il ne sera pas recevable s'il allègue seulement de sa qualité d'habitant de la commune sur laquelle auront lieu les travaux (CE, 8 avril 1987, Georges F. c/ Sté nouvelle de la Grande maison, Rec. T p.1021 ; CE, 11 septembre 1995, M. X., n° 126329).

    Pour ce qui est des associations, une condition supplémentaire est posée par l'article L.600-1-1 du code de l'urbanisme, à savoir que le dépôt de ses statuts en préfecture doit avoir été effectué avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

    A défaut, l'association ne sera pas recevable.

    Dans le cadre du contentieux judiciaire

    Le juge judiciaire exige lui aussi un intérêt à agir du requérant (article 31 du code de procédure civile), même si ce dernier n'a pas à en justifier expressément dans sa requête.

    Dans le cadre d'une action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage, le juge adopte une conception extensive du voisinage: seront recevables ceux qui sont situés dans les environs des travaux ou de l'ouvrage qu'ils estiment dommageables (Cass. Civ. 2ème, 31 mai 2000, n° 98-17.532, Bull. civ. 2000 II n° 94).



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°206

    Date :

    1 mai 2011

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