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Responsabilité financière des gestionnaires publics : bilan de la jurisprudence récente

Pour rappel, en application de l'article 168 de la loi de finances pour 2022 , l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, a unifié ce régime de responsabilité tout en maintenant la distinction entre ordonnateurs et comptables. Il vise à sanctionner, de manière plus efficace et ciblée, les fautes graves relatives à l’exécution des recettes ou des dépenses ou à la gestion des biens des entités publiques, ayant causé un préjudice financier significatif.

Ainsi, en lieu et place de la Cour de discipline budgétaire et financière compétente pour les ordonnateurs, et des juridictions financières (Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes) pour les comptables publics, la juridiction unifiée en charge de la répression de ces fautes en première instance sera la chambre du contentieux de la Cour des comptes, composée de magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes.

Ce nouveau régime est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Il concerne l’ensemble des gestionnaires publics, c'est-à-dire les ordonnateurs et comptables, à l'exception des élus locaux et des personnes qui suivent les instructions de leurs supérieurs hiérarchiques ou détenant un ordre écrit de l'élu local.

Les élus locaux peuvent néanmoins voir leur responsabilité financière engagée, dans les trois cas suivants :

  • Inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte (code de juridictions financières (CJF), art. L. 131-4) ;
  • avantages injustifiés consentis à autrui ou à soi-même (CJF, art. L. 131-12) ;
  • gestion de fait (CJF, art. L. 131-15).

De récentes décisions rendues par la Cour des comptes dans ce domaine permettent d'avoir un aperçu de l'appréciation par le juge financier notamment des notions de préjudice financier significatif et d'octroi d'un avantage injustifié. 

Décisions de la Cour des comptes 

  • La Cour a ainsi considéré que le fait pour une directrice générale des services d'une commune de ne pas avoir communiqué, et ce de manière répétée, à l'assureur de la collectivité plusieurs déclarations de sinistres dans les délais prescrits, entraînait un préjudice financier significatif grave pour la commune. Pour resituer le contexte, la collectivité avait souscrit une assurance statutaire et les déclarations qui n'avaient pas été transmises concernaient les agents en congé maladie. Ce manquement avait causé la non prise en charge des sinistres et le non paiement des prestations par la compagnie d'assurance (arrêt de la cour des comptes du 7 octobre 2024, n° S-2024-1305). 
  • Dans le cadre d'une  autre affaire, la juridiction financière a condamné un maire au regard de l'infraction d'octroi d'un avantage injustifié par le versement d'une prime de fin d'année. La Cour des comptes relève, qu'en dépit d'une première alerte du comptable public, le maire avait réitéré son ordre de réquisition pour que soit versée cette prime et ce sans rechercher à y mettre fin ou la régulariser. La Cour a néanmoins retenu des circonstances atténuantes pour la fixation du montant de l'amende  notamment au regard de la bonne foi du maire sur le caractère d'avantage acquis collectivement au sens de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984. Cette disposition prévoit que les agents titulaires d'une collectivité "...conservent les avantages qu'ils ont individuellement acquis en matière de rémunération... " ( arrêt de la cour des comptes du 16/12/2024 n° S-2024-1528)
  • L'infraction d'octroi d'un avantage injustifié a également été retenue à l'encontre d'un maire qui avait réquisitionné le comptable public alors que ce dernier avait refusé le paiement d'indemnités irrégulières à l'ancienne secrétaire de mairie, lors de son départ à la retraite. Pour la fixation du montant de l'amende, l'expérience de ce dernier en tant qu'élu local a été considéré comme caractère aggravant. La longue expérience de la secrétaire de mairie dans la fonction publique territoriale a également été retenue comme circonstance aggravante ( arrêt de la cour des comptes (arrêt de la Cour des comptes du 14/11/2024 n° S-2024-1396). 

Accompagner les agents publics mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes 

Au regard du risque encouru par les gestionnaires publics de voir leur responsabilité engagée, une circulaire en date du 17 avril 2025, du Premier Ministre adressée aux ministres d'Etat, ministres et ministres délégués, a pour objet de préciser "les formes et les modalités de soutien qui doit être apporté aux agents mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes".

Dans ce cadre, cette circulaire rappelle que le Conseil d'Etat dans une décision du 29 janvier 2025 (n° 497840), amené à se prononcer sur une note n° 360/24/SG du 2 avril 2024 de la secrétaire générale du Gouvernement relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et à la protection fonctionnelle, a confirmé que cette protection s'applique pour l'agent faisant  l'objet de poursuites civile ou pénale et non de poursuites devant la chambre du contentieux de la Cour de comptes. La prise en charge des frais d'avocat n'est alors pas possible;

Le Conseil d'Etat estime néanmoins, que si l'agent poursuivi devant cette juridiction ne peut bénéficier de cette protection, il doit pouvoir se voir proposer un accompagnement par son administration, adapté aux circonstances de chaque espèce. 

A ce titre la circulaire prévoit que les administrations  "... doivent identifier en leur sein et faire connaître l'entité... qui fonctionnera comme un centre de ressources et sera chargée de mettre en œuvre cet accompagnement... ".  Elles sont également invitées à fournir à l'agent un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense, en dehors des cas où il aurait commis des fautes qui ne le justifient pas. Parmi les documents que les administrations pourront produire au soutien de la défense leurs agents mis cause , la circulaire cite, par exemple, les lettres de couverture, les délibérations de l'organe délibérant ou tout autre élément de nature à éclairer sur le niveau de responsabilité de l'agent concerné. 

Cette recommandation, en référence à cet arrêt du 29 janvier 2025, est également reprise  dans le   rapport du Conseil d'Etat intitulé "Sécuriser l'action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit"remis au gouvernement le 14 mars dernier.

Ce rapport préconise aussi qu'une réflexion soit engagée ".... sur l’éventuelle reconnaissance aux employeurs publics de la faculté d’accorder à leurs agents le bénéfice de la protection fonctionnelle en cas de poursuites devant les juridictions financières, sous réserve, bien sûr, qu’ils n’aient pas agi...  par intérêt personnel direct ou indirect " (cf. pages 129 et 143 du rapport). 



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Paru dans :

Info-lettre n°371

Date :

1 mai 2025

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