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    Un maire peut-il s'opposer à l'installation d'une antenne relais sur le territoire de sa commune ?

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    L’installation d’une antenne relais peut susciter plusieurs préoccupations tant au regard des impacts qu’elle peut avoir sur la santé des habitants que sur l’urbanisme.

    Pour faire face à ces inquiétudes, il convient de se demander si les maires peuvent s’opposer à une telle installation au titre du principe de précaution, en faisant usage de leurs pouvoirs de police administrative générale, ou sur le fondement du droit de l’urbanisme ?

    1. Le maire peut-il s’opposer au titre de ses pouvoirs de police administrative générale à l’installation d’une antenne relais
    2. Le maire peut-il s’opposer à l’implantation de l’antenne relais sur le fondement du droit d’urbanisme ?
      1. La difficulté de s’opposer à l’implantation de l’antenne par refus d’autorisation d’urbanisme
      2. L’intérêt paysager comme motif d’opposition

    Le maire peut-il s’opposer au titre de ses pouvoirs de police administrative générale à l’installation d’une antenne relais

    En vertu de l’article L.2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le maire a la charge de la police municipale, laquelle vise à assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique.

    Toutefois, il n’est pas compétent en matière de police des télécommunications, cette police spéciale relevant de l’Etat. Aujourd’hui exercée par l’autorité ministérielle chargée des communications électroniques et les autorités créées à cet effet, dont l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques (ARCEP) et l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR), ce pouvoir vise à « assurer, sur l'ensemble du territoire national et conformément au droit de l'Union européenne, d'une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de télécommunications, qui sont identiques sur tout le territoire, d'autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire » (CE, Ass., 26 octobre 2011, n° 329904, Cne Les Pennes-Mirabeau).

    Les autorités précitées ont notamment pour mission, dans le cadre de leurs compétences respectives, de veiller à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques et à la protection de la santé publique.

    L’existence d’une police spéciale exercée au niveau national empêche le maire de faire usage de ses pouvoirs de police générale, au risque de s’immiscer dans l’exercice du pouvoir de police spéciale précité, sauf cas de péril imminent (CE, 30 janvier 2012, n° 344992, Sté Orange France et CAA Versailles, 19 octobre 2006, Cne de Saint-Cyr l'école, n°04VE01703).

    Ainsi, pour justifier son opposition à l’implantation d’une antenne sur le territoire communal, le maire ne peut ni invoquer le principe de précaution, ni soutenir que les règles adoptées au niveau national ne prennent pas suffisamment en compte les exigences posées par l'impératif de protection de la santé publique (CE, ass., 26 octobre 2011, n° 329904, Cne des Pennes-Mirabeau et CE, ass., 26 octobre 2011, n° 341767, Sté française de Radiotéléphone).

    La proximité du lieu d’implantation de l’antenne-relais avec des populations vulnérables (crèches, écoles, établissements de soins accueillant des personnes âgées) n’est pas non plus un motif d’opposition valable (CE, ass., 26 octobre 2011, n° 326492, Cne Saint-Denis).

    En somme, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, le maire ne peut donc ni adopter d’arrêté s’opposant de manière générale à l’implantation d’antennes-relais sur le territoire communal, ni prendre un arrêté afin de s’opposer à la déclaration préalable déposée par l’entreprise souhaitant en implanter une.

    A noter également que les pouvoirs du conseil municipal sont plus restreints encore que ceux du maire.  Est ainsi illégale la délibération d’un conseil municipal ayant proscrit, au nom du principe de précaution, l'implantation d'antennes-relais dans certaines zones, dans le cadre d'une révision du plan local d'urbanisme (CAA Bordeaux, 16 novembre 2018, n° 16BX02996, Cne de Ramonville-Saint-Agne). 

    Il s’en déduit, sous réserve de l’interprétation souveraine du juge, qu’une délibération s’opposant à l’installation d’une antenne 5G au nom du principe de précaution, en raison de sa proximité avec une zone habitée et des équipements publics, serait entachée d’illégalité.

    Le maire peut-il s’opposer à l’implantation de l’antenne relais sur le fondement du droit d’urbanisme ?

    Il convient ici de rechercher si le maire peut s’opposer à cette implantation en refusant d’accorder l’autorisation d’urbanisme ou en invoquant l’atteinte portée à l’intérêt paysager.

    La difficulté de s’opposer à l’implantation de l’antenne par refus d’autorisation d’urbanisme

    Au préalable, il à noter que les antennes-relais constituent des équipements publics d’intérêt général résultant d’une mission de service public reconnue par la loi. A ce titre, elles peuvent être implantées dans toutes les zones des documents d’urbanisme communaux, y compris dans les zones classées ND de protection paysagère du PLU sous certaines conditions (CAA Nantes, 3 février 2012, no 10NT01244).

    L’implantation des antennes-relais de radiotéléphonie est soumise à autorisation d’urbanisme et doit faire l’objet soit d’une demande de déclaration préalable, soit d’une demande de permis de construire. En vertu de l’article R.421-9 du code de l’urbanisme, hors périmètres protégés tels qu’au sein des périmètres de protection des monuments historiques, l’implantation d’une antenne-relais relève de la simple déclaration préalable. Dans tous les autres cas, un permis de construire est nécessaire.

    Les communes ne disposant pas de plan local d’urbanisme (PLU) sont assujetties, pour l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme au Règlement National d’Urbanisme (RNU), mais également aux dispositions spéciales relevant d’autres codes, tel que le code du patrimoine.

    Certains articles du RNU d’ordre public pourraient être mis en avant pour s’opposer à l’implantation d’antennes-relais, tels que notamment les articles R.111-2 du code de l’urbanisme au regard d’un risque avéré de sécurité ou de salubrité publique et R.111-26 faisant écho au principe de précaution, en référence à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Ici aussi, c’est la jurisprudence qui vient limiter leur usage.

    L’article R.111-2 du code de l’urbanisme évoque le fait que le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales « s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

    Comme évoqué précédemment, le juge administratif rejette actuellement ce moyen de manière constante, considérant qu’il n’existe, en l’état des connaissances scientifiques, aucun risque lié à l’exposition aux champs électromagnétiques (CE, 19 juillet 2010, L'association du quartier Les Hauts de Choiseul, n° 328687 - CE, 30 janvier 2012, n° 344992, Sté Orange France et article R.111-26 du code de l’urbanisme).

    Lorsque le projet d’implantation d’une antenne est situé aux abords d’un monument historique, il est soumis à autorisation préalable de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF – articles L.621-32 et L.632-2 du code du patrimoine). La décision prise sur la déclaration préalable ou le permis de construire tient lieu de cette autorisation si l’ABF a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis simple dans certains cas précis (article R.425-1 du code de l’urbanisme).

    En ce qui concerne plus précisément le projet d’implantation d’une antenne, l’ABF n’est sollicité que pour avis simple, non pour accord : l’administration n’est pas tenue de se conformer à cet avis (article L.632-2-1 du code du patrimoine et TA Lyon, 24 janvier 2023, n° 2104466).

    A noter qu’en la matière, la jurisprudence reste particulièrement favorable à l’installation d’antennes. Le juge tient compte de l’environnement du site d’implantation de l’antenne et en apprécie l’impact sur cet environnement. A titre d’exemple, si le site d’implantation du projet ne présente pas d’intérêt particulier ni de « caractéristiques esthétiques remarquables » puisque situé dans un environnement composé « de parcelles industrielles et se caractéris[ant] par un vaste entrepôt, un parking d'entreprise et une zone boisée, à proximité immédiate d'une ligne ferroviaire » et à bonne distance du monument protégé, le maire est tenu de délivrer l’autorisation sollicitée (TA Lyon, 24 janvier 2023, n° 2104466). En outre, même à proximité immédiate d’un monument inscrit, l’antenne correctement dissimulée dans le paysage peut être admise (CAA Lyon, 28 juin 2016, n° 14LY02773, Syndicat des vins AOC Hermitage et autres).

    La jurisprudence actuelle en matière d’implantation des antennes ne semble donc pas permettre au maire la possibilité de s’opposer à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme pour ces motifs, sauf peut-être en ce qui concerne la préservation des paysages présentant un intérêt certain.

    L’intérêt paysager comme motif d’opposition

    En vertu de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme, tout projet d’urbanisme peut être refusé « si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier […] sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».

    Le maire peut ainsi s’opposer à un projet de construction lorsque son intégration paysagère n’est pas certaine, compte tenu de sa localisation et de ses caractéristiques.

    Pour ce faire, il est nécessaire (CE, 26 juillet 2018, n°411386) :

    • Dans un premier temps, d’« apprécier la qualité du site urbain sur lequel la construction est projetée » ; il s’agit d’attester du caractère remarquable et/ou de l’intérêt exceptionnel du lieu d’implantation (voir CAA Bordeaux, 11 janvier 1996, n°95BX00203, Electricité de France et CAA Bordeaux, 30 juin 2017, n° 16MA00614, SA Orange) ;
    • Dans un second temps, « d’évaluer l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site » ; il s’agit ici de vérifier que l’installation projetée s’insère le mieux possible dans le paysage afin de ne pas affecter le site environnant, compte tenu des précautions prises par le demandeur pour en atténuer l’impact sur le paysage.

    Dans ce cadre, est légale la construction d’une antenne-relais dans un environnement « résidentiel et d'habitat diffus, ne présent[ant] pas d'intérêt particulier auquel [le projet] porterait atteinte » (CAA Marseille, 17 juillet 2020, SARL Sgaoun Aubignan, n° 19MA04757). Il en est de même pour l’implantation d’une antenne-relais à une distance de 250 mètres environ d’un site classé au sens du code de l’environnement, séparée de ce dernier par des immeubles, des haies d’arbres de haute tige et des équipements ferroviaires (CAA Versailles, 1er décembre 2016, n° 15VE03620).

    En revanche, le tribunal administratif de Grenoble a pu rejeter en référé le recours porté contre l’arrêté par lequel un maire s’est opposé à la déclaration préalable portant sur l’installation d’une antenne-relais, jugeant qu’il n’existait pas de doute sérieux quant à sa légalité dès lors que le site concerné par cette implantation était d’une grande qualité, affecté par l’impact visuel du projet (TA Grenoble, 10 mai 2022, n° 2202144).

    Toutefois, au vu des éléments précédemment mentionnés, ce moyen ne semble invocable que de manière résiduelle et dans des cas très particuliers de sites paysagers d’une très grande qualité, particulièrement affectés par l’implantation d’une antenne.

    Enfin, il est également à noter que la responsabilité communale peut être engagée en cas d’opposition illégale du maire à la déclaration préalable relative à l'implantation de l’antenne-relais litigieuse (Voir à cet égard, par analogie : CE, 15 avril 2016, n° 371274).



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    Paru dans :

    ATD Actualité n°331

    Date :

    1 septembre 2023

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