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Hausse des prix : avis du Conseil d'Etat sur les possibilités de modifier les contrats de la commande publique

Avis du Conseil d'Etat sur les possibilités de modifier les contrats de la commande publique

La hausse actuelle des prix ou des tarifs, liée au Covid 19 et à la guerre en Ukraine, a des conséquences sur les contrats de la commande publique, pouvant remettre en cause leur équilibre économique. 

C'est dans ce contexte que le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a formulé une demande d'avis auprès du Conseil d'Etat notamment sur les possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et sur les conditions d’application de la théorie de l’imprévision.

Plusieurs questions ont alors été posées notamment sur la possibilité de procéder à une modification d'un contrat de la commande publique portant uniquement sur les prix ou les tarifs, sur le seuil à partir duquel cette modification peut être mise en place ou encore comment elle s'articule avec la théorie de l'imprévision.

La possibilité d’une modification portant uniquement sur les prix ou tarifs

Au vu des dispositions du code de la commande publique et des directives européennes, la Haute Juridiction relève dans son avis du 15 septembre dernier, que rien ne fait obstacle à la possibilité de modifier uniquement les prix, les tarifs, les conditions d'évolution des prix ou les autres clauses financières, sans que cette modification soit nécessairement liée à une modification des caractéristiques et conditions d’exécution des prestations.

Les modifications des marchés peuvent donc porter " uniquement, en vue de compenser les surcoûts que le titulaire ou le concessionnaire subit du fait de circonstances imprévisibles, sur les prix ou les tarifs prévus au contrat ainsi que sur les modalités de leur détermination ou de leur évolution ", sans que le caractère en principe définitif du prix n’y fasse obstacle. 

Les modifications possibles

Le Conseil d’Etat présente ensuite dans son avis le cadre juridique et les différentes possibilités permettant de modifier les contrats de la commande publique en cours, notamment en faisant référence à plusieurs dispositions de la commande publique.

Les articles L.2194-1 et L.31353-1 du code de la commande publique, précisent ainsi qu''" un marché ou un contrat de concession peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque, notamment, les modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux... ou sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues... ou ne sont pas substantielles... ou encore sont de faible montant...".

L'avis rendu détaille les différentes hypothèses de modifications possibles.

- Concernant les modifications rendues nécessaires par les circonstances imprévisibles (article R.2194-5 du code de la commande publique) il est précisé qu'elles ne sont possibles que si l'augmentation des dépenses ou la diminution de recettes provoquée par les circonstances ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat. L'augmentation possible ne peut toutefois excéder 50 % du montant du contrat initial, lorsqu'il est passé par un pouvoir adjudicateur.

- Pour les modifications de faible montant (article R.2194-8 ), l'avis précise que "les parties sont libres de procéder... à la compensation de toute perte subie même si elle ne suffit pas à caractériser une dégradation significative de l'équilibre économique du contrat initial". La modification peut alors s'opérer sans procédure de publicité ou de mise en concurrence. Son montant doit toutefois "...être inférieur à 10 % du montant du contrat initial pour les marchés de services et de fournitures ou 15 % du montant initial pour les marchés de travaux".

De plus, le contractant doit veiller à ce que cette modification n’ait pas pour effet, de couvrir, même partiellement, les aléas normaux inhérents à l’exécution du contrat qui doivent rester à la charge de l’opérateur économique.

A noter, que la mise en œuvre de cette possibilité n'empêche pas les parties d'apporter d'autres modifications rendues nécessaires par les circonstances imprévisibles.

- Concernant les modifications non substantielles (articles R.2194-7), le Conseil d’État rappelle qu'il s'agit de clauses, quel que soit leur montant, qui n'ont pas eu d’influence sur les candidatures ou sur le choix de l’attributaire, ou encore qui n'ont modifié ni l'équilibre économique du marché en faveur du titulaire, ni considérablement son objet. Pour la Haute juridiction, la modification des clauses financières peut s'opérer au titre de ces modifications non substantielles. Si comme le précise l'avis, ces modifications ne comportent pas de limite en montant, elles ne sauraient pour autant "...permettre aux parties de modifier l’objet du contrat ou de faire évoluer en faveur de l’entrepreneur, d’une manière qui n’était pas prévue dans le contrat initial, son équilibre économique tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des prestations, les prix ou les tarifs."

Il est important de préciser que la collectivité n’est jamais tenue de prendre l’initiative ou d’accepter ces modifications ( cf. points 8 et 21 de l’avis). De plus, son choix doit toujours s’opérer dans le respect des principes qui doivent guider l'action publique, notamment le bon usage des deniers publics ( cf. points 11 et 14 de l’avis).

Les indemnités au titre de la théorie de l'imprévision

A l’origine, les indemnités pour imprévision sont prévues afin de permettre la continuité du service public. Ainsi, lorsque l'équilibre économique d'un contrat est bouleversé temporairement en raison d'un évènement qui est extérieur aux parties et qui est imprévisible, le cocontractant qui poursuit l'exécution du contrat a droit à être indemnisé.

Cette indemnité doit toutefois rester provisoire. Aussi, si les évènements perdurent, l’imprévision devient alors "...un cas de force majeure justifiant la résiliation de ce contrat".

Sur le fondement de cette théorie de l’imprévision, le Conseil d’État précise que les parties peuvent conclure, une convention d'indemnisation dont le seul objet est de compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire. Elle ne peut avoir en aucun cas, pour effet, de modifier les clauses du marché. Cette indemnité peut aussi être accordée par le juge administratif en cas de désaccord des parties.

A noter, que cette indemnité n'a pas à être inscrite dans le décompte général et définitif, lorsque les parties ont prévue de l'établir.

En parallèle une fiche de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'économie apporte des précisions techniques sur ces différentes possibilités, sur leurs modalités de mise en œuvre mais aussi sur les précautions à prendre.

Cette fiche, présente ainsi des points de vigilance auxquels les acheteurs publics doivent se montrer attentifs. A titre d’exemple, il est précisé que « …l’acheteur doit veiller, dans le cadre des négociations sur le contenu de la modification envisagée, à vérifier la réalité et la sincérité des justificatifs apportés par le titulaire pour éviter de payer des sommes sans lien avec les circonstances ».

Au travers des éléments apportés par cette fiche, il est également confirmé la possibilité de cumuler une indemnisation sur le fondement de la théorie de l'imprévision avec une modification du contrat dès lors que cette modification n'a pas été de nature à résorber la totalité du préjudice d'imprévision subi par le titulaire.

Cette fiche technique est en ligne sur economie.gouv.fr



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Paru dans :

Info-lettre n°316

Date :

1 octobre 2022

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