Mise en concurrence pour la conclusion de baux sur le domaine privé : pas d’obligation pour le Conseil d’Etat

Alors que l’affaire était déjà entendue concernant les titres d’occupation du domaine public qui, lorsqu’ils sont délivrés « en vue d’une exploitation économique », doivent donner lieu à une procédure de sélection préalable (art. L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques – CGPPP), la question de l’obligation d’organiser une mise en concurrence pour la conclusion de baux permettant l’exercice d’une activité économique sur le domaine privé des collectivités territoriales (baux commerciaux, baux ruraux, baux professionnels, baux emphytéotiques) n’était pas tranchée.

On pouvait légitimement s’attendre à ce qu’une telle obligation soit reconnue en application de la directive Services (directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 déc. 2006), telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans ses décisions « Promoimpresa » et « Mario Melis » (14 juill. 2016, aff. C-458/14, Promoimpresa Srl, et C-67/15, Mario Melis). Pour rappel, l’article 12 de cette directive impose, lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour exercer une activité économique est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, que ces autorisations soient octroyées selon « une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d'impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l'ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ».

Pourtant, par un arrêt du 2 décembre dernier (n° 460100, Cne de Biarritz), le Conseil d’Etat est venu prendre le contrepied de cette position en jugeant « [qu’]il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations [de publicité et de mise en concurrence] s'appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l'accès à une activité de service ou à son exercice au sens (…) de cette même directive. »

En l’espèce, le juge administratif avait à se prononcer sur la validité du bail emphytéotique passé par la commune de Biarritz avec une société d’économie mixte pour la mise à disposition de l’hôtel du Palais.

Si cette solution a le mérite d’écarter l’hypothèque qu’auraient fait peser sur le régime des baux une obligation de mise en concurrence et son corolaire, l’obligation d’une remise en concurrence périodique, s’agissant notamment du droit au renouvellement du preneur d’un bail commercial qui se serait avéré incompatible avec cette exigence, elle interroge néanmoins.

On peut en effet se demander comment à partir du même fondement, la directive Services, on aboutit à des conclusions diamétralement opposées en fonction de la seule nature de la dépendance occupée, alors que le droit européen ne connaît pas la distinction entre domaine public et domaine privé.

Ainsi, une convention d’occupation temporaire du domaine public conditionnerait systématiquement l’exercice d’une activité économique, alors même que la dépendance occupée ne se caractériserait pas par sa rareté, tandis qu’un bail conclu sur un bien du domaine privé ne constituerait pas une condition pour l’exercice d’une activité économique, y compris si la dépendance objet du bail était la seule à même d’accueillir l’activité en question.

Le caractère pour le moins elliptique de l’argumentaire du Conseil d’Etat nous laisse sur notre faim quant à cette différence de traitement et ce « deux poids, deux mesures » apparaît au final difficilement compréhensible.

Reste à savoir ce qu’en diront le juge judiciaire, voire le juge européen, lorsqu’ils seront amenés à se prononcer.



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Paru dans :

Info-lettre n°323

Date :

1 février 2023

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