La reprise des concessions funéraires en état d'abandon
Article
Les communes se trouvent régulièrement confrontées, dans leur cimetière, à des problèmes de concession en état d'abandon.
Or, si la collectivité n'est pas, en la matière, tenue d'intervenir, son inaction pourrait néanmoins lui être préjudiciable.
En effet, la commune pourrait voir sa responsabilité engagée si une personne ou un bien (en particulier une autre tombe) devait subir un dommage à cause d'une concession non entretenue.
Qui plus est, il convient de rappeler que le maire étant tenu d'assurer la police des funérailles et des cimetières (article L.2213-8 du code général des collectivités territoriales – CGCT), il se doit donc de maintenir le bon ordre et la décence en ces lieux.
A la lumière de ce qui précède, il apparaît indispensable pour les communes de reprendre les concessions qui ne sont plus entretenues.
La procédure de reprise, telle que décrite aux articles L.2223-17 et R.2223-12 et suivants du CGCT, est particulièrement longue et formaliste. Elle doit être scrupuleusement respectée au risque d'être annulée.
Ce dossier a pour objet de vous détailler les différentes étapes de cette procédure. Il est complété des divers modèles d'acte nécessaires pour mener à bien cette procédure.
Il répond par ailleurs aux nombreuses demandes formulées par les élus ayant assisté aux stages proposés par le Service Formation des élus de l'ATD en septembre dernier et consacrés à la gestion des cimetières.
Conditions de fond pour la reprise
La mise en œuvre de la procédure de reprise des concessions en état d'abandon requiert la réunion de deux conditions :
Une condition de temps : la reprise ne peut intervenir avant un délai de trente ans à compter de l'acte de concession.
La procédure de reprise ne peut donc concerner que des concessions trentenaires qui ont fait l'objet d'un renouvellement, cinquantenaires, centenaires (supprimées en 1959) ou perpétuelles.
En outre, la procédure ne peut être engagée que dix ans après la dernière inhumation faite dans le terrain concédé (article R.2223-12 du CGCT) ;
Une condition matérielle : la concession doit être en état d'abandon, c'est-à-dire avoir « cessé d'être entretenue » (article L.2223-17 du CGCT).
Cet état doit être constaté par procès-verbal (article R.2223-13 du CGCT).
S'agissant de cette condition tenant à l'état d'abandon, deux précisions doivent être apportées:
- D'abord, aucune procédure ne peut être engagée en l'absence d'état d'abandon, même en cas d'extinction complète et connue de la famille.
Les textes ne donnant aucune précision sur ce qu'est un « état d'abandon », il convient de se tourner vers la pratique et surtout la jurisprudence qui considère que cet état se caractérise par divers signes extérieurs nuisant à la décence et au bon ordre du cimetière tels que l'état de délabrement, la présence de ronces ou de plantes parasites envahissant la tombe.
En revanche, l'impossibilité d'ouvrir un caveau n'est pas un signe d'abandon si, par ailleurs, la tombe est correctement entretenue (Rép. Min. n° 4274, JO AN du 14 janvier 1978, p. 136).
- Ensuite, certaines concessions ne peuvent être reprises. L'article R.2223-23 du CGCT interdit, en effet, la reprise d'une concession que la commune ou un établissement public est dans l'obligation d'entretenir en exécution d'une donation ou d'une disposition testamentaire régulièrement acceptée, puisque ces concessions ne peuvent, par définition, être en état d'abandon.
Procédure de la reprise
Selon l'article L.2223-17 du CGCT, « Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d'être entretenue, le maire peut constater cet état d'abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles.
Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d'abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non.
Dans l'affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession ».
La procédure de reprise se décline donc en deux temps.
La constatation de l'état d'abandon
L'état d'abandon doit être constaté par un procès-verbal dressé par le maire, après une visite des lieux (article R.2223-13 du CGCT).
( Préalablement à la rédaction du procès-verbal, le maire doit informer la famille de son intention de reprendre la concession. Deux cas de figure doivent alors être distingués:
si les descendants ou les successeurs du concessionnaire ou éventuellement les personnes chargées de l'entretien sont connus, le maire doit leur adresser, un mois avant la visite, une lettre recommandée avec accusé de réception les invitant à se rendre à la visite ou à se faire représenter. Le maire doit leur indiquer le jour et l'heure de la constatation.
si la résidence des descendants ou des successeurs du concessionnaire n'est pas connue, un avis précisant la date et l'heure de la constatation, doit être affiché à la mairie et à la porte du cimetière, un mois avant.
L'omission de cette formalité engage la responsabilité de la commune (CE, 20 janvier 1988, Mme Chemin-Leblanc, n° 68454).
( L'état d'abandon doit être constaté par un procès-verbal dressé par le maire, après une visite des lieux.
En pratique, il appartient au maire, ou à son délégué, de se rendre au cimetière, accompagné d'un fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription, d'un garde-champêtre ou d'un policier municipal (article R.2223-13 du CGCT. Sur ce point, il convient de rappeler que dans sa rédaction antérieure à la publication du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, cet article R.2223-13 imposait que le maire ou son délégué soit accompagné par le commissaire de police ou, à défaut de ce dernier, par le garde champêtre. De plus, on considérait qu'en l'absence de commissaire ou de garde champêtre, cette opération de surveillance pouvait être assurée par le maire seul ou, le cas échéant, par son délégué).
Selon l'article R.2223-14 du CGCT, le procès-verbal doit mentionner :
L'emplacement exact de la concession.
La description précise de l'état de la concession.
Cette mention doit être rédigée avec soin afin d'être en mesure, trois ans plus tard, d'établir si des améliorations ont été apportées ou si, au contraire, l'état de la concession est encore plus délabré.
Lorsque ces indications sont connues, la date de l'acte de concession, le nom des parties qui ont figuré à cet acte, le nom des ayants droit et des défunts inhumés dans la concession.
Une copie de l'acte de concession doit être jointe au procès-verbal.
A défaut, un acte de notoriété, « constatant que la concession a été accordée depuis plus de trente ans », doit être dressé par le maire et annexé au procès-verbal.
Le procès-verbal est signé par toutes les personnes ayant assisté à la visite, c'est-à-dire:
le maire ou son délégué,
les descendants, successeurs ou personnes chargées de l'entretien,
le fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription, le garde-champêtre ou le policier municipal.
Si les descendants ou les successeurs ou éventuellement les personnes chargées de l'entretien refusent de signer, il doit en être fait mention dans le procès-verbal.
( Le procès-verbal doit faire l'objet de mesures de notification et de publicité particulières. Ainsi:
Dans les huit jours à compter de la visite, le procès-verbal est notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux descendants, successeurs ou éventuellement aux personnes chargées de l'entretien si ceux-ci sont connus.
Par la même lettre, le maire doit les mettre en demeure de rétablir la concession en bon état d'entretien (article R.2223-15 du CGCT).
Dans le même délai de huit jours, le maire doit porter à la connaissance du public des extraits du procès-verbal par affichage à la porte de la mairie et à celle du cimetière, durant un mois. Ces affiches sont renouvelées deux fois à quinze jours d'intervalle.
En pratique, le maire doit donc procéder à trois affichages d'un mois, entrecoupés par deux quinzaines sans affichage (Rép. Min. n° 33615 du 2 août 1999, JO AN du 4 octobre 1999, p. 5783).
A défaut de porte, l'affichage peut être valablement effectué sur un panneau placé à l'entrée du cimetière.
Le maire doit établir et signer un certificat pour constater l'accomplissement de ces affichages. Ce certificat est annexé à l'original du procès-verbal (article R.2223-16 du CGCT).
( Dans chaque mairie, il est tenu une liste des concessions dont l'état d'abandon a été constaté conformément à la procédure qui vient d'être décrite.
Cette liste doit être déposée au bureau du conservateur du cimetière, si cet emploi existe, ainsi qu'à la préfecture et à la sous-préfecture.
A l'entrée du cimetière, une inscription indique les endroits où cette liste est déposée et peut être consultée par le public (article R. 2223-17).
La décision de reprise
( La reprise de la concession ne peut être prononcée qu'après un délai de trois ans suivant l'accomplissement des formalités de publicité (article L.2223-17 CGCT). Ce délai commence donc à courir à l'expiration de la période d'affichage des extraits de procès-verbal.
Durant ce délai, aucun acte d'entretien ne doit être accompli (par les descendants, les successeurs ou encore par les personnes chargées de l'entretien) et constaté, sous peine de l'interrompre.
( Après écoulement de ce délai de trois ans, un nouveau procès-verbal doit être dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal initial, afin de constater que l'état d'abandon n'a pas été interrompu (cf. supra article R.2223-13).
Ce second procès-verbal doit également être établi avec le plus grand soin puisque de sa comparaison avec l'état décrit dans le premier fera apparaître une amélioration ou, au contraire, une aggravation de l'état de la concession.
Ce second procès-verbal doit comporter l'indication de la mesure qui doit être prise. Il doit, tout comme le premier, être notifié aux intéressés (article R.2223-18 du CGCT) ou être affiché à la mairie et à la porte du cimetière (Rép. Min. n° 12147 du 21 septembre 1995, JO Sénat du 16 novembre 1995, p. 2169).
( Un mois après l'accomplissement de cette formalité, le maire peut saisir le conseil municipal afin qu'il décide s'il y a lieu ou non de reprendre la concession (article R.2223-18 du CGCT).
Etant seul juge de l'opportunité de saisir le conseil municipal, le maire est en droit de suspendre la procédure alors même que toutes les conditions sont pourtant réunies.
( Si le conseil municipal décide cette reprise, le maire peut prendre un arrêté la prononçant.
Cet arrêté doit être motivé et viser notamment les deux procès-verbaux de constat d'abandon, les certificats d'affichage ainsi que la délibération du conseil municipal décidant la reprise.
Cet arrêté sera exécutoire de plein droit dès qu'il aura été procédé à sa publication et à sa notification (articles L.2223-17 alinéa 3 et R.2223-19 du CGCT).
Les conséquences de la reprise
( Le maire peut faire enlever les matériaux, monuments et emblèmes funéraires restés sur la concession abandonnée trente jours après la publication de l'arrêté prononçant la reprise (article R.2223-20 alinéa 1er du CGCT).
Si l'article R.2223-20 ne donne aucune précision sur le devenir de ces matériaux, en revanche, le juge administratif se prononce en faveur de la libre disposition des monuments et caveaux présents sur les concessions reprises par les communes (CAA Marseille, 13 décembre 2004, n° 02MA00840, « les monuments et emblèmes funéraires, lors de la reprise d'une concession perpétuelle, ne sont pas incorporés au domaine public et ne peuvent faire partie de ce domaine, faute d'être affectés à l'usage du public ; ils ne peuvent non plus être regardés comme entrant dans la catégorie des biens vacants et sans maître dont les articles 539 et 731 du code civil attribuent la propriété à l'Etat ; en conséquence, [...], ils font partie du domaine privé de la commune dont les modalités de gestion relèvent du droit privé »).
Dès lors, la commune est en droit de vendre ces matériaux et de disposer librement du produit de cette cession en application du principe de libre administration des collectivités locales. La vente peut se faire à l'amiable ou par adjudication publique aux enchères si le nombre des matériaux est important.
( Le maire doit faire exhumer les restes des personnes inhumées dans chaque emplacement repris.
Ces restes doivent ensuite être rassemblés dans un cercueil de grandeur appropriée (article R.2223-20 alinéa 2) et être aussitôt réinhumer dans un ossuaire aménagé (article L.2223-4 du CGCT).
Lorsque le cimetière ne permet pas la construction d'un tel ossuaire, les restes peuvent être transférés, par décision du maire dans l'ossuaire d'un autre cimetière appartenant à la commune ou à une commune appartenant à un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) (article R.2223-6 du CGCT).
Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés. Les cendres sont alors déposées dans un columbarium, dans l'ossuaire ou répandues dans le jardin du souvenir (article R.2223-9).
Pour éviter l'anonymat, l'ossuaire spécial ou le jardin du souvenir doivent comporter un dispositif réalisé en matériaux durables sur lequel sont gravés les noms des personnes exhumées.
De la même manière, ces noms sont consignés dans un registre tenu à la disposition du public. Ces obligations subsistent même si aucun reste n'a été retrouvé (article R.2223-6 dernier alinéa).
( Lorsque toutes ces formalités ont été accomplies, la commune peut à nouveau concéder le terrain repris à une autre personne (article R.2223-21 du CGCT).
- Tableau récapitulatif de la procédure de la procédure -
Modèles d'actes:
Avis à afficher à la porte de la mairie et du cimetière
Procès-verbal constatant l'état d'abandon d'une concession
Notification du procès-verbal constatant l'état d'abandon d'une concession et mise en demeure de la rétablir en bon état d'entretien
Certificat constatant l'affichage d'extraits du procès-verbal relatif à l'état d'abandon d'une concession
Acte de notoriété relatif à une concession
Délibération décidant la reprise d'une concession en état d'abandon
Arrêté prononçant la reprise d'une concession en état d'abandon
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